Class & Relax N°45

Jean-Emmanuel Hay : Sir Tim Clark, vous avez passé tellement de temps, dans votre vie, à bord d’avions… Vous souvenez-vous de la première fois ?

l'ancien Tata Motor Hotel. Il existe toujours. Le lendemain, je pre- nais un autre avion Super Constellation via Madras jusqu'à Singapour. À Singapour, je descendais à l'hôtel Raffles. Rappelez- vous, j'avais huit ans. J'étais seul, en tant que "mineur non accompagné", comme on disait à l'époque. Les compagnies aériennes s'occupaient de moi, elles ne me quittaient pas des yeux. Ils avaient toujours une femme qui m’accompagnait. Quand je passais la nuit à l'hôtel, une jeune femme passait la nuit avec moi. Le lendemain, je prenais le DC-3 de Malayan Airways : Singapour-Kuching-Brunei. Ensuite, Shell avait son propre De Havilland Prince, un avion bimoteur. Ils venaient me chercher et m'emmenaient au Sarawak. Le voyage durait entre trois jours et demi et quatre jours : une éternité ; les atterrissages étaient incessants. Le Super Constellation volait à une vitesse de croi- sière d’environ 500 km/h. Et puis un jour de janvier... Désolé, je suis en train de répondre à votre question en faisant un petit détour (sourire). En janvier 1960, Air India a été l'un des premiers clients du 707. Vous ren- dez-vous compte ? Air India, qui était dirigée par l'organisation Tata, était une compagnie privée à l'époque, et elle a investi dans

TimClark : Non, pas vraiment. J'étais un bébé (sourire).

Jean-Emmanuel Hay : Quel est votre premier souvenir d'un vol ?

TimClark : C'était en 1952, 1953, un vol dans un DC-6 je crois, je ne suis pas sûr, j'avais 3 ou 4 ans. Mes souvenirs sont plus précis à partir du milieu des années 50, lorsque j'ai volé à bord des Dakota et des DC-3 avec Malayan Airways (aujourd'hui Malaysia Airlines) et Cathay Pacific ; des Super Constellations avec Air India et Qantas ; ou du magnifique Britannia avec la BOAC (British Overseas Airways Corporation, aujourd'hui British Airways) et de l'Electra avec KLM. Sur quoi d'autre ai-je volé à cette époque ? À peu près sur tout. Je pense que mon premier souvenir conscient date de 1954, 53. Je n'avais alors que trois ou quatre ans. Nous prenions beaucoup l'avion, dans le monde entier, parce que mon père travaillait pour Shell Oil. Il était capitaine de pétrolier. Il se déplaçait donc beau- coup. En fin de compte, toute votre vie se passait entre des bateaux et des avions.

Jean-Emmanuel Hay : Quel est votre meilleur souvenir d'un vol, du motif pour lequel vous avez pris l'avion ?

le 707. A ma grande surprise, on m'a fait sortir de London Airport (futur Heathrow Airport), depuis les hangars, de vieilles cabanes Nissan datant de la guerre, et là je suis resté bouche bée devant ce 707 rutilant. Je n'arrivais pas à croire ce que j’étais en train de vivre, en tant qu'enfant. Je me suis dit : "Oh mon Dieu, regardez- moi ça ! » Il y avait des compartiments au-dessus des sièges, pour nos bagages, avec des bouches d’aération, l’éclairage, et de petites lumières au sol, telles des étoiles dans le ciel ! Il n’y avait plus de rideaux aux fenêtres, mais des hublots. Et surtout, il y avait l’air conditionné ! C'était quelque chose de complètement... Je m'en souviens comme si c’était hier ! Je me souviens même du plat qu'ils m'ont servi : un riz au curry, tellement trop cuit qu’il ne restait qu’une sorte de croûte. Et lorsque nous avons commencé à descendre, le mécanicien de bord n'avait pas géré correcte-

TimClark : Je faisais partie de ces enfants qui voyageaient tout le temps pendant les vacances. J'ai commencé à fréquenter un internat au Royaume-Uni, dès l'âge de sept ans. Pendant les vacances, je partais pour Bornéo : à la fin des années 50, un tel voyage était assimilé à un voyage sur Mars. Oui, c'est vrai. Je voyageais seul à cet âge. Le trajet sur Super Constellation était le suivant : Londres-Rome, Rome-Beyrouth, Beyrouth-Bahreïn, Bahreïn-Karachi ou Calcutta, Rangoon, puis Singapour. Si vous preniez l'itinéraire sud, vous faisiez Londres-Rome, Le Caire, Bahreïn, Bombay (Mumbai), puis Madras (Chennai), Singapour, avec Air India. Je descendais à Bombay et j'allais séjourner dans

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