Class & Relax Lifestyle Magazine N°42

Class & R ELAX

GUYANE I BIS R OUGE - P ÊCHE SPORTIVE - J ARDINS AQUATIQUES - Y OGA KA B AY - F AUT - IL AVOIR PEUR DES SERPENTS ? - D ENDROBATES - Q UEL AVENIR POUR LE TOURISME EN G UYANE ? - G ASTRONOMIE - M ODE - I NTERVIEW : M ARC R OCHET , A IR C ARAÏBES - I TAJARA : LES FONDS MARINS DES I LES DU S ALUT - E RNEST P RÉVOT : P OURQUOI J ’ AI VENDU LES R HUMS S T M AURICE

L UXURY - TRAVEL - ART - WELLNESS & LIFESTYLE M AGAZINE 42

www.espacekifel.com

Boutique Kifèl’ 2 rue Louis Blanc - 97300 Cayenne @kifel973 Tél. : +594 694 00 16 86

Gastronomy is enjoying a fine renaissance in French Guiana, thanks to some original initiatives and colour- ful approaches: La Belle Amédée, Chéri and Fish Style are revealed in our pages. Wellness is on the agenda, with Yoga ka Bay, and fashion with the Kifèl boutique, Naïla Design and Auguste Horth . What's the link between a company specialising in water sports and leisure activities, a car rental company, and Didier Bironneau, Atout France delegate for the French West Indies and French Guiana since 2006, and head of Atout France's Overseas France division? They all note the lack of political interest and investment in tourism, which could be a lever for French Guiana's economy and create many jobs. Class & Relax Lifestyle l’Edit orial de Jean-Emmanuel Hay

La gastronomie connaît un joli renouveau en Guyane, grâce à des initiatives originales et des approches colorées : La Belle Amédée, Chéri et Fish Style se dévoilent dans nos pages. Le bien-être est à l’ordre du jour, avec Yoga ka Bay, et la mode avec la boutique Kifèl, Naïla Design, ou Auguste Horth. Quel est le lien entre une entreprise spécialisée dans les loisirs et sports nautiques, un loueur auto- mobile, et Didier Bironneau, Délégué Atout France pour les Antilles et la Guyane depuis 2006, et responsable du pôle Outre-Mer d’Atout France ? Tous constatent l’absence d’intérêt politique et d’inves- tissements dans le tourisme, qui pourrait être un levier de l’économie guyanaise et créer de nombreux emplois.

Class & Relax Lifestyle Magazine et ses partenaires imaginent une Guyane épanouie dans la lumière et la prospérité, curieuse, dynamique, en quête d’ex- cellence. Nous dédions ce sujet aux initiatives d’ac- teurs de l’économie qui ne doivent rien à personne, et qui savent ne pouvoir compter sur personne. Le Comité du Tourisme de la Guyane n’ayant pas jugé bon de répondre à nos sollicitations d’interview de son Président, nous avons enquêté. Faut-il avoir peur des Serpents ? Tout le monde se pose la question : réponse avec un spécialiste ! Et saviez-vous que les fonds marins des Iles du Salut sont superbes ? C’est à découvrir dans Class & Relax Lifestyle Magazine.

Magazine and its partners see a French Guiana blosso- ming in light and prosperity, curious, dynamic and stri- ving for excellence. We dedicate this editorial to the initia- tives of economic players who owe nothing to anyone, and who know they can count on no-one. The French Guiana Tourist Board did not see fit to respond to our requests for an interview with its Chairman, so we investigated (editorial in French only). Is there any need to be afraid of snakes? Everyone's asking the question, and we got the answer from a spe- cialist! And did you know that the seabed in the Salvation Islands is superb? Find out in Class & Relax Lifestyle Magazine.

