FNH N° 1081

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 20 OCTOBRE 2022

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ainsi que tout le matériel sont purifiés par les fumigations de benjoin blanc et de bois d’aloès. La lila proprement dite peut enfin commencer; tout est disposé pour le clou de la soirée : les mlouk . «Treq», parties durant lesquelles sont invoqués, par cohortes successives, les mlouk Les mlouk forment la partie sacrée du rituel. Aussi est-elle introduite par des chants à la gloire d’Allah et du Prophète : « Ô envoyé d’Allah notre Prophète; Le Mecquois aimé d’Allah, ô Hammadi; Bénédictions sur l’envoyé d’Allah, père de Fatima; Il n’y a pas de Dieu si ce n’est Dieu Lui-même; Ô Prophète, guéris mon état » ! Les mlouk sont ensuite priés de se manifester, selon un ordre immuable. « A la fin des kouyou, après une pause, on apporte sur un plateau (tbiqa) de l’en- cens, des foulards de différentes cou- leurs. Ces derniers servent de devises et de clés aux différents mlouk. Ceux-ci sont en effet constitués en groupes dis- tincts caractérisés par des couleurs dis- tinctes », rappelle Ahmed Aydoun, dans Musiques du Maroc . A Moulay Abdelkader Jilali reviennent couleur blanche et benjoin blanc. Les chorfa, « les génies blancs, les descen- dants du Prophète et de sa fille Fatima » ont droit au blanc, au bois d’aloès et au benjoin blanc ( Baba Al Hadi Ali/ Béni soit le Prophète Mohammed/ Baba Al Arabi Sidi Mohammed Bou Chama ). Pour les mlouk rouges, ceux des abat- toirs : couleur rouge et benjoin rouge sont de mise. Les mlouk marins ( bah- ryin ) défilent en bleu sous des effluves de benjoin blanc. Noir et benjoin noir

sont dévolus à Sidi Mimoun, appelé le ténébreux ( Laghmami ). Là, le rituel devient impressionnant; surtout quand une femme se brûle avec des bougies fagotées, sans ressentir la moindre douleur, « parce que ce n’est pas elle qui danse ». Ou quand Mina se frappe avec la lame d’un couteau, mimant même son propre égorgement, sans se causer de blessures. « Le possédé, ce n’est plus lui, ce n’est plus lui qui danse. C’est l’énergie qui est en lui qui va danser. C'est-à-dire qui va s’expri- mer par le langage de la danse »… Soit. Les «gens de la forêt», race vio- lente, sont représentés en noir, foulard et benjoin, avec un plateau de farine d’orge grillée ( zamita ) sans sel, autour duquel tournent les «possédés». « Ce plat en vannerie rempli de zamita, c’est la nourriture traditionnelle du voyageur saharien. La Moqadema se penche et, avec sa langue, trace une croix : d’abord une ligne verticale, le sud en haut et le nord en bas, puis une ligne est-ouest ». La derdeba se clôture par l’invocation des mlouk féminins. A ce stade, jaune, rouge, violet et noir sont sollicités, en même temps que le ben- join noir ou blanc, la gomme arabique, la résine de lentisque et le bois d’aloès. On commence par Lalla Mira, friande de parfums et de sucreries et très portée sur le jaune, « la lumière du soleil ». On termine par Lalla Aîcha, dans le noir absolu (« elle a horreur de la lumière »), après avoir mis en scène Lalla Malika, Lalla Meriem, Lalla Rqia et Lalla Houwwa. « Quand on touche à la fin, après Lalla Meriam Chalha, on joue Saâdi Bi Lalla Fatima Zohra. La ‘’parfumeuse’’ ». Transes ! Ceux qui sentent monter en eux la transe, s’avancent vers le brasero et en respirent les odeurs. Les mains tremblent. Les corps convulsent et se couvrent de voiles aux couleurs du melk qui les possède. Puis une fois les esprits satisfaits, les corps s’écroulent. Et lentement ils se réveillent. Mais d’autres prennent la relève. Et ils transent, transent, transent. Jusqu’au bout de la nuit. À travers les fumées, j’aperçois Reda paisiblement endormi. Quelle heure peut-il bien être ? D’un minaret voisin résonne l’appel à la prière de l’aube. Le jour se lève. Apaisés, les mlouk s’endorment. Odeur de harira. Le petit- déjeuner est servi. ◆

à l’étape suivante, dite les kouyou. Guenbri et battements des mains ryth- ment cette phase transitoire, ponctuée de danses, où sont invoqués la mal-vie des esclaves, les mâalems défunts et les saints patrons, à travers des chants tels Kankani Boulila, Barma Soutanbi, Sourayé, Chalabati, Lalla Fatima, Tanglami, Sabakro, Khali M’bara mas- kin, Zid al Mamal … Tout au long de cette séquence, sans transe, l’un après l’autre, les koyou se lèvent et exécutent un solo dansé. Vient ensuite Nagcha . Résonnent les qraqebs (crotales en métal). Les musiciens miment des combats tout en chantant. Après avoir offert un spectacle dan- sant étourdissant, de nouveau, pause thé. Pendant que les Gnaoua le sirotent et taillent une bavette entre eux, l’on dépose devant le maalem les boîtes d’encens, un brasero, des voiles et des tuniques de toutes les couleurs. L’espace sacré, réservé aux danses de possession, les instruments de musique

Ceux qui sentent mon- ter en eux la transe, s’avancent vers le bra- sero et en respirent les odeurs. Les mains tremblent. Les corps convulsent...

Par la pratique de la transe, reprochent d’aucuns, les Gnaoua prétendent exorciser les malades des démons qui les habitent. Or, comme le souligne l’ethnologue Viviana Pâques, « les Gnaoua, qui pra- tiquent la transe et la possession, sont absolument formels sur le fait qu’aucun djin ne peut pénétrer dans le corps d’un homme, car celui-ci exploserait. Les énergies qu’ils invoquent et guident sont les sept énergies issues de la lumière mohammadienne, issues les unes des autres comme le sont les sept couleurs de l’arc-en-ciel, ainsi que l’explique la fameuse prière de Moulay Abdessalam ben Mchich, qui est à l’origine de toutes les confréries marocaines ». Les djinns composent l’armée des anges déchus à la suite de la désobéissance de Satan à Dieu. Ils peuvent détourner du droit chemin l’homme, mais ne sauraient occuper son corps. Seuls les êtres versés dans les lois divines sont habili- tés à les chasser. Ce dont sont conscients les Gnaoua, qui se réclament thérapeutes et non exorcistes. « Nous, les Gnaoua qui faisons la lila, on suit la voix, l’esprit de Sidna Bilal, car Bilal … était le muezzin du Prophète Mohammed. Le Prophète a donné sa bénédiction et a dit : ‘’Va Bilal, là où tu poseras tes mains tu obtiendras la guérison’’. C’est comme cela qu’a été créée la derdeba (…) Puis, Dieu seul sait ce que chacun possède, et ce que chacun deviendra : un savant, un coupable… Dieu seul le sait ». Thérapeutes et non exorcistes

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