ECONOMIE
13
FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 12 JUIN 2025
précarité du travail, du dum- ping social, et une concurrence déséquilibrée pour les petites entreprises formelles. La majo- rité des unités informelles échappe à toute couverture sociale, à la fiscalité profes- sionnelle, et ne respecte ni les normes sanitaires ni les stan- dards environnementaux. Ces unités sont devenues pourtant des maillons essentiels dans des filières structurées. La question se pose alors : faut- il formaliser à tout prix ou recon- naître l’existence d’un entre- deux économique, et adapter la régulation en conséquence ? Les dispositifs actuels comme le statut d’auto-entrepreneur ou la contribution profession- nelle unique peinent à capter la diversité des acteurs informels, notamment les plus petits, sans local fixe, souvent sans capital ni capacité d’enregistrement. Pour Edman, «le Maroc gagne- rait à concevoir des méca- nismes souples d’insertion partielle : un ‘statut d’activité occasionnelle’, une plateforme de contrats simplifiés entre entreprises formelles et pres- tataires informels, ou des inci- tations fiscales ciblées pour encourager l’enregistrement progressif. Le risque, à terme, serait de laisser prospérer une économie duale, où coexistent deux régimes concurrents mais déséquilibrés». Car si l’informel continue de représenter près de 14% de la valeur ajoutée nationale hors agriculture, il ne bénéficie pas d’un cadre propice à sa mon- tée en gamme. L’absence d’ac- cès au crédit bancaire (97,9% des unités), aux infrastructures numériques, ou à la commande publique empêche toute conso- lidation. L’hybridation actuelle ne fait que masquer cette fra- gilité. Le Maroc est donc face à un dilemme stratégique : ignorer ces zones grises, au risque d’enraciner les inégalités éco- nomiques, ou inventer un cadre innovant pour accompagner une transition progressive, dif- férenciée selon les secteurs. ◆
Les dispositifs actuels comme le statut d’auto-entrepreneur ou la contribution professionnelle unique peinent à capter la diversité des acteurs informels.
Informel-formel Une hybridation cachée, mais présente Les derniers chiffres du haut-commissariat au Plan révèlent une montée significative des échanges entre le secteur informel et les unités de production formelles au Maroc. Cette hybridation représenterait-elle un levier de transformation positive ou un risque pour l’économie marocaine ?
L
Par Désy M.
e secteur informel marocain reste d’une ampleur consi- dérable avec plus de 2 mil- lions d’unités de production, représentant environ 33% de l’emploi non agricole. Mais une lecture attentive des dernières données du haut-commissariat au Plan (HCP) révèle une évo- lution moins visible : l’interpé- nétration croissante entre les sphères informelle et formelle. En 2023, 33,7% des approvi- sionnements des unités infor- melles provenaient d’entre- prises formelles, contre 18,2% en 2014. De même, les ventes du secteur informel au secteur formel, bien que modestes, ont quintuplé sur la même période, passant de 0,5% à 2,4%. «L’informel ne se limite donc plus à un marché de survie ou à un sous-système économique marginal. Il s’insère progressi- vement dans des chaînes de
réel dans celui du transport de marchandises, où des flottes de véhicules non immatricu- lés à titre professionnel sont mobilisées par des structures formelles, notamment dans les circuits courts urbains. Le commerce de détail, souvent dominé par l’informel, devient également un canal de distri- bution pour des produits issus d’industries déclarées. Ce phénomène, à la frontière de la régularité, interroge. Car derrière cette coopération dis- crète, se cachent des distor- sions majeures, à savoir une perte fiscale pour l’État, une
valeur partagées, à la fois four- nisseur et sous-traitant discret, d’un secteur formel qui y trouve un levier de flexibilité, de réduc- tion des coûts ou de proxi- mité» , déclare Hassan Edman, professeur d’économie et ges- tion à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Agadir. Dans le secteur du BTP, par exemple, cette hybridation est flagrante. Une entreprise for- melle de second œuvre peut sous-traiter ponctuellement à des artisans informels pour des travaux de peinture ou d’élec- tricité. Le constat est tout aussi
L’informel s’insère progressivement dans des chaînes de valeur partagées, à la fois fournisseur et sous-traitant discret, d’un secteur formel qui y trouve un levier de flexibilité, de réduction des coûts ou de proximité.
www.fnh.ma
Made with FlippingBook flipbook maker