DEVELOPPEMENT DURABLE 40
FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 AVRIL 2025
Efficacité énergétique Le parent pauvre de la transition verte au Maroc
F.N.H. : Quel bilan de l’effi- cacité énergétique en 2025, surtout que le Maroc s’est fixé un objectif de réduction de sa facture énergétique de 20% à l’horizon 2030 ? Dr S.G. : À ce jour, il n’existe aucun bilan vérifiable et mesu- rable de l’efficacité énergétique au Maroc. L’objectif fixé pour la période 2010-2030, visant une réduction de 20% de la facture énergétique, implique une écono- mie moyenne de 1% par an sur vingt ans. Toutefois, cet objectif ne peut pas être évalué sur la base des fluctuations de la facture énergétique nationale, qui varie considérablement d’une année à l’autre. Par exemple, celle-ci est passée de 49,8 milliards de dirhams en 2020 à 153 milliards de dirhams en 2022. Chaque année, une réduction de 1% pourrait représenter une éco- nomie annuelle située entre 490 millions de dirhams et 1,53 mil- liard de dirhams. Dans de nom- breux pays, l’efficacité énergé- tique est suivie grâce à un sys- tème de Mesure, Reporting et Vérification (MRV). Ce dispositif permet d’assurer un suivi rigou- reux des projets, qu’ils soient publics ou privés, afin de garantir que les économies d’énergie pré- vues soient bien réalisées, indé- pendamment des variations de la facture énergétique nationale. L’élément clé reste la diminution de la consommation d’énergie primaire. La rigueur dans le suivi du sys- tème MRV peut permettre de générer des crédits carbone pou- vant être mis sur le marché car- bone et baisser les coûts des projets d’efficacité énergétique. En appliquant la logique d’une réduction de 1% par an entre 2010 et 2030, le Maroc aurait dû démontrer une économie cumu- lée de 15% en 2025. Cette éva-
Alors que le Maroc affiche des ambitions fortes en matière de transition énergétique et vise une réduction de 20% de sa consommation à l’horizon 2030, l’efficacité énergétique reste largement sous-exploitée. Pour le Docteur Saïd Guemra, expert consultant en énergie, c’est pourtant elle qui devrait constituer la priorité stratégique du pays, devant les énergies renouvelables. Entre absence de bilan, manque de mesures concrètes et outils inadaptés, l’efficacité énergétique peine encore à décoller.
Propos recueillis par Désy M.
Finances News Hebdo : Comment se situe l’effica- cité énergétique dans le concept global de la transi- tion énergétique du Maroc ? Dr Saïd Guemra : Pour situer l’efficacité énergétique dans le concept global de la transition énergétique marocaine, il faut revenir à la vision royale élaborée en 2009 en matière de transi- tion énergétique au Maroc. Cette vision place l’efficacité énergé- tique comme étant prioritaire par rapport aux énergies renouve- lables. De ce fait, l’efficacité éner- gétique constitue le premier pilier de notre transition énergétique, qui reste malheureusement négli- gée malgré un potentiel bien plus important que celui des renou- velables. Aucun bilan vérifiable n’existe à ce jour. Depuis 2010, année de fixation des objectifs de réduction de la facture énergé- tique nationale à 12%, cet objectif est passé ensuite à 20%. Une entreprise industrielle qui s’engage dans un plan de tran- sition énergétique, que ce soit pour des besoins de réduction
de sa facture énergétique, ou des besoins de décarbonation pour faire face à la taxe carbone de l’Europe, ne doit pas commencer par la mise en place des plaques solaires de manière prioritaire. La priorité d’un plan de transition industriel réussi commence par la sobriété énergétique, c’est-à-dire l’adaptation de l’offre énergétique aux besoins. Viennent ensuite les projets d’efficacité énergétique; puis l’amélioration de la produc- tivité industrielle en démontrant le lien étroit qui existe entre produc- tivité industrielle et consomma- tion d’énergie. Et enfin, le passage aux renouvelables qui intervient en dernier lieu. En effet, les gains réalisés par les trois premières mesures, qui s’accompagnent avec une baisse des consomma- tions, permettent une réduction notable des investissements en matière de renouvelable. Ceux-
ci peuvent financer les renouve- lables : c’est le concept d’auto- financement des projets de la transition énergétique. Ce qui est visé par cette approche à quatre dimensions, c’est bien évidemment le net zéro de l’en- treprise. Quand on parle du net zéro du Maroc en 2050, celui-ci doit être répercuté sur les entre- prises, les ménages, les grands bâtiments, bref, tout consomma- teur d’énergie fossile. C’est donc toute une approche intégrée, qui a valu à Sa Majesté le Roi le prix international de visionnaire en matière d’efficacité énergétique en 2017. Transition énergétique ne veut pas dire renouvelables sur les toits uniquement, qui, dans la grande majorité des cas, ne rap- portent pas plus que 10 à 30% comme taux de décarbonation, ce qui est loin d’être suffisant.
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