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SOMMAIRE

Tourisme

Dendrobates 9

Ibis rouge

Itajara

1000m 2

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Pascal Vaudé : pêche sportive 42

Faut-il avoir peur des serpents ? 16

La Belle Amédée 46

Marc Rochet, CEO Air Caraïbes 26

Economie : Montsinnery-Tonnégrande 70

Chéri

h2o Gardens

Economie : Orange & CSG 68

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Yoga Ka Bay

Fish Style

Ernest Prévot

E-com

Budget Guyane 91

81

53

59

87

Belles Montres 96

C LASS &R ELAX L IFESTYLE M AGAZINE N°42 - 2023 Cover page : Ibis Rouges (photo © www.jean-emmanuelhay.com) P UBLISHED BY O DYSSAIR L TD 7 Athinon Avenue

Jean-Emmanuel Hay Founder & President jeh.anolis@gmail.com +33 6 72 59 30 13 Lay out Odyssair Ltd

Writers : Jean-Emmanuel Hay, Nikos Tsitsanis. Photographs : Association Mô, Mathias Fernandez, Jean-Emmanuel Hay, Samuel Jéglot, Pierre Paillard, PascalVaudé.

Tous droits réservés. Les photographies et textes de ce magazine ne peuvent être reproduits sous aucune forme sans l’autorisation d’Odyssair Ltd. All rights reserved. the photographs and texts of this magazine, or parts thereof, may not be reproduced in any form without permission of Odyssair Ltd.

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Laissez-vous guider par la surprenante et luxuriante forêt amazonienne. À Saül, Maripa-Soula ou Papaïchton, sur le territoire du Parc amazonien, au sud de la Guyane, 12 sentiers de randonnées (tous niveaux) offrent une expérience et une parenthèse sensorielle uniques. Apaisement et enchantement garantis. Suivez le chemin… elle vous guide !

SCIENCES

Dendrobates

Texte & Photographies - Jean-Emmanuel Hay

Comprendre comment les espèces s’adaptent et comment elles vont répondre aux changements à venir, qu’ils soient liés à l’homme, climatiques ou autres, tel est l’objectif des études menées par Mathieu Chouteau et son équipe, sur ces petites grenouilles guyanaises nommées Dendrobates, afin de mieux aiguiller les politiques de conservation futures. Mathieu est biologiste en biologie évolutive au CNRS, respon- sable d’une équipe qui s’intéresse à l’écologie et à l’évolution de la biodiversité en Amazonie, avec une plate- forme qui lui permet de faire des expérimentations sur des animaux sauvages.

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associée aux patrons de coloration, nous étudions tout ce qui permet de répondre à cette question : pourquoi n’ob- servons-nous pas d’hybrides entre les populations en milieu naturel ? Notre plateforme permet de générer ces hybrides pour essayer de comprendre. Nous avons pu observer que cer- taines populations refusent de se reproduire avec des partenaires de couleurs différentes. Dans certains cas, nous avons pu démontrer que la progéniture hybride à moins de chances de survie (forte mortalité au stade lar- vaire), et qu’elle a du mal à se reproduire ensuite. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir maintenir cette population sauvage à des fins scientifiques, afin d’en tirer ces observations.

Une petite espèce de gre- nouille colorée du plateau guyanais, Dendrobates tincto- rius , c’est son nom scientifique, est l’objet de toutes les atten- tions, au CNRS. Pourquoi les Dendrobates ? Mathieu Chouteau : Ce sont des grenouilles fascinantes. Visuellement, elles nous par- lent. Les différentes popula- tions, géographiquement struc- turées, ont des colorations très distinctes (toutes les photos illustrant l’article représentent Dendrobates tinctorius. Remer-

ciements à Cyril Gaertner pour sa patience), avec un mes- sage identique à l’attention des prédateurs potentiels : elles sont toxiques ! Leur couleur est optimisée en fonc- tion de la communauté de prédateurs. Plus sa couleur est vive, plus la grenouille est toxique, et moins elle est craintive. Nous étudions actuellement ce qui peut motiver le degré de toxicité. Il semblerait que les alcaloïdes contenus dans sa peau soient acquis lors de l’alimentation, composée de micro invertébrés, variables d’un lieu à l’autre : elle en serait dépendante pour composer son cocktail de défen- se chimique. L’évolution fait que tout est dosé : un animal moins toxique doit être moins coloré, plus discret aux yeux des prédateurs. Ce qui nous étonne aussi, c’est la capacité des différentes populations à maintenir en milieu terrestre (c’est nette- ment plus courant en milieu insulaire) leurs colorations distinctes. Les métissages possibles devraient uniformi- ser les populations mais là, nous sommes en quelque sorte face à la base de la spéciation écologique : à quel moment les barrières qui empêchent la reproduction se mettent-elles en place, à quel moment les populations prennent-elles des voies évolutives distinctes pour deve- nir des espèces à part entière ? C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pratiquons des hybridations entre les populations. En étudiant Dendrobates tinctorius , nous espérons en apprendre davantage sur l’apparition d’es- pèces nouvelles en Amazonie. Comportement, génétique

