FNH N° 1191

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 AVRIL 2025

Baisse du taux directeur «L’objectif est de trouver un équilibre entre soutien à la croissance et maîtrise de l’inflation»

performance robuste du secteur non agricole a constitué un cadre favorable à un nouvel assouplis- sement monétaire, destiné à sou- tenir la croissance tout en veillant à la stabilité des prix. F. N. H. : Quelles sont, selon vous, les principales consé- quences de cette baisse sur le plan macroéconomique ? M. B. : L’assouplissement de la politique monétaire à travers la baisse du taux directeur entraîne une série de répercussions éco- nomiques, touchant aussi bien la croissance, l’inflation, le défi- cit budgétaire que le pouvoir d’achat. D’un point de vue macroécono- mique, une réduction du taux directeur stimule l’investissement et la consommation en facilitant l’accès au crédit. Cette injec- tion de liquidités favorise ainsi la croissance économique en dyna- misant l’activité des entreprises, en encourageant la création d’emplois et en réduisant le chô- mage. Par conséquent, une telle politique peut agir comme un levier pour accélérer la progres- sion du PIB. Toutefois, ce méca- nisme repose sur une condition essentielle : l’adéquation entre la masse monétaire en circulation et la valeur ajoutée générée. En effet, si les capitaux investis ne se traduisent pas par une augmentation effective de la pro- ductivité et de la création de richesse, le risque d’inflation devient significatif. Une expan- sion monétaire non corrélée à une hausse proportionnelle de la production pourrait entraîner une inflation excessive, résultant d’un déséquilibre entre l’offre et la demande. Dans ce cas, la baisse du taux directeur, au lieu de favoriser une croissance durable, pourrait exacerber l’ins- tabilité économique. Concernant le déficit budgétaire, son évolution dépendra en grande partie de la gestion des investis- sements publics. Actuellement, le Maroc connaît une intensifica- tion des dépenses infrastructu- relles, notamment en préparation de la Coupe du monde 2030. Dans ce contexte, une réduction du coût de l’endettement, per-

Bank Al-Maghrib amorce une nouvelle phase d’assouplissement monétaire. Portée par le repli des prix des matières premières et les perspectives de reprise agricole, la révision à la baisse du taux directeur vise à relancer l’investissement et soutenir le marché de l’emploi. Entretien avec Mohamed Benchekroun, économiste et professeur universitaire.

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Bank Al-Maghrib a récem- ment surpris les marchés en abaissant son taux direc- teur. Quels éléments ont pesé dans la balance pour justifier une telle inflexion de sa politique monétaire ? Mohamed Benchekroun : La décision récente de Bank Al-Maghrib (BAM) d’abaisser son taux directeur pour la deuxième fois consécutive, le portant à 2,25% après une diminution de 25 points de base, s’inscrit dans un contexte macroéconomique soigneusement évalué. Plusieurs facteurs ont motivé cette inflexion de la politique monétaire, reflétant une volonté d’accompagner la dynamique économique actuelle tout en maîtrisant l’inflation. Premièrement, l’évolution des prix des matières premières a constitué un élément détermi- nant. La baisse significative des coûts de l’énergie, notamment du pétrole et du gaz, a influencé cette décision. Le prix du baril de pétrole est ainsi passé de 80 dollars en janvier 2025 à envi- ron 60 dollars, une tendance qui devrait se maintenir à moyen et long terme. Cette diminution des coûts d’importation se traduit

par un allègement de la facture énergétique nationale, améliorant ainsi la compétitivité des entre- prises marocaines et favorisant la croissance de la productivité. Deuxièmement, les récentes pré- cipitations ont renforcé les pers- pectives de reprise du secteur agricole. Une meilleure pluvio- métrie permet d’anticiper une augmentation de l’offre agricole, ce qui, en retour, justifie une poli- tique monétaire plus accommo- dante. En effet, en réduisant le taux directeur, la Banque centrale cherche à stimuler l’investisse- ment dans le secteur agricole afin de consolider cette reprise et d’assurer un maintien des prix à des niveaux maîtrisés, contri- buant ainsi à la stabilité inflation- niste. Enfin, les performances solides du secteur non agricole ont éga- lement pesé dans la balance.

Le Maroc a enregistré un record de fréquentation touristique en 2024 avec 17,5 millions de visi- teurs. Par ailleurs, les industries stratégiques, telles que l’aéro- nautique, l’automobile et le textile connaissent une expan- sion notable, soutenue par des implantations industrielles et un afflux d’investissements directs étrangers, notamment en prove- nance de la Chine. Ces éléments traduisent une résilience écono- mique qui légitime une orienta- tion monétaire plus souple afin de renforcer la dynamique de croissance et de compétitivité du pays. Ainsi, la décision de BAM repose sur une analyse approfondie des conditions économiques nationales et internationales. La conjonction d’une baisse des coûts des matières premières, d’une reprise agricole et d’une

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