FNH N° 1021 ok

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TRIBUNE LIBRE

FINANCES NEWS HEBDO

DU 29/30 AVRIL 2021

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chinoises. Les banques chinoises ont donc commencé, depuis maintenant 4 ou 5 ans, à beaucoup moins prêter aux États, et les prêts qu’elles accordent se font à des taux plus élevés. La Chine s’oriente aussi de plus en plus vers des projets numériques pour des raisons stratégiques évidentes, à la fois internes et externes. Les projets numériques répondent à la volonté chinoise de déve- lopper les nouvelles technologies en Chine, tout en ayant l’avantage de coûter moins cher que les infrastructures et de provoquer moins de réactions négatives de la part des populations. Mais le problème du surendettement des pays pauvres ou émergents est toujours là, et se fait sentir aujourd’hui plus que jamais. Il y a des pays surendettés dont les remboursements de la dette sont plus de dix fois supérieurs aux dépenses de santé ou de l’éducation. Les ressources publiques, au lieu de bénéficier aux populations, vont aux créanciers. Dans le contexte de la crise sanitaire, les capacités de remboursement des pays surendettés sont encore plus limi- tées, et le risque de défaut de paiement est devenu presque une réalité. Une restructuration de la dette, oui; un allègement, peut-être; une annulation, non ! Pour éviter que des défauts de paiement n’apparaissent suite au déclenchement de la crise sanitaire, la Chine et les autres pays du G20 ont été contraints en avril 2020 de suspendre partiellement le remboursement de la dette de 77 pays, pour 14 milliards de dollars sur un total de 32. Les pays du G20 ont accepté ensuite de prolonger jusqu’à juin 2021 la suspension du service de la dette des pays les plus pauvres, puis ont annoncé le 7 avril une extension jusqu’à la fin de l’année, mais en laissant entendre que «ce sera la dernière prolongation». Depuis le début de la crise, il n’a donc jamais été envisagé sérieusement l’annulation pure et simple de la dette, tout au plus un rééche- lonnement. Le FMI a cependant annoncé, début avril 2021, qu’une aide d’urgence avait été approuvée en faveur des 28 pays les plus pauvres pour alléger leur dette et leur permettre de lutter contre les effets de la pandémie. Aujourd’hui, les pays pauvres et surendettés pourraient donc au mieux espé- rer un allègement de leurs dettes, mais une annulation pure et simple de la dette reste en revanche inenvisageable. D’ailleurs, les signes ne trompent pas. Le remboursement au début de la crise a seu- lement été reporté à 2022, et même avec

Les routes de la soie peuvent mener à des impasses de surendettement.

un petit surcoût ! La nature et le nombre élevé des créanciers ne facilitent pas non plus les choses. La dette publique des pays émergents est détenue à moitié par un grand nombre de créanciers privés, rendant plus difficile une quelconque décision commune d’annulation de dette. Et malheur au pays surendetté qui osera demander un quel- conque traitement de sa dette; la réaction des marchés sera pénalisante et rendra sa situation financière encore plus difficile. C’est le cas par exemple de l’Ethiopie et de la Zambie qui, suite à cela, ont vu leur note souveraine être dégradée par les agences de notation. De quoi décourager ce genre d’initiatives… Le 7 avril 2021, le Vatican a lancé une campagne pour une annulation de la dette des pays africains, mais il y a peu de chance pour qu’il soit entendu. Le piège de la dette se referme donc doucement mais sûrement sur les pays surendettés. Même en Europe, il a été évoqué plusieurs fois pour les Etats membres de l’UE la ques- tion de l’effacement des dettes publiques détenues par la Banque centrale euro- péenne. Depuis des années déjà, la BCE achète de la dette des Etats de la zone Euro pour diminuer les taux d’intérêt et doper l’économie. Le phénomène s’est largement accéléré depuis la crise sanitaire. Les Etats européens sont donc endettés auprès de la BCE et il est aujourd’hui demandé, ici et là, l’annulation de cette dette. Des centaines d’économistes de différents pays d’Europe ont en fait appelé à cette annulation, pro- posant un plan d’investissement européen pour stimuler l’économie, mais Christine Lagarde, la présidente de la BCE, n’a rien voulu entendre, et elle n’est pas la seule ! L’annulation des dettes publiques détenues

par la BCE reste politiquement très difficile à réaliser. Certains pays comme l’Allemagne ou l’Autriche s’y opposent fermement. Cette annulation est même d’ailleurs, en l’état actuel des choses, juridiquement impossible. L’obstacle du droit européen est majeur. Les traités sur lesquels repose l’Union euro- péenne l’interdisent, purement et simple- ment. La question de l’annulation de la dette est donc débattue uniquement sur le terrain économique. Et même sur ce terrain, envisa- ger une annulation pure et simple de la dette est contestable, car cela minerait la crédibili- té sur les marchés des pays bénéficiaires de cette annulation. Il y aurait automatiquement une perte de confiance des marchés, et les pays en question ne pourraient plus emprun- ter, alors qu’ils en auront non seulement besoin, mais en plus ils ont la possibilité de le faire à des taux bas très avantageux. Un autre argument économique qui ne plaide pas en faveur de l’annulation, est que cette dette fonctionne aujourd’hui presque en circuit fermé, puisque les intérêts reçus par la BCE sont rétrocédés en dividendes aux Banques centrales des pays européens. Il ne faut donc pas compter sur une annulation de la dette. Le piège de la dette est sans issue. Il n’y a aucune échappatoire possible. Surendetté ou pas, il faut payer. Il est, cela dit, prématuré d’envisager aujourd’hui, et ce tant que la crise sanitaire est là, le remboursement de cette dette. Mais rien n’empêche de réfléchir d’ores et déjà aux moyens de la rembourser, comme il faudra inévitablement le faire, quand la croissance sera revenue. Il faudra définir une politique à long terme de dépenses publiques pour l’appliquer dès la fin de la crise sanitaire. ◆

Il ne faut pas comp- ter sur une annulation de la dette. Surendetté ou pas, il faut payer.

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