Understanding how species adapt and how they will respond to future changes, be they human-induced, cli- matic or other, is the objective of the studies conducted by Mathieu Chouteau and his team on these small frogs of the French Guiana called Dendrobates, in order to bet- ter guide future conservation policies. Mathieu is a biolo- gist in evolutionary biology at the CNRS, in charge of a team interested in the ecology and evolution of biodiver- sity in the Amazon, with a platform that allows him to conduct experiments on wild animals. A small species of coloured frog from the Guiana plateau, Dendrobates tinctorius , which is its scientific name, is the focus of much attention at the CNRS.

Why Dendrobates? Mathieu Chouteau: They are fascinating frogs. Visually,

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they speak to us. The different populations, geographically structured, have very distinct colourings (all the photos illustrating the article represent Dendrobates tinctorius . Thanks to Cyril Gaertner for his patience), with an identical message to potential predators: they are toxic! Their colour is optimised for the pre- dator community. The brighter the colour, the more toxic the frog, and the less fearful it is. We are currently investigating what might drive the degree of toxicity. It would seem that the alkaloids contained in its skin are acquired during feeding, composed of microinverte- brates that vary from one place to another: it would be dependent on them to compose its chemical defence cocktail. Evolution means that everything is measured out: a less toxic animal must be less colourful, more discreet in the eyes of predators. What also surprises us is the ability of different populations to maintain their distinct colou- ring in terrestrial environments (this is much

more common in island environments). Possible interbreeding should standardise populations, but here we are in a way faced with the basis of ecological speciation: at what point do the barriers that prevent reproduc- tion come into place, at what point do popula- tions take distinct evolutionary paths to beco- me fully-fledged species? This is one of the rea- sons why we hybridize between populations. By studying Dendrobates tinctorius , we hope to learn more about the appearance of new spe- cies in the Amazon. Behaviour, genetics asso- ciated with coloration patterns, we are stu- dying everything that helps to answer the question: why don't we observe hybrids bet- ween populations in the wild? Our platform allows us to generate these hybrids to try to understand. We have been able to observe that certain populations refuse to reproduce with partners of different colours. In some cases we have been able to show that the hybrid offspring have less chance of survi- val (high mortality in the larval stage), and that they have difficulty reproducing after- wards. We are very lucky to be able to maintain this wild population for scientific purposes.

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IBIS ROUGE OISEAUX Texte & photographies - Jean-Emmanuel Hay

C’est l’un des oiseaux emblématiques de Guyane : l’Ibis rouge. Grégaire, il peut former des groupes de milliers d’indi- vidus qui attendent patiemment la marée basse dans les branches des palétuviers, avant d’aller se nourrir, plongeant leur long bec dans la vase, en quête de crustacés. Un vol d’ibis rouges dans la mangrove est un spectacle inoubliable, surréa- liste. Pourtant les ibis rouges ont failli disparaître du ciel guya- nais. Michel Condamin, zoologiste à l’ORSTOM, tirait la sonnet- te d’alarme en 1975 : “En Guyane… la beauté de l'ibis rouge ne semble guère émouvoir et le "flamant" (flanman : nom créole

