ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 12 JUIN 2025
l’industrie automobile ou les dispositifs de gestion de l’énergie, commence à émer- ger. Néanmoins, les capacités de production locales restent fragmentées et ne permettent pas encore de répondre à une demande internationale de masse. Le défi réside autant dans la consolidation de la filière que dans l’industrialisa- tion à l’échelle. Enfin, les cosmétiques natu- rels à base d’argan, de figue de barbarie ou de plantes médicinales bénéficient d’une forte notoriété à l’international. Mais cette image ne s’est pas encore traduite en volumes exportés conséquents. Les chaînes de production sont encore majoritairement arti- sanales, peu normalisées, et rarement capables de franchir les exigences d’exportation vers les marchés à forte régle- mentation. «On a souvent tendance à chercher des relais de crois- sance là où l’on produit déjà» , constate Tahiri. «Or, le vrai gisement est parfois dans ce qu’on ne voit pas : les pro- duits intermédiaires, les biens de spécialité, les niches B2B qui échappent à l’export grand public» , explique-t-il. Pour lui, une politique de soutien à l’exportation réellement tour- née vers la création de valeur ne peut faire l’économie d’un repérage fin de ces niches, ni d’une réflexion stratégique sur les secteurs porteurs hors des sentiers battus. Entre contrainte productive et arbitrage stratégique Mais le potentiel ne dépend pas que des produits : il dépend surtout de la capa- cité du pays à les produire de façon compétitive, aux normes internationales, et en quantités suffisantes. Or, c’est là où le bât blesse. De nombreuses PME n’ont pas les certifications nécessaires, ni les capacités d’investisse- ment pour adapter leurs lignes de production aux exigences étrangères. L’écosystème
Avec sa nouvelle feuille de route, le Maroc entend élargir sa gamme exportable et activer de nouveaux relais de croissance.
industriel reste fragmenté, et les passerelles entre R&D, production et logistique sont encore faibles. «Le Maroc a du potentiel, mais il lui faut des filières, pas seu- lement des usines» , résume notre interlocuteur, ajoutant que «ce qu’on attend d’un pays exportateur aujourd’hui, c’est une cohérence secto- rielle. C'est-à-dire une offre lisible, stable, soutenue par une marque pays à l’image du label Made in Morocco». La diversification souhaitée par le gouvernement semble osciller entre deux logiques : d’un côté, l’élargissement de la base exportatrice à plus d’en- treprises; de l’autre, la montée en gamme sur les filières exis- tantes. Or, ces deux ambitions ne requièrent pas les mêmes outils. «C’est là où le flou persiste : veut-on exporter davantage de produits classiques avec plus d’acteurs, ou veut-on pousser certains secteurs vers l’inno- vation et la spécialisation ? Les deux sont légitimes, mais il faut des choix cohérents», estime-t-il. D’autant que les débouchés eux-mêmes évoluent. L’Europe reste le premier client, mais les normes y deviennent de plus
suffira pas si elle ne s’accom- pagne pas d’un investissement soutenu dans la capacité pro- ductive locale, la certification, la logistique, et surtout dans la formation du capital humain. Le potentiel existe donc. Il est sectoriel, mais aussi structurel. La feuille de route peut réussir à le révéler, à condition de comprendre que la croissance n’est plus une affaire de flux. Elle est devenue une affaire de contenu. ◆
en plus strictes. Les marchés africains offrent des volumes croissants, mais demandent des produits adaptés, avec moins de contraintes tech- niques mais davantage de flexibilité logistique et com- merciale. Le Maroc a encore des cartes à jouer sur le terrain exportateur, à condition d’assumer une stratégie de transformation de son offre. L’identification des produits à fort potentiel ne
Partenaire vital, dépendance structurelle L’Europe
L’Union européenne capte à elle seule près de 70% des exportations marocaines. Ce lien historique, consolidé par des accords de libre-échange et une forte proxi- mité géographique, a permis au Maroc d’accroître rapidement ses volumes expor- tés depuis deux décennies. Mais cette concentration, qui a longtemps constitué un avantage, devient aujourd’hui un risque stratégique. D’une part, les normes environnementales imposées par Bruxelles, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), imposeront des sur- coûts croissants à certains produits marocains à faible contenu vert. D’autre part, la demande européenne reste vulnérable aux chocs internes : inflation, ralentis- sement industriel, tensions géopolitiques. «Le Maroc reste très euro-compatible, mais cette compatibilité pourrait se retour- ner contre lui si elle bride son adaptation à d'autres marchés», précise Tahiri. «Diversifier les produits sans diversifier les débouchés revient à tourner en rond», conclut-il. Face à ce constat, la feuille de route 2025-2027 prévoit de cibler 22 pays jugés stra- tégiques, en particulier en Afrique de l’Ouest, dans le Golfe et en Amérique latine. Mais la réorientation géographique exigera des efforts d’adaptation de l’offre marocaine tant en termes de formats, de normes, que de logistique commerciale.
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