POLITIQUE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 12 JUIN 2025
à l’Etat, sous forme de taxes non perçues ou de subventions accordées aux importateurs, sans pour autant empêcher les prix du mouton de s’envo- ler à 6.000, 7.000, voire 8.000 dirhams par tête. Des niveaux inaccessibles pour la majorité des ménages, y compris ceux de la classe moyenne. Cette politique montre que quelques acteurs, étroitement liés à un parti précis de la coalition gou- vernementale, ont été avanta- gés. Il convient de souligner un point : ce gouvernement, et plus particulièrement le RNI, conteste nos chiffres en préten- dant que nous les inventons. Or, nous n’avons rien inventé : nos données proviennent d’un document officiel du ministère des Finances, auquel l’exécutif a répondu par une autre note du ministère de l’Agriculture. J’aimerais leur dire : réglez d’abord vos contradictions ! Le ministre chargé du Budget est venu confirmer, devant le Parlement, l’exactitude de nos chiffres. De plus, l’un des secré- taires généraux des partis de la majorité a tenu le même propos que nous. Le PAM, pour sa part, a publié un communiqué de son bureau politique en plein mois de Ramadan, appelant à l’arrêt de cette politique de subven- tions, estimant qu’elle ne pro- fitait qu’à quelques privilégiés du secteur des viandes rouges. Dans d’autres domaines égale- ment, plusieurs sociétés ont été «premières arrivées, premières servies», grâce à leur proximité avec les cercles gouvernemen- taux. L’exemple le plus flagrant de ce conflit d’intérêts est l’usine de dessalement de Casablanca: un appel d’offres lancé par le gou- vernement, remporté… par l’en- treprise dirigée par le chef du gouvernement lui-même. Nous faisons donc face à une opacité totale dans la gestion publique. Or, l’une des premières condi- tions de toute réforme écono- mique prônée par le Nouveau modèle de développement est la lutte contre la rente, la cor- ruption, les conflits d’intérêts
et toute forme de prévarication, tant sur le plan économique que dans la gestion de l’intérêt général. Avec l’équipe actuelle, nous en sommes encore très loin. Nous avons maintes fois dénoncé ces pratiques, sans résultat jusqu’à présent. F.N.H. : Le gouvernement se targue d’un taux de croissance positif mal- gré un contexte mondial tendu. Pensez-vous que cette performance macro- économique masque une fracture sociale plus grave ? N. B. : Rappelons-le : ce gou- vernement avait brandi dix engagements majeurs. Devant le Parlement, Aziz Akhannouch promettait notamment une croissance de 4%. Or, cet objectif reste hors de portée : au mieux, elle plafonne à 3%, souvent moins, et certaines années depuis 2021 ont affi- ché des niveaux plus faibles encore. Pas de motif, donc, à se féliciter d’une simple crois- sance positive. Depuis vingt- cinq ans, tous les exécutifs successifs y sont parvenus. Autre promesse phare : créer un million d’emplois grâce à un sursaut d’activité et à la relance toujours attendue de l’investis- sement national et étranger. La réalité est tout autre : le pays a, en vérité, perdu quelque 435.000 postes. Conséquence directe : le chômage oscille entre 13% et 13,7%, un sommet inédit depuis un quart de siècle, révé- lateur de l’échec de la politique économique actuelle. Le gouvernement assurait aussi vouloir élargir la classe moyenne. Or, d’après le HCP, 3,2 millions de personnes vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Concernant l’en- gagement de porter le taux d’activité des femmes de 19 à 30%, nous constatons plutôt un recul d’un point pour s’éta- blir à 18%. En somme, les chiffres contre- disent clairement les ambitions affichées.
F.N.H. : Pourtant, ce gou- vernement bénéficie d'une majorité très confortable pour réaliser sa politique et faire passer toutes ses réformes… N. B. : Ce gouvernement dispose certes d’une majorité confortable, mais mène une politique large- ment désavouée par la popula- tion. Le RNI, chef de file de la coalition, a investi des moyens financiers sans précédent pour s’imposer lors des dernières élec- tions. Depuis, ses responsables ne cessent de clamer qu’ils sont "premiers partout". Soit. Mais cela ne les a pas empêchés, malgré leur hégémonie sur les 12 régions, les grandes villes, la
Chambre des représentants et celle des conseillers, d’essuyer un désaveu généralisé. Je les mets au défi d’aller à la ren- contre du peuple, toutes classes confondues, des plus aisées aux plus démunies. Partout, on fera le même constat : ce gouvernement ne suscite ni adhésion ni espoir. Il est perçu comme incapable d’ap- porter du concret. Tout ce qu’on retient de son action se résume à une flambée des prix, un chô- mage endémique, des conflits d’intérêts et un désert politique. F.N.H. : Vous avez qualifié le gouvernement de «fermé au dialogue» et dénoncé une «mise sous cloche de l’expression citoyenne». Est-ce le symptôme d’une dérive autoritaire ou sim- plement d’un désintérêt pour le débat démocra- tique ? N. B. : Le gouvernement refuse
Tout ce qu’on retient de l’action de ce gouvernement se résume à une flambée des prix, un chômage endémique, des conflits d’intérêts et un désert politique.
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