DEVELOPPEMENT DURABLE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 AVRIL 2025
luation ne doit pas se faire sur la base des montants des fac- tures énergétiques, mais sur la somme des économies d’énergie primaire réalisées entre 2010 et 2025, tous secteurs confondus, avec des mesures précises et vérifiables. Le véritable enjeu est de prouver, avec des standards rigoureux, une réduction ne serait-ce que de 1%, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent. Actuellement, la consommation nationale d’éner- gie primaire est estimée à environ 24 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) et devrait atteindre 30 Mtep en 2030. L’objectif de 20% d’économies à cette échéance représente environ 6 Mtep, soit 26 milliards de dirhams (en base 2023) qui auraient pu être économisés uniquement sur la projection à l’année 2030. Le retard en matière d’efficacité énergétique ne date pas d’au- jourd’hui. Il faut être lucide : l’ob- jectif de 20% d’économies d’ici 2030 est hors d’atteinte. D’autant plus que la part des énergies renouvelables dans le mix élec- trique marocain, initialement visée à 52%, ne devrait atteindre que 32% en 2030 selon les pro- jections les plus optimistes. Il est impératif de trouver des solutions pour accélérer de manière signifi- cative l’efficacité énergétique au Maroc. Aujourd’hui, avec la fermeture de la moyenne et basse ten- sion aux énergies renouvelables et l’absence quasi-totale d’effi- cacité énergétique, la transition énergétique du pays ne fonc- tionne qu’avec un quart de ses capacités. En l’état actuel, elle repose exclusivement sur des projets renouvelables en haute et très haute tension, avec une cadence de déploiement limitée à environ 200 MW par an. Or, pour atteindre 50% du mix élec- trique en 2050, il faudrait porter cette cadence à 1.200 MW de renouvelables intermittents par an. Ce retard accumulé constitue un véritable frein à la transition énergétique du Maroc, qui peine à atteindre ses objectifs malgré les ambitions affichées.
Si la transition vers l’énergie 4.0 ne se fait pas, les objectifs d’efficacité énergétique fixés au niveau national resteront inattei- gnables.
Cette approche, que l’on peut appeler «baby-sitting de l’énergie», permet d’éviter les pertes inutiles. Un cas typique au Maroc montre qu’une machine industrielle, même à l’arrêt, peut continuer à consommer entre 5 et 45% de son énergie nominale si elle n’est pas correctement déconnectée. Sans une surveillance continue, ces gaspillages passent inaperçus et coûtent des millions de dirhams aux entreprises. Un exemple frap- pant de cette approche moderne est celui de l’optimisation énergé- tique de la climatisation à l’aéro- port Mohammed V. Grâce à un suivi avancé et à une meilleure gestion des systèmes de ventila- tion, la facture d’électricité a été réduite de 24 millions de dirhams par an à 16 millions de dirhams, soit une économie de 8 millions de dirhams, sans investissement majeur. De plus, un autre problème a été détecté via cette surveil- lance : une fuite d’eau massive de 395.000 m³ par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 5.500 ménages, qui n’aurait pas pu être identifiée avec un simple audit ponctuel. Ce genre de découverte illustre l’importance du suivi en temps réel dans la gestion des ressources. L’avenir repose sur des structures capables de gérer
l’énergie à distance, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle et des energy managers internes aux entreprises. Ces experts, munis d’outils de monitoring avancés, peuvent intervenir rapidement pour optimiser la consommation éner- gétique et éviter les surcoûts. Si cette transition vers l’énergie 4.0 ne se fait pas, les objectifs d’efficacité énergétique fixés au niveau national resteront inattei- gnables. Pourtant, il est avéré que l’efficacité énergétique génère des économies bien plus importantes et rapides que les investissements dans les énergies renouvelables, et à moindre coût. Il est donc impératif que les entre- prises marocaines adoptent cette nouvelle approche de gestion énergétique, sous peine de conti- nuer à gaspiller des ressources précieuses et de voir leur compé- titivité affaiblie sur le long terme. Pour conclure, les progrès en matière de transition énergétique des entreprises dépendent d’une approche intégrée qui doit être très étalée dans le temps avec des outils de management de l’énergie très élaborés, un accompagnement très rapproché des industriels. Au final, l’efficacité énergétique est le premier pilier de notre transition énergétique. Il ne peut plus rester dans l’oubli et il faut impérative- ment une solution pour pouvoir la dynamiser avec des objectifs précis. Ça rapporte bien plus que les renouvelables, et à moindre coût. ◆
F.N.H. : Le décret 2-17-746 instaure un audit énergétique obligatoire pour les entre- prises dépassant un seuil de 1.500 Tep de consommation d’énergie par an. L’audit est- il suffisant pour garantir la réalisation des gains et la baisse de la facture énergie des entreprises ? Dr S.G. : L’audit énergétique au Maroc a débuté en 1989 dans le cadre d’un projet de coopération entre le Maroc et les États-Unis. À l’époque, je faisais partie de l’équipe qui menait ces premières évaluations. Depuis, des milliers d’audits ont été réalisés dans divers secteurs industriels, ter- tiaires et institutionnels, mais leur impact est resté limité. En effet, l’audit énergétique se heurte à plusieurs obstacles. D’abord, la mise en œuvre des recommandations reste faible, faute de sensibilisation des déci- deurs et d’investissement dans les solutions proposées. Ensuite, très peu d’audits ont permis de démon- trer, selon des standards rigoureux de Mesure, Rapport et Vérification (MRV), une réduction effective de la consommation énergétique. Aujourd’hui, les entreprises doivent passer d’un audit ponctuel, réalisé tous les 5 ou 10 ans, à un suivi énergétique en temps réel. Grâce aux capteurs intelligents et aux outils d’analyse Big Data, il est désormais possible de surveiller en continu la consommation énergé- tique des équipements et d’iden- tifier les dérives immédiatement.
La rigueur dans le suivi du système MRV peut permettre de générer des crédits carbone pouvant être mis sur le marché carbone, et baisser les coûts des projets d’efficacité énergétique.
Avec la participation de
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