ENQUÊTE CANNABIS
Issaguen (Ketama), la capitale mondiale du kif, est une ville chaotique.
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se raccorder à l’électricité. Il règne en maître sur ce terri- toire. Tout le long de la route, nous croiserons une dizaine de villas du genre. Et plus nous avançons vers Al-Hoceïma, plus les villages sont plus propres, mieux construits, moins anarchiques, plus soigneux. Le Kif n’est décidément pas le même pour tous les Jbalas et Rifains. Envisager Ketama et ses
Leur savoir-faire, leur ancienneté, leur technique, leur sol, la générosité de l’eau fait que la culture du cannabis est presque devenue une monoculture, ancrée, sacrée, «une bénédiction». «Les autres tribus doivent arrêter de produire du kif. Cela ne sert à rien, le nôtre est meilleur, ils ne savent pas s’y prendre», nous dit un jeune de Bab Berred, avant de nous proposer une petite course que nous déclinons gentiment.
alentours sans kif nous semble être une utopie. Lorsque nous avons demandé à des habitants de Ketama où se trouvait la coopérative de champignons que nous cherchions pour voir un exemple de pro- jets d’activités alternatives, ils ont eu du mal à cacher leurs rires. «Ce genre de projets, c’est juste pour faire joli. Ils n’ar- rêteront jamais le kif à Ketama», affirme l’un d’entre eux. «Si vous désirez autre chose, voici mon numéro, je vous prépare- rai un bon thé», nous lance-t-il. Lorsque nous trouvons enfin la coopérative, notre
Sur la route reliant Issaguen à Al-Hoceïma, via Targuist, changement de décor. La mon- tagne boisée de cèdres laisse place à une terre rouge et un des flans de montagne dénudés, battu par les vents. Au détour d’un virage, une luxueuse berline allemande noire, jantes rutilantes, vitres teintées, immatriculée à Rabat, se ballade. Ici, les barons, appelés «abatera», sont chez eux. En contrebas, dans la vallée, des champs labourés à la couleur rouge caractéristique. Dans quelques mois, ces mêmes champs
«Les autres tribus doivent arrêter de produire du kif. Cela ne sert à rien, le nôtre est meilleur, ils ne savent pas s’y prendre».
déception est grande : une simple salle couverte, déserte. Aucune trace de champignons, ni la moindre activité. On nous dit que le projet est encore en construction. Et nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que lutter avec ce genre de projet contre le cannabis à Ketama, c’est comme vouloir vider la mer à l’aide d’une cuillère.
seront vert foncé. Puis, au milieu de nulle part, surgit une gigantesque bâtisse, mi-villa mi-ferme, disposant d’un espace de stockage, de larges terrasses et d’une vue imprenable sur la vallée. C’est le nid d’un baron, nous dit-on. C’est là où il stocke sa production, et reçoit ses invités. Ce baron a même réussi à construire une route et
8 I FINANCES NEWS HEBDO [ ENQUÊTE ]
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