FNH N° 1194 V1

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO MERCREDI 30 AVRIL 2025

Propos recueillis par A. Hlimi La due diligence ESG connait une importance croissante dans les opérations de capital investissement. Shirine Ziani, Managing Partner CSR & Sustainability chez Becker Tilly, et Farid Benlafdil, directeur associé chez Wise Company, en expliquent les enjeux. Capital investissement De l’importance de la due diligence ESG

F.N.H. : Les chefs d’entre- prise marocains sont-ils sensibilisés à ces enjeux ? Sh. Z. : Les grandes entreprises, surtout celles liées à des groupes internationaux, sont bien avancées sur ces sujets. En revanche, du côté des PME et TPE, l’ESG est encore perçu comme un coût plu- tôt qu’un levier stratégique. Il y a un manque de ressources internes dédiées à la durabilité, et le recours à des cabinets externes peut être perçu comme onéreux. De plus, le Maroc ne dispose pas encore de référentiel ESG pleinement adapté à son contexte. La demande en due diligence ESG provient donc encore majoritairement des inves- tisseurs internationaux. F. B. : C’est là où le capital inves- tissement peut jouer un rôle struc- turant. Dès l’entrée au capital, un plan d’action ESG est formalisé avec l’entrepreneur. Certains bail- leurs de fonds vont même jusqu’à inclure des clauses de sortie si les engagements ne sont pas tenus. Et avec l’entrée en vigueur de la taxe carbone européenne en 2026, toutes les entreprises exporta- trices devront se mettre à niveau. F.N.H. : Dernière question, quel est le coût d’une due diligence ESG ? Sh. Z. : Cela dépend de nom- breux facteurs : le contexte de la mission, la taille de l’entreprise, le secteur, la maturité ESG, la dis- ponibilité des données, etc. Pour une PME, une mission simple peut démarrer autour de 50.000 dirhams, et aller jusqu’à 150.000 dirhams avec des audits de ter- rain. Pour les grandes structures ou les industries complexes, cela peut aller jusqu’à 500.000 dirhams. Mais ce coût peut être cofinancé par des bailleurs ou des fonds. Il faut vraiment le considérer comme un investissement stratégique. F. B. : Exactement. Prenez l’exemple de l’énergie solaire : en intégrant cette solution, l’entre- prise réduit ses charges énergé- tiques. Il est aussi essentiel de ne pas s’arrêter à l’audit. Il faut ensuite appliquer et suivre le plan d’action avec l’accompagnement du cabinet initial. ◆

exercice de conformité, la due dili- gence ESG est aujourd’hui une étape stratégique dans l’investis- sement. Elle permet d’anticiper des risques majeurs qui pourraient avoir un impact direct sur la valori- sation d’une entreprise. F.N.H. : Peut-on dire que cette diligence est un levier de création de valeur ? Sh. Z. : Absolument. 55% des investisseurs se disent prêts à revaloriser leur ticket d’entrée si l’entreprise montre une matu- rité ESG avancée. Et 80% des résultats de la due diligence ESG sont ensuite utilisés pour définir les plans d’actions post-inves- tissement. C’est aussi un moyen d’améliorer l’accès à des finan- cements verts, de renforcer la réputation de l’entreprise et de se préparer à des réglementations de plus en plus exigeantes, notam- ment en Europe avec la future taxe carbone. Une entreprise qui fait déjà son reporting ESG est bien mieux armée pour répondre à ces obligations. F.N.H. : Avez-vous des exemples concrets d'im- pact sur la valorisation ? Farid Benlafdil : Oui, prenons l’exemple d’un laboratoire phar- maceutique dont le sol est pol- lué. Cette non-conformité environ- nementale engendre un coût de dépollution, donc une sortie de trésorerie. Cela impacte directe- ment la valorisation de l’entreprise au moment de l’entrée au capital. On ne parle pas ici d’une simple vérification de conformité, mais d’éléments qui influencent concrè- tement les décisions d’investisse- ment.

 Shirine Ziani

 Farid Benlafdil

Finances News Hebdo : En quoi consiste une due dili- gence ESG concrètement ? Shirine Ziani : La due diligence ESG, comme toute autre forme de diligence, est un processus d’évaluation. Mais ici, au lieu de se concentrer uniquement sur les chiffres, on s'intéresse à la durabilité, la résilience et la per- formance à long terme de l’entre- prise. On analyse ses impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ce type d’analyse est de plus en plus intégré dans les opérations de fusions-acqui- sitions, de partenariats straté- giques ou d’investissements, car les parties prenantes veulent aller au-delà des états financiers clas- siques. F.N.H. : Quels types de cri- tères sont examinés sur les volets environnemen- taux, sociaux et de gouver- nance ? Sh. Z. : Sur le plan environnemen- tal, on évalue la gestion de l’éner- gie, des ressources naturelles, les émissions de CO 2 , l’utilisation des

énergies renouvelables, la ges- tion des déchets, etc. Sur le plan social, au-delà de la conformité au droit du travail, on s’intéresse à l’équité salariale, à la non-discri- mination dans les recrutements, à l’existence de syndicats et à la contribution de l’entreprise aux communautés locales. En matière de gouvernance, on exa- mine la composition du Conseil d’administration, l’indépendance des membres, les politiques anti- corruption, la transparence dans les reportings ESG, et bien sûr la conformité aux normes interna- tionales. Quelle est aujourd’hui la place de cette démarche dans les pratiques des fonds de pri- vate equity ? F.N.H. : Farid Benlafdil : La demande de due diligence ESG émane surtout des institutions financières inter- nationales (DFI), qui sont souvent les premiers bailleurs de fonds au Maroc. Cette exigence s’est accrue ces dernières années. Initialement perçue comme un

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