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JEUDI 2 ET VENDREDI 3 JUILLET 2020

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F.N.H. : Dans le cadre de l'apprentis- sage, le problème n'est-il pas plus complexe et spécifique tant pour les étudiants que les professeurs ? Y. B. M. : C'est un défi pour les étudiants et les professeurs. Il est toujours difficile de s'adapter au changement. Tout d'abord, les professeurs doivent faire confiance au système et compter sur lui pour confier des devoirs à l'étudiant. D'un autre côté, les étudiants ne doivent pas s'ennuyer, mais doivent se tenir responsables lorsqu'ils étu- dient seuls. Il est très facile de se laisser distraire. Avec un apprentissage personnalisé où cha- cun va à son rythme, je crois vraiment que nous pourrions avoir des diplômés brillants du secondaire à l'âge de 12 ans. Dans un autre sens, vous pourriez avoir quelqu'un qui est académiquement brillant, mais qui n'est pas assez mature pour aller à l'univer- sité. Cela soulève de sérieuses questions. Les étudiants ont tendance à être regroupés dans la même classe, non seulement parce que leur niveau académique est similaire, mais aussi en raison de leur niveau de matu- rité. Désormais, l'IA regroupe les étudiants en fonction de leur niveau académique. Il lui sera difficile d'accélérer le niveau de matu- rité de l'enfant. Avoir des enfants de 12 ans dans les universités peut être un problème à l'avenir. F.N.H. : Peut-on imaginer, dans le futur, un enseignement uniquement basé sur l’IA, sans professeur ? Ou est-ce que l’élément humain sera toujours indispensable pour assurer un niveau qualitatif au système édu- catif ? Y. B. M. : Une intervention humaine sera nécessaire pour surveiller les niveaux de maturité et les attitudes comportementales des élèves. Du côté académique, l'IA devrait pouvoir s'occuper de tout. Cependant, ces étudiants devront être capables de présen- ter, de poser des questions et de s'exprimer aux autres. Cette partie sera beaucoup plus difficile à automatiser. Les domaines scientifiques seront plus faciles à automatiser que ceux de la litté- rature. Cependant, à l'avenir, l'IA fera une grande partie du travail que les enseignants font actuellement. Les enseignants reste- ront pour résoudre les problèmes d'atti- tude. L'école ne consiste pas seulement à apprendre les mathématiques, à lire et à écrire. L'école est une institution de vie, qui

En sep- tembre 2019, le Maroc a inauguré la première école d’intel- ligence artificielle d’Afrique à l’Université Euromed de Fès.

permet de grandir en tant que personne au sein d'une communauté. J'ai quelques craintes à l'idée que l'IA pro- duise des robots capables de lire, écrire et résoudre des problèmes, mais à qui il manquerait cette connexion humaine. Ils ne pourraient guère interagir avec les gens de manière accueillante. Voilà quelque chose sur laquelle nous devons encore travailler. F.N.H. : Quelles innovations basées sur l'IA peut-on s'attendre à voir émerger dans le domaine de la santé dans l'avenir en matière d'anticipa- tion, de gestion et de lutte contre les pandémies ? Y. B. M. : Le champ des possibles est vrai- ment très large. Tout d'abord, l'apprentis- sage automatique aidera à prédire les réac- tions individuelles du virus. Par exemple, nous pourrions l'utiliser pour comprendre les risques de décès à l'échelle individuelle, déterminer si le patient aura besoin d'un lit d'hôpital, combien de temps cela prendra-t- il pour le guérir, et ainsi de suite, en tenant compte de son dossier de santé. Nous utiliserons toutes ces informations pour mieux préparer le pays en prenant en considération les limites de notre système de santé. Nous pourrons également essayer de prédire la vitesse à laquelle le virus se

propage, et dans quelle direction. Étant donné les données individuelles des utilisateurs, telles que leur lieu de résidence, leur communauté, leur fréquence d'interac-

tions sociales, nous pourrons avoir une bonne c o n n a i s s a n c e de l'avancement de la pandémie, et prendre les mesures néces- saires en consé- si quelqu'un pré- sente un risque quence. Savoi r

Une intervention humaine sera néces- saire pour surveiller les niveaux de matu- rité et les attitudes comportementales des élèves.

élevé ou faible du virus permettra d'établir une stratégie de confinement optimale. Si la majorité des gens n’est pas affectér, nous devrions pouvoir les laisser continuer leur vie. Seuls ceux qui sont à haut risque devraient maintenir une distance sociale. L'IA nous aidera à cet égard, ainsi qu'à optimiser correctement les ressources. Par exemple, avec la COVID-19, en collectant suffisamment de données, nous pourrions peut-être prédire les personnes les plus susceptibles d'être asymptomatiques, leur permettre de vivre leur vie «normale» tout en protégeant les plus «faibles» d’entre nous. ◆

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