FNH N° 1199 V2

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 12 JUIN 2025

Commerce extérieur Où se cache vraiment le potentiel de croissance ? Les exportations marocaines ont doublé en dix ans, mais tournent toujours autour des mêmes pôles, des mêmes marchés et des mêmes produits. À l’heure d’une nouvelle feuille de route, le pays cherche à élargir sa gamme de potentiel exportable. À quoi correspond ce potentiel ? Quels secteurs et quels produits peuvent véritablement porter la croissance future des exportations marocaines ? Par Y. Seddik

Des gisements encore peu exploités Dans sa feuille de route, le gouvernement évoque la mobilisation de «200 produits à fort potentiel», sans en divul- guer la liste complète. Mais certaines filières commencent d’ores et déjà à émerger comme des candidates cré- dibles à la croissance exporta- trice. C’est le cas, notamment, de l’agro-industrie transfor- mée. Le Maroc exporte depuis longtemps des produits bruts (fruits, légumes, huile d’olive), mais peine à franchir le cap de la transformation industrielle, là où réside pourtant la vraie valeur ajoutée. Pour notre expert, le développement de gammes certifiées bio, halal ou prêtes à consommer repré- sente un axe stratégique, en particulier pour répondre à la demande croissante des diasporas africaines et euro- péennes, de plus en plus sen- sibles à la qualité et à la tra- çabilité. La chimie, et plus largement la parachimie, offre un autre levier encore sous-exploité. Si les phosphates continuent de dominer les exportations, la diversification vers des pro- duits spécialisés comme les engrais techniques ou les molécules pharmaceutiques reste embryonnaire. Ici, le Maroc dispose d’un avantage matière première, mais l’appa- reil industriel peine à suivre sur les segments à forte valeur scientifique ou technologique. Le secteur du textile, quant à lui, tente une reconversion vers le haut de gamme. Le repositionnement vers des vêtements techniques ou des tissus recyclés, à plus forte intensité environnementale ou technologique, pourrait offrir un refuge face à la concur- rence asiatique, qui domine le segment des produits à bas prix. Mais cette mutation reste encore marginale, portée par quelques industriels pionniers. Dans l’électronique, la pro- duction de composants et de capteurs, notamment pour

 Le Maroc vise une nouvelle étape dans sa politique d’exportation : sortir de la dépendance de quelques filières dominantes et explorer de nouveaux secteurs à fort potentiel.

L

e Maroc exporte plus que jamais. En 2024, les ventes à l’international ont franchi la barre des 455 milliards de dirhams, contre 185 milliards en 2012. Pourtant, selon les estimations du ministère du Commerce extérieur, environ 120 milliards de dirhams de potentiel exportable restent encore inexploités. Une marge considérable, qui alimente l’ambition de la feuille de route 2025-2027 pour le commerce extérieur.

croissance soutenue grâce aux implantations de Renault et Stellantis. Mais la part de la valeur ajoutée locale reste encore trop faible. «Exporter des véhicules, ce n’est pas for- cément exporter de la richesse si 60 à 70% des composants sont importés» , avertit Tahiri. «Le défi, c’est de localiser davantage les chaînes d’ap- provisionnement, y compris sur les pièces critiques ou stra- tégiques» , explique-t-il. Même constat pour l’aéronau- tique où le Maroc s’est posi- tionné comme sous-traitant qualifié, avec un taux d’inté- gration locale de 43%, mais sans maîtrise technologique sur les produits de plus forte valeur.

«Le Maroc a terminé la phase de rattrapage industriel. Ce qui reste à aller chercher relève d’une transformation plus fine, plus qualitative. On entre dans l’exportation complexe», nous explique Hafid Tahiri, écono- miste et consultant en com- merce international. À ce jour, six filières captent 92% des exportations maro- caines, notamment l’automo- bile, les phosphates, l’aéronau- tique, le textile, l’agriculture et l’électronique. Cette concen- tration traduit la structuration progressive de pôles indus- triels, mais elle représente aussi une vulnérabilité en cas de choc sectoriel. L’automobile, premier poste d’export du pays, a connu une

Le vrai gisement est parfois dans ce qu’on ne voit pas, notamment les produits intermé- diaires, les biens de spécialité, les niches B2B qui échappent à l’export grand public.

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