ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 12 JUIN 2025
des règles allégées, ils pourraient obtenir des avantages concur- rentiels face aux entreprises for- melles soumises à toute la règle- mentation fiscale et sociale. Bien que cette discrimination positive soit intentionnelle, elle peut créer un sentiment d'injustice chez les opérateurs formels et les contri- buables réguliers. De même, une fiscalité «souple» pour les ex-informels peut être détournée par de grands pro- ducteurs pour éviter le régime normal sous prétexte de micro- activité. Certaines entreprises peuvent délibérément rester sous le seuil de formalisation complète pour bénéficier d'exonérations sociales ou administratives. L'informalité permet à de nom- breuses personnes de subsis- ter et d'éviter le chômage, mais favorise aussi la précarité sur le marché du travail. L'État risque d'offrir des protections sociales minimales, maintenant les tra- vailleurs dans une semi-préca- rité, tout en pénalisant l'économie nationale par un manque signifi- catif de recettes fiscales et des cotisations sociales. Face aux chocs comme une baisse de la demande, les opéra- teurs informels réagissent rapide- ment et de façon pragmatique. Ils choisissent les solutions les plus simples et économiques pour eux. Ils diminuent rapidement le temps de travail, renvoient du personnel, réduisent leurs coûts d'approvisionnement et parfois même leurs coûts de production. Ces ajustements nuisent souvent à la qualité des produits ou ser- vices et au respect des normes sanitaires et environnementales. Ce déséquilibre engendre éga- lement des pratiques nuisibles à l'environnement et un déficit de responsabilité sociétale, difficiles à maîtriser sans réglementation rigoureuse et sanctions en cas de non-respect. Par exemple, pour les déchets solides, les petits pro- ducteurs informels ou semi-for- mels les évacuent généralement dans des espaces ouverts ou, au mieux, dans les conteneurs et bacs communaux, au lieu d'utili- ser des systèmes de gestion plus écologiques. ◆
L'informalité permet à de nombreuses personnes de subsister et d'éviter le chômage, mais favorise aussi la précarité sur le marché du travail.
acheteurs publics à réserver 30% des commandes aux PME, coo- pératives et auto-entrepreneurs. Les opérateurs informels avancent un argument purement écono- mique, sans que cela consti- tue ici une prise de position. Ils craignent une taxation excessive de leurs revenus et considèrent les charges sociales comme trop contraignantes pour assu- rer, selon eux, une bonne gestion budgétaire. Plus les charges sont allégées ou adaptées proportion- nellement au volume d'activité, à la nature de l'entreprise et à la taille de l'unité de production, plus les relations et transactions entre petits producteurs et grandes structures deviendront saines et correctement comptabilisées. L'économie invisible se caracté- rise par son ancrage local et son intégration dans les systèmes de production locaux. Elle offre un accès fluide et facile aux per- sonnes entreprenantes et créa- tives, avec des exigences réduites en termes d'investissement initial, de démarches administratives, de compétences organisation- nelles et de besoins en infrastruc- tures ou locaux professionnels. Les chiffres de l’enquête du HCP le confirment : seuls 14,2% des acteurs informels sont assujettis à la taxe professionnelle, 9,8% sont
créations s'appuient sur l'autofi- nancement et 91% du fonction- nement quotidien dépend des fonds propres (Enquête du HCP 2023). Seuls 2,1% ont un compte bancaire professionnel, et 56,6% refusent de s'endetter. L'emploi présente une situation préoccu- pante avec 2,53 millions d'emplois informels, sans contrat et très peu protégés socialement. Ces petites unités informelles, souvent fami- liales, ont besoin d'un marché du travail adapté, d'autant que 77% recrutent encore via leur réseau personnel («bak sahbi»), sans considérer les critères de mérite. Quels risques cela pose-t-il en matière de concurrence, de fiscalité ou de politique sociale ? Peut- on parler d’un «formalisme à géométrie variable» au Maroc ? F. N. H. : H. E. : D'abord, il existe un risque de brouiller les frontières entre secteurs formel et infor- mel. Ensuite, si certains acteurs informels sont régularisés avec
affiliés à la CNSS, 7,5% figurent au registre du commerce, et à peine 1,7% ont adopté le statut d'auto-entrepreneur. Ainsi, au-delà de l’aspect écono- mique, les politiques publiques doivent intégrer les facteurs sociaux, territoriaux, de l'inclusion sociale et de l'approche genre, notamment pour créer un envi- ronnement favorable aux «petits» entrepreneurs locaux et talen- tueux, à fort potentiel, notamment parmi les femmes. Selon le HCP, la présence féminine dans le sec- teur informel a reculé de 8,8% en 2014 à 7,6% en 2023. Les hommes y restent majoritaires, tandis que le potentiel féminin se limite à des travaux manuels, dans des systèmes de production où les intermédiaires captent les marges au détriment des véri- tables productrices. C’est le cas dans la couture, la broderie, le tis- sage, l’artisanat, la cuisine tradi- tionnelle marocaine et les services à domicile. Il faut également orienter les efforts vers les aspects financiers et l'emploi. La bancarisation et l'accès aux ressources finan- cières restent compliqués pour les petits entrepreneurs, surtout informels. Des solutions de finan- cement innovantes et adaptées sont nécessaires, car 72,2% des
L'emploi présente une situation préoccupante avec 2,53 millions d'emplois informels, sans contrat et très peu protégés socialement.
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