FNH N° 1136

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JEUDI 18 JANVIER 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

CULTURE

Un hommage à la femme arabe et amazighe Malika Agueznay La grande plasticienne marocaine, Malika Agueznay, fera partie d’une liste d’artistes femmes arabes dont la monographie sort en 2024. Un hommage du musée national de Dubaï largement mérité pour une grande figure de la peinture marocaine, qui totalise plus d’un demi-siècle de création. Portrait. Par Abdelhak Najib, Écrivain et critique d’art C en fait une charnière. Le mot absent, le mot à trouver, le mot à inventer, à réinventer. Chacun peut y mettre l’ampleur de ses émotions, la quintes- sence de son vécu. Chacun peut y lire un avenir, un passé, une nostalgie, une promesse. Le peintre laisse au gré des formes sillonner en une liberté jamais circonscrite l’espace indéfini de la toile. Un électron libre, le noyau d’un schéma toujours à venir.

et hommage à une grande dame marocaine est un hommage à toutes les femmes qui dédient leurs vies à leur passion. C’est un hommage à la persévérance et à la rigueur de l’artiste face à lui-même. C’est aussi un hommage à l’histoire d’un mot. L’histoire simple d’une esquisse de poème qu’il faudra pour- suivre dans le creux de la toile, au milieu de cette féria de cou- leurs et de formes qui célèbrent ici leurs noces. C’est aussi un hymne à la sim- plicité du vécu dans ce qu’il a de plus élevé. C’est surtout un chant auroral pour célébrer le souffle de vie qui nous traverse et nous anime. Dans la peinture de Malika Agueznay, la flore est une phrase déchiquetée sur les rives de la toile. Des bribes de syllabes creusées en filigrane et qu’il faut embrasser du regard en parcourant les limites incer- taines de l’œuvre. Chez Malika Agueznay, le mot tient office de clé de lecture, de sésame pour pénétrer cet univers imaginaire particulier. Il est au début et à la fin d’une séquence picturale qui est

confrontation autant qu’une concordance de plusieurs types d’expressions qui, conjointe- ment, participent d’un sens tou- jours à redéfinir. «Il ne s’agit pas pour moi de dire des choses. Le peintre ne dit pas. Il peint. Tout est nuance. Tout est dans la forme et dans la couleur. Il y a certes ma vie, mes pensées, mes émotions, mes sensations, mais au-delà, il y a ce je ne sais quoi qui va au-delà du dire et qui est juste un sentiment, une émotion qui vous prend et qui vous pénètre. C’est cela pour moi la véritable expression de l’art», résume le peintre. En effet, cette visibilité de lumière donnée au sentiment est plus forte quand elle est ancrée par la force de la nuance. L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible, aimait à dire Paul Klee. C’est justement cette visi- bilité qui va du cœur au cœur qui nous touche, parce qu’elle nous traverse comme un astre qui ne meurt jamais. Chez Malika Agueznay, il y a ce mouvement giratoire qui devient, avec le coloris, une part du travail sur la forme. Signes et significations sont pris ici dans une acception toute avant-gar- diste. A la fois héritage ancien, attachement à la textualité de

«Le mot occupe une très grande place dans mon travail. Ce n’est pas l’écriture ni la calligraphie. Je précise, il s’agit du mot por- teur de multiples sens. Le mot qui résume une idée, une pen- sée et peut aussi donner corps au rêve et à l’espoir. C’est cela le mot que je tente d’incarner sur la toile. Un mot qui parfois nous dépasse par sa force et par tout le poids humain qu’il nous ramène avec lui», précise Malika Agueznay. Cette tendance au caché emprunte son procédé à l’alchi- mie et sa symbolique à l’ésoté- risme. A la fois initiation à la lec- ture de la peinture comme texte et à une approche de la poésie comme signe, la peinture de Malika Agueznay est une réelle mise en abîme des genres. Une

la peinture et creusement de sillons pour ne pas limiter le champ de la toile. Les choix du peintre sont d’une simplicité profonde. Les couleurs ne vont jamais chercher dans l’éclat fac- tice pour briller. Au contraire, c’est dans leur nuance, dans leur pouvoir de suggestion que réside leur signifiance. De là naissent plusieurs lectures pro- bables entre ce qui est donné à voir, ce qui se voit et ce qui reste à découvrir. La surprise naît quand le temps passe et que soudain le tableau livre une part de son secret. C’est cette vie, après coup, qui fait de la peinture de Malika Agueznay l’une des plus ingénieuses et

«Le mot occupe une très grande place dans mon travail. Je précise, il s’agit du mot porteur de multiples sens.

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