FNH 1011 (1)

JEUDI 18 FÉVRIER 2021 / FINANCES NEWS HEBDO

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SPÉCIAL MONÉTIQUE

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vogue tels (les) que Eminem ou Cardi B catalysent un maximum d’écoutes et donc d’argent. Ce problème s’avère, au fur et à mesure que le streaming s’ancre dans les pratiques culturelles et numé- riques, de plus en plus complexe et profond. Le marché des plateformes, intensément compétitif et dépendant d’échafaudages financiers de plus en plus compliqués et détachés des revenus générés par les écoutes et les abonnements, entraîne ses propres effets pervers qui vont à l’encontre des beaux discours sur le soutien à la création serinés par Spotify, Apple ou Deezer. Une étude, à l’initiative d’Alpha Data Music, faisait état d’une concentration massive des écoutes : sur les 1,6 mil- lion d’artistes dont la musique a été mise à disposition sur les plateformes en 2019, 1% d’entre eux ont capté 90% des écoutes globales. Parmi ces 1%, 10% ont même concentré 99,4% des écoutes. Ce qui signifie que 1,44 million de la communauté d’artistes dont la musique est présente sur Spotify, Apple Music ou Deezer repré- sentent ensemble 0,6% des écoutes globales. Autant dire que le mythe de la corne d’abondance à portée de clics, qui était le principal argument commercial des plateformes aux premiers temps, a fait son temps. Car, au-delà des beaux discours, rien ne dit que les pla- teformes, soumises à des pressions financières énormes et à une prise d’intérêts de plus en plus pugnaces des majors, continuent à s’encombrer de yottaoctets d’œuvres musicales qui n’intéressent qu’une infime partie de leurs abonnés. Ainsi, la très impro- bable «correction» des taux de répar- tition des écoutes, appelée de leurs vœux par de plus en plus de créateurs, ne résoudrait en rien le problème de leur appauvrissement. Le streaming ne fait pas vivre, ni sur- vivre les musiciens. Il est temps que le grand public, toujours plus nom- breux à embrasser le streaming dans ses usages culturels par commodité - mais aussi parce qu’on lui a présenté le streaming comme la seule alterna- tive viable au téléchargement illégal -, en soit informé. Le système n’est pas cassé, il n’a jamais fonctionné. ◆

Chiffre d’affaires mondial de la musique enregistré entre 2001- 2019 (en milliards US $)

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1.6 0.3

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0.3 1.8

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5.2

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3.7

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2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

2019 2018

23.4 21.9 20.4 20.3 19.8 19.2 18.0 16.7 15.6 14.8 14.7 14.7 14.4 14.0 14.5 15.8

18.7 17.0 20.2

Revenu total en milliards US $

Synchronisation

Streaming

Physique

Droits voisins

Téléchargements et autres numériques

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Depuis avril 2018, les écoutes gra- tuites (financées par la publicité) ont été exclues du décompte; seules les écoutes payantes (les abonnements «premium» ) sont désormais comp- tabilisées afin de refléter, dans les classements, un engagement réel du consommateur. Spotify Wrapped 2020 Le flow s'est transformé en flots. Autrefois méprisé par la majorité des professionnels et des grands médias, le rap règne désormais de manière écrasante sur le marché de la musique au Maroc, voire en Afrique. Cette domination s'est transformée en véritable hégémonie sur les strea- ming, les artistes rap, ou plutôt de «musiques urbaines» comme on dit aujourd'hui, trustant sans partage le top des écoutes et visionnages. Après une première édition, Spotify avait annoncé, pour la deuxième fois dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, son «Wrapped 2020» afin de célébrer les créateurs artistiques de l’année. On y trouve trois Marocains sur les 10 meilleurs artistes les plus diffusés en 2020. En tête, El Grande Toto, juste devant le rappeur franco algérien Soolking. Stormy arrive en cinquième place, Madd à la 8 ème place et pour finir Lbenj clôture le top ten. Au niveau des chansons, on trouve en tête du classement El Grande

Toto avec le titre «Love nwantiti (feat. ElGrande Toto) - North African Remix» qui, par ailleurs, est resté plusieurs semaines n°1 du Top. Ce record de longévité en tête du Top est direc- tement suivi par le titre «Fratello» de Khtek, Stormy et Tagne. La chanson «Africain» de Stormy a été le troi- sième titre le plus diffusé au Maroc, à l’heure où «Lalala» de Snor est arrivée en quatrième position. Le titre «Hors-série» de Don Bigg, Draganov, El GrandeToto et Khtek occupe la 5 ème place de ce classement. Aussi, à noter deux productions maro- caines sur les 10 albums les plus diffu- sés au Maroc. «Moroccan Dream» de Tagne est le deuxième album le plus diffusé sur Spotify en 2020 au Maroc. Le très touchant album «Black Rose» de Madd arrive, quant à lui, à la qua- trième place. Effets pervers Comment ça va, le disque ? Pas ter- rible, pour tout dire. Mais disons-le tout net : si la production marocaine tire spectaculairement son épingle du jeu (3 Marocains sur les 10 artistes les plus streamés en Afrique du Nord en 2020), nos élus pourront en profiter pour leur visibilité, mais malheureu- sement non pour, plus pratiquement, leur rémunération. 90% des artistes reçoivent moins de 10.000 dirhams par an, même avec des morceaux streamés 100.000 fois (!). Seule une infime partie de musiciens (nes) en

Le strea- ming ne fait pas vivre, ni survivre les musiciens.

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