Carillon_2017_12_21

La femme que rien n’arrête

Chassée par la guerre, Josée Sahoua Nekpato atterrit dans le camp de réfugiés ivoiriens d’Ampain au Ghana en 2011, mais jusqu’au 20 septembre 2016, elle était à une année-lumière de s’imaginer qu'elle se retrouvera un jour dans un village canadien du nom de L’Orignal.

FRÉDÉRIC HOUNTONDJI frederic.hountondji@eap.on.ca

pays. « Quand la guerre est arrivée en Côte- d’Ivoire, c’était vraiment pénible. On a subi des atrocités. On a subi des viols. On a subi vraiment plein de choses. Ce n’est pas facile de ramener tout ça. Je me suis réfugiée au Ghana dès le 20 juin 2011. Ma grande sœur et ses quatre enfants sont allés au Togo dans un camp de réfugiés aussi. Mes parents, chacun est allé où il pouvait se réfugier », rapporte, pleurs dans la voix, Mme Nekpato, la quarantaine coiffée. En réalité, le chapelet de ses souffrances, elle l’égrenait depuis 2002, année à laquelle un premier conflit a dévasté sa « nation ». « Je peux dire que la guerre a commencé en 2002 et le pays a été coupé en deux parce qu’il y avait la rébellion au nord et l’armée régulière au sud. J’étais à Bouaké là où il y avait eu cette rébellion, le 19 septembre

2002 », précise-t-elle, tout en tapant ses deux mains l’une contre l’autre, comme pour signifier que c’était la fin d’une vie, l’arrivée de l’apocalypse, surtout pour sa famille qui était particulièrement visée : « Les rebelles cherchaient les gens qui étaient de la même ethnie que le président, l’ethnie Bété, à laquelle j’appartiens. Donc on était obligé de fuir Bouaké pour Abidjan. Je me rappelle très bien, c’était le 10 octobre 2002. » Seulement voilà, Abidjan, la capitale économique, a cessé d’être pour eux un havre de paix en 2011. Une nouvelle guerre a frappé à la porte de leur destin. Dans le sauve-qui-peut général, Mme Nekpato a chuté dans un camp de réfugiés au Ghana, un État voisin de la Côte-d’Ivoire. Les conditions de vie, elle les a décrites comme étant invivables.

« Les réfugiés au Ghana, aujourd’hui, ils sont démunis. J’en sais quelque chose parce que j’étais là-bas, jure-t-elle. On nous donnait un seau de riz de 12 kilos par mois, un peu de sel, un peu d’huile. Maintenant, ça fait un peu plus de trois ans, quatre ans qu’on ne leur donne plus àmanger. Il faut te débrouiller toi-même, il faut te débrouiller. » Le bon samaritain vient du Canada Mais jusqu’au 20 septembre 2016, Josée Sahoua Nekpato, était loin de penser qu’une bonne samaritaine, du nom de Pierrette Leclair, l’attendait à L’Orignal. En effet, en avril 2015, la quadragénaire a été convoquée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Accra qui l’a auditionnée. « Je suis allée à la direction du HCR et là-bas, j’ai été interviewée pour la

Chassée par la guerre, elle atterrit dans le camp de réfugiés ivoiriens d’Ampain au Ghana en 2011, mais jusqu’au 20 septembre 2016, elle était à une année- lumière de s’imaginer que son sauveur se trouvait à plus de 10 000 kilomètres d’elle, dans un village canadien du nom de L’Orignal. Elle vit maintenant à Hawkesbury où elle travaille jour et nuit pour pouvoir payer son loyer, rembourser son prêt de billet d’avion au gouvernement fédéral et aider sa sœur qui vit toujours dans un camp de réfugiés. Bienvenue dans l’univers singulier de Josée Sahoua Nekpato, une immigrante d’exception. En avril 2011, la guerre éclate dans son

Le Carillon, Hawkesbury ON.

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Le jeudi 21 décembre 2017

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