FNH N° 1186 V2

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 FÉVRIER 2025

Tomates marocaines

Le pépin de trop pour les agriculteurs français

C'est une première historique. Pour la 61 ème édition du Salon international de l'Agriculture de Paris (SIA), le Maroc a été choisi comme premier pays étranger invité d'honneur. Une consécration pour le Royaume qui a fait de l’agriculture la locomotive de l’économie nationale, mais aussi une décision qui n’est pas sans susciter quelques remous. Par D. William L ’

image était forte : Emmanuel Macron et Aziz Akhannouch coupant ensemble le ruban inaugural du SIA 2025, le same- di 22 février. Une scène qui résume assez bien l’état des relations franco-marocaines, en nette embellie après quelques années de crispations. En met- tant Rabat à l’honneur, Paris envoie un signal clair : le Maroc est un partenaire stratégique, et pas seulement dans le domaine agricole. Cette invitation inter- vient après la visite d’Etat d’Em- manuel Macron au Maroc en octobre 2024, qui avait scellé une nouvelle dynamique de coopération. Et pour mettre sur orbite cette entente cordiale, la France sera, également, le pays à l’honneur lors de la prochaine édition du SIAM, qui se tient du 21 au 27 avril prochain à Meknès. Un passage de témoin en bonne et due forme, qui traduit un rappro- chement parfaitement résumé par Annie Genevard, ministre française de l’Agriculture. Selon elle, «le Maroc est un grand ami de la France». Une déclaration qui trouve écho dans les propos de son homologue marocain

Ahmed El Bouari, qui souligne «la profondeur des liens d’ami- tié historiques et solides entre le Royaume et la France, ainsi que notre volonté commune de renforcer la coopération dans le secteur agricole». Et pour cause, les échanges entre les deux pays ne se limitent pas aux poignées de main. En 2024, la France a exporté pour 7,4 milliards d’euros de mar- chandises vers le Maroc, en hausse de 13% par rapport à 2023, pour des importations stables à 7,4 milliards d’euros. Cette relation bilatérale est donc tout sauf anecdotique. Elle repose sur une complémenta- rité assumée : la France fournit les céréales dont le Maroc a besoin, tandis que le Royaume expédie dans l’Hexagone des produits agricoles prisés des consommateurs (tomates, pas- tèques, concombres, cour- gettes, poivrons…). Tout cela, bien sûr, sans tension aucune. Ou presque. La pomme de discorde Si la mise à l’honneur du Maroc au SIA a été saluée par de nom- breux acteurs institutionnels et

économiques, elle n’a pas fait que des heureux. Les agricul- teurs français crient à la concur- rence déloyale. Leur principal grief ? L’afflux massif de tomates marocaines sur les étals français à des prix imbattables. En effet, si plus de 50% du blé tendre importé par le Maroc sont fran- çais, le Royaume chérifien est, pour sa part, premier fournis- seur de la France en ce qui concerne les tomates fraîches. Selon une étude du ministère français de l’Agriculture datée de janvier dernier, en 2023, pas moins de 530.000 tonnes de tomates en provenance du Maroc ont été importées par l’Hexagone, un volume lar- gement supérieur à celui des autres Etats membres de l’Union européenne. Une dépendance qui s’explique par une produc- tion nationale insuffisante : avec environ 660.000 tonnes récol- tées en 2023, la filière française

ne parvient pas à répondre aux besoins d’un marché estimé à 850.000 tonnes par an. En parallèle, la France reste un acteur de l’export, avec 300.000 tonnes de tomates vendues à l’étranger, essentiellement à destination de l’Union euro- péenne. Mais cette dynamique est en trompe-l'œil : faute de données douanières précises, il est difficile de quantifier la part réelle des tomates fran- çaises dans ces exportations, qui semblent être en grande partie des réexportations de tomates marocaines. Une ten- dance confirmée par l’Asso- ciation d'organisations de pro- ducteurs nationale «tomates et concombres de France» (AOPn), selon laquelle seulement 2% des tomates produites en France sont véritablement exportées. Et si le Maroc s’impose comme un fournisseur clé du marché français, c’est en raison d’une

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