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chures de l’Approuague, du Sinnamary et de la rivière de Kaw sont de bons sites d’observation de l’Ibis rouge. Gageons que l’on verra de plus en plus d’Ibis rouges envahir nos rêves et notre imagination, et flatter de leurs couleurs chatoyantes les mangroves guyanaises. The Scarlet ibis is one of French Guiana's most emble- matic birds. A regular sight, it can form groups of thou- sands of individuals that wait patiently for low tide in the branches of the mangrove trees, before going off to feed, plunging their long beaks into the mud in search of crus- taceans. A flight of Scarlet ibis in the mangroves is an unforgettable, surreal sight. The Scarlet ibis could have disappeared from French Guiana's skies. Michel Condamin, a zoologist at ORSTOM, sounded the alarm in 1975: "In French Guiana... the beauty of the Scarlet ibis hardly seems to move anyone and the 'flamingo' (flan- man: Creole name given to the ibis) is still considered to be a game of choice, just as the Bald ibis was in Europe in the Middle Ages, which led to its total disappearance from that continent; the same fate will undoubtedly befall the Scarlet ibis here in the near future, if the unbridled hunting that is currently taking place conti- nues at the same rate. If hunting regulations were res- pected by all, the Scralet ibis population in French Guiana would not be in danger; unfortunately, this is not the case... Add to this the fact that the trade in feather flo- wers (photo by Pierre Paillard, above, in the 1970s) does not help matters. We need to make a major effort to edu- cate the public, especially hunters, as well as children, whether they are potential hunters or conservationists.” Michel Condamin's cry of alarm has been heard: the hun- ting and sale of the Scarlet ibis has been banned (the bird has been fully protected since 1986) and poaching is pro- bably on the decline; we are once again delighted to see pretty groups flying in the skies over French Guiana, including from the old port of Cayenne: in the 1970s, Pierre Paillard photographed several thousand indivi- duals in flight there. I was delighted to see more than a hundred recently. It has to be said that Scarlet ibis follow the mudflats and mangrove swamps: as the latter beco- me established, good sightings in the city can be envisa- ged. Otherwise, the mouths of the Approuague, Sinnamary and Kaw rivers are good places to spot the Scarlet ibis. It's a safe bet that we'll see more and more Scarlet ibis invading our dreams and imaginations, flattering the mangroves of French Guiana with their shimmering colours.

donné à l’ibis) est considéré jusqu'à présent comme un gibier de choix, tout comme l'était en Europe au Moyen- Age l'Ibis chevelu, ce qui lui a valu de disparaître totale- ment de ce continent ; C'est sans conteste le même sort qui attend ici l'ibis rouge à brève échéance, si la chasse effrénée qui lui est faite actuellement continue sur le même rythme. Si la réglementation de la chasse était respectée par tous, la population d'ibis rouges de Guyane ne serait pas en danger ; malheureusement il n'en est rien… Ajoutons à cela que le commerce des fleurs en plumes (photo de Pierre Paillard, ci-dessus, dans les années ‘70) n'arrange pas les choses. Un gros effort d'éducation est à entreprendre auprès du public et prin- cipalement des chasseurs, ainsi qu'auprès des enfants, chasseurs ou protecteurs de la nature en puissance.” Le cri d’alarme de Michel Condamin a été entendu : la chasse et la vente de l’ibis rouge ont été interdites (l’oi- seau est intégralement protégé depuis 1986) et le bra- connage est probablement en déclin ; on voit à nouveau avec plaisir de jolis groupes évoluer dans les cieux guya- nais, y compris depuis le vieux port de Cayenne : dans les année ‘70, Pierre Paillard y avait photographié plusieurs milliers d’individus en vol. J’ai eu la joie d’en voir évoluer récemment plus d’une centaine. Il faut dire que les Ibis rouges suivent les bancs de vase et la mangrove : à mesure que cette dernière s’installe, de belles observa- tions citadines sont envisageables. Sinon les embou-

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N ATURE

Pour la plupart d’entre-nous, la rencontre d’un serpent, aléatoire, est une surprise. Pas toujours bonne ; rarement mauvaise. Mais le risque de marcher sur l’un de ces reptiles, qui se confond bien avec l’environnement, est-il élevé ? Philippe Gaucher connaît bien les serpents. Voici sa réponse. Philippe Gaucher : Faut-il avoir peur des serpents ? La question est mal formulée. Si l’on a déjà peur, c’est un fait. Néanmoins, la rencontre de serpents dangereux en Guyane n’est pas aussi rare qu’on pourrait le croire dans le département. La grage petit carreaux, Bothrops atrox , est le serpent qu’on a r des serpents ? Interview Jean-Emmanuel Hay Photographies Mathias Fernandez & Jean-Emmanuel Hay

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Page 46-47 : Grage grands carreaux Lachesis muta . Ci-dessus : Oxyrhope à nez jaune, Oxyrhopus occi- pitalis. Page 48 : le don pour le camouflage de Bo- throps atrox , le Grage à fer de lance.

