FNH N° 1025

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JEUDI 3 JUIN 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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Arts plastiques

◆ Un peu plus d’un demi-siècle de carrière; une figure indispensable dans l’histoire de l’art de par son militantisme en faveur de l’instau- ration d’une peinture contemporaine marocaine; un explorateur fou du cuivre et la peau; une cote qui a atteint des cimes; une présence remarquable dans les collections les plus prestigieuses… Autant de raisons puissantes qui ont convaincu le Centre Pompidou à lui concocter une rétrospective (jusqu’au 19 juillet) assurément fastueuse. Farid Belkahia, l’empire des signes et des formes

d’affiner son art pour être au diapason. Alors, il met le cap vers l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il y rencontre l’au- teur de Thérèse Desqueyroux , François Mauriac, lequel mettra à sa disposition une chambre à l’Institution catho- lique de la rue Madame. Il prend ensuite son bâton de pèlerin et met les voiles vers Prague. Là, il goûte aux plaisirs du communisme, très en vogue à l’époque dans le milieu artistique ainsi que litté- raire, tout en peignant comme un exalté et en écumant les cours de scénographie à l’Académie de théâtre. Quoiqu’en pivotant entre figu- ration et abstraction, il n’avait pas encore trouvé sa voie, certes, mais son art sem- blait mûrir, s’affiner et, sur- tout, imprimer sa marque. Son label : le cercle et la flèche. Ceux-là font partie de son alphabet plastique et reviennent comme des leitmo- tivs sur ses toiles. Le thème de la souffrance humaine devient obsessionnel. Mais tout n’est pas que jouis-

sance artistique. Belkahia, le militant, découvre que, sous des dehors enjôleurs, le communisme déguise son vrai visage. Il s’empressa d’en prendre congé et chan- gea d’air. Or, sa sensibilité de gauche demeura intacte. De retour au Maroc, les pro- testataires l’attirent (celle de Mahjoub Benseddik particu- lièrement) et il se plaît en leur compagnie. Bouleversement du paysage artistique Quand, en 1962, le secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT) invite Farid Belkahia à prendre les rênes de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, celui-ci accepte sans hésitation, parce que cette institution branlante avait besoin d’un sérieux nettoyage, et pas seulement de façade. Convaincu de l’urgence de la création d’un art contem- porain réellement marocain, tourné vers la modernité tout en étant ancré dans la tra- dition esthétique marocaine, il instaure, avec l’aide de

Mohamed Melehi et Mohamed Chebâa, l’enseignement de l’histoire de l’artisanat maro- cain, du travail du tapis et du bijou à la céramique. Tous trois jeunes enseignants à ladite institution, ils vont son- ner la charge contre la mièvre- rie, le folklorisme et la fadeur auxquels la peinture maro- caine est encline selon le bon vouloir des consécrateurs. Nous sommes en 1964. Ces rebelles secouent le coco- tier des valeurs esthétique désuètes, affranchissent l’art du joug colonial et l’arriment à une modernité qui ne regarde pas haut la tradition. Voilà, la «rupture épistémologique» voulue par le philosophe Abed El Jabri est consommée. En émeutiers permanents, Farid Belkahia et ses com- plices lancent en 1956 une exposition nourrie de valeurs avant-gardistes entièrement prise en charge par les artistes. Pour autant, le service des Beaux-arts ne trembla pas sur son socle. Il convenait donc de secouer plus le cocotier. Ce qui fut fait, en 1968, par

Par R. K. Houdaïfa

N é à Amizmiz en 1934 où sa famille s’est établie depuis Marrakech, il y cou- lait une enfance lumineuse parmi les couleurs et les formes. Son père, riche négociant et surtout un bou- limique de l’art, frayait avec des peintres dignes d’estime tels Henri Matisse ou Nicolas de Staël. Après qu’il s’est fait instiller, comme une drogue douce, une peinture de meil- leur aloi, la tendre pousse, Belkahia, s’y jette profon- dément. Ayant subodoré du talent chez l’adolescent, Olek Testar, ne manquant pas de flair, le prend en main et le met sous son aile. Dans le landerneau pictural à 21 ans Normal, il est nourri au l’ait de l’art. Voire, il faut dire qu’il est presque né le pinceau à la main ! Il aurait pu hanter les cimaises, il s’en retint et pré- féra parcourir le monde afin

Quoiqu’en pivotant entre figuration et abstraction, il n’avait pas encore trouvé sa voie, certes, mais son art semblait mûrir, s’affiner et, surtout, imprimer sa marque.

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