FNH N° 1075 ok

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

MERCREDI 31 AOÛT 2022

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◆ Le 10 octobre 2004, la promulgation de la loi n° 70.03 constituant Code de la famille au Maroc a été perçue comme une véri- table révolution législative et sociale. Or, en 2022, soit 18 ans après, ce texte est considéré comme étant insuffisant, voire dépassé. ◆ Dans son discours prononcé le 30 juillet dernier à l’occasion du 23 ème anniversaire de la fête du Trône, le Roi Mohammed VI a appelé à une réforme de la Moudawana, de façon à garantir les droits de tous, hommes et femmes. ◆ Entretien avec Me Nesrine Roudane, avocate au Barreau de Casablanca, présidente de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM, médiatrice commerciale et arbitre associée en charge du bureau de Casablanca Al Tamimi & Company. «L’innovation dans la Moudawana se heurte à la résistance culturelle et sociale» Code de la famille

Propos recueillis par M. Ait Ouaanna & M. Boukhari

Finances News Hebdo : Depuis plu- sieurs mois, le Code marocain de la famille suscite de nombreux débats. Malgré son caractère novateur, ledit code n’a pas su s’adapter aux diffé- rents changements qu’a connus la société et n’a pas, non plus, donné les objectifs escomptés. Quels étaient donc les obstacles à la mise en application de ce texte de loi ? Me Nesrine Roudane : Dans son dernier discours du Trône, le souverain a affir- mé l’existence de certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme de la Moudawana et d’atteindre les objectifs escomptés. En effet, si la Moudawana n’a pas été scrupuleusement appliquée, c’est à cause de plusieurs obstacles socio-juri- diques et culturels qui viennent contrecarrer sa mise en application au sein de la société marocaine. Réformer un texte juridique est une chose, l’appliquer à la société en est une autre. A vrai dire, les innovations du Code de la famille font l’objet d’une résistance sociale et culturelle débouchant sur des fausses interprétations. En effet, dans une socié- té patriarcale, certaines études rapportent le déséquilibre dans la relation entre les hommes et les femmes qui peut se manifes- ter dans la gestion de la relation familiale et professionnelle et dans la normalisation de ce déséquilibre. Le Code de la famille cherche à instaurer le principe d’égalité homme-femme et à ren- forcer les droits de la femme, de la famille et

Si la Moudawana n’a pas été scrupuleuse- ment appli- quée, c’est à cause de plusieurs obs- tacles socio- juridiques et culturels qui viennent contrecarrer sa mise en application.

de l’enfant. Mais force est de constater que les dispositions dudit code ont eu quelques problèmes d’application et d’interprétation en raison d’un manque d’ancrages social et institutionnel dans un environnement où se manifestent plusieurs signes de résistance à la culture égalitaire. Une mise en application de la Moudawana en profondeur nécessitait une médiatisa- tion et une diffusion de la réforme à grande

échelle pour une meilleure sensibilisation de ses avantages. Les citoyennes marocaines n’ont été que très peu sensibilisées à leurs nouveaux droits. Impossible donc pour les femmes de défendre leurs droits quand elles ne les connaissent pas. Une démarche pédagogique aurait pu éventuellement per- mettre une meilleure adhésion à l’esprit du texte. L’incompréhension massive de la Moudawana est donc un frein à sa consé-

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