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le plus de chances rencontrer, y compris dans les jardins de Cayenne. D’ailleurs, il se nourrit de proies favorisées par l’ouverture de la forêt, notamment les lézards et les ron- geurs, communs en ville. On compte en moyenne une mor- sure par mois, enregistrée par les hôpitaux. Le venin est toxique, mais pas foudroyant. Le problème avec le venin des serpents, c’est que chaque morsure est unique : l’ani- mal va injecter plus ou moins de venin, voire pas du tout, selon son stress, le fait qu’il ait récemment mangé ou pas (auquel cas il aura déjà utilisé du venin). A cela s’ajoute la nature du receveur, qui peut être allergique au venin, et le lieu de la morsure : l’impact ne sera pas le même si l’on est mordu au pied ou au visage. La mortalité est extrêmement

For most of us, a random encounter with a snake is a surprise. Not always good; rarely bad . But is the risk of stepping on one of these reptiles, which blends in well with the environment, high? Philippe Gaucher knows snakes well. Philippe Gaucher : Should you be afraid of snakes? The question is badly formulated. If you are already afraid, that is a fact. Nevertheless, encounters with dangerous snakes in Guyana are not as rare as one might think in the department. The Common lancehead, Bothrops atrox , is the snake you are most likely to encounter, including in the gardens of Cayenne. Moreover, it feeds on prey favou- red by the opening of the forest, notably lizards and rodents, com- mon in the city. There is an average of one bite per month, recorded by hospitals. The venom is toxic, but not fatal. The problem with snake venom is that each bite is unique: the animal will inject more or less venom, depending on its stress, whether it has recently eaten or not (in which case it will already have used venom). Added to this is the nature of the recipient, who may be allergic to the venom, and the loca- tion of the bite: the impact will not be the same if you are bitten on the foot or the face. Mortality is extre- mely rare (5 deaths in the last 35 years), but the morbidity can be severe: the tip of a bitten finger is often lost due to necrosis. It is important to know that the medical services of French Guiana's hospitals have been equipped for several years with a multi-purpose anti-venom, which treats the bites of the South American bushmaster ( Lachesis muta ), the South American rattlesnake ( Crotallus durissus ) and the Common lancehead ( Bothrops atrox ). In the event of a bite, a fairly massive intravenous injec- tion (several ampoules) is given in hospital, under medi- cal supervision. It is important to keep things in perspec- tive: when you go into the forest, the main risk is falling trees and branches, followed by wasp attacks, which come well before snake bites, which are accidental, when you step on the animal. Everyone passes by a snake at some point, confident in its camouflage. You have to watch where you step.

faible (5 morts ces 35 dernières années), mais la morbidi- dé peut être sévère : on perd fréquemment l’extrémité d’un doigt mordu, en raison des nécroses. Il faut savoir que les services médicaux des hôpitaux de Guyane sont dotés depuis quelques années d’un anti-venin polyvalent, qui traite les morsures du grage grand-carreaux ( Lachesis muta ), du serpent à sonnette ( Crotallus durissus ) et du grage petits carreaux ( Bothrops atrox ). En cas de morsure, une injection intraveineuse assez massive (plusieurs ampoules) se fait en milieu hospitalier, sous contrôle médical. Il faut bien savoir relativiser : lorsqu’on va en forêt, le risque prin- cipal reste les chutes d’arbres et de branches. puis les attaques de guêpes, qui arrivent bien avant les morsures de serpents, accidentelles, lorsqu’on marche sur l’animal. Tout le monde passe un jour ou l’autre à deux pas d’un ser- pent, confiant dans son camouflage. Il faut regarder où l’on met les pieds.

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ECONOMIE

en Guyane TOURISME ? POUR LE QUEL AVENIR Texte & photographies - Jean-Emmanuel Hay

Avec les interviews de Didier Bironneau, Délégué Antilles-Guyane d’Atout France & Jean-Marie Prévoteau, secrétaire de la Compagnie des Guides de Guyane

Vous est-il arrivé de chercher une prestation touristique pour le week-end prochain ou pour des amis qui viennent vous voir en Guyane ?… d’avoir tout tenté ?… cherché encore… et peut-être cherchez-vous toujours ?! Il faut avoir le privilège du recul pour essayer de comprendre la situation du tourisme guyanais, s’être entendu dire à Noël qu’un hébergement de vacances, que vous aviez réservé, est fermé… parce que c’est Noël ! Avoir vu, parmi les rares “véri- tables” touristes, des visiteurs dépités par les obstacles tombés sur le chemin de ce qui devait être leurs vacances, comme autant de chablis en forêt amazonienne. Pour ceux qui arrivent en Guyane, région grande comme le Portugal, avec l’une des offres touristiques les moins développées au monde, mieux vaut qu’ils aient préparé leur voyage sans rien laisser au hasard ; au rythme actuel, ce n’est pas demain que le tourisme guyanais sera hissé au rang de carrefour mondial d’excellences. J’entends des voix dire : personne ne vous croira !… pour reprendre une formule devenue popu-

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laire afin de signifier sa stupéfaction… et justement née lors d’une campagne de promotion du Comité du Tourisme de Guyane. Lors de la dernière convention des Entreprises du voyage d’Ile-de-France, qui s’est tenue en Guyane sur invitation du Comité du Tourisme, son Directeur, Loïc Buzaré, a fixé devant les professionnels présents, les limites du territoire en matière de tourisme vert, à savoir “moins de dix carbets à la capacité maxima- le de 20 visiteurs”, mais les responsables du Comité du Tourisme de la Guyane auraient en ligne de mire un déve- loppement basé sur les modèles du Costa Rica et du Brésil. (source : article paru dans le magazine profession- nel TourMag du 27/03/2023). Nous espérons que l’au- teur de ces propos a une bonne expérience du Costa Rica et du Brésil, et qu’il saura adapter avec succès leurs modèles aux exigences européennes et locales, car c’est le même discours que l’on entend depuis des lustres, comme une image d’Epinal copié/collée, sans innovation ni développement. En attendant, le fossé est immense entre ces destina- tions et la Guyane. Aussi la plupart des “vrais” touristes (tourisme non affinitaire et non endogène) pourront-ils découvrir cette magnifique région sans compter sur per- sonne d’autre qu’eux-mêmes, ce qu’ils font avec un cer- tain succès lorsqu’ils sont motivés et bien préparés… et aussi grâce aux nombreuses associations qui comblent le vide sidéral : il y a deux ou trois réceptifs à peine, pour tout le territoire, qui se partagent ce joli gâteau mais sont débordés au moindre “pic” touristique. Il y a plus de vingt ans que le Comité du Tourisme tient les mêmes propos, sauf qu’avant l’offre touristique guyanaise était meilleure : cherchez l’erreur ! Avec le peu d’héberge- ments valables disponibles, des réceptifs et des agences de voyages que l’on peut compter sur les doigts des deux

mains, on est bien loin du Portugal (sauf en ce qui concer- ne la superficie, ce qui ne nous mène à pas à grand- chose). Le manque d’offre est prodigieux, unique en son genre, et l’on est en droit de se demander pourquoi ? Le Président du Comité du Tourisme de la Guyane, Monsieur Jean-Luk Le West, à été fin 2022 à Las Palmas de Gran Canaria, à la Convention du Tourisme des Iles euro- péennes, m’ont rapporté des professionnels méditerra- néens avec lesquels je parle parfois de la Guyane. Pour y faire quoi ? Mystère, la Guyane ne fait pas partie des des- tinations citées, et pour cause (https://europeantouris- mislandsconvention.com). Il a peut-être été question de l’Ile de Cayenne, ou des Iles du Salut, dont la gestion des infrastructures touristiques vient d’être confiée par le Centre Spatial Guyanais à StraTOM Group, ainsi celle de l’Hôtel des Roches. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la boulimie nouvelle sur le territoire guyanais de StraTOM Group coïncide avec la nomination de son employé, Jean-Luc Le West, Directeur du Grand Hotel Montabo, élu de la Collectivité Territoriale de Guyane en tant que Vice-Président délégué à l’économie et au tou- risme, à la Présidence du Comité du Tourisme de la Guyane. A ce rythme-là, on ne sera pas surpris d’ap- prendre un jour prochain que StraTOM Group soit aussi devenu gestionnaire du Zoo de Guyane et d’un droit de passage pour l’accès aux criques ! Pendant ce temps, ni Cayenne ni les Iles du Salut ne sont en mesure d’ac- cueillir des touristes dans de bonnes conditions. Cayenne ressemble à un chantier où prennent assez régulièrement feu des habitations (répondant à quelles normes ?) foyers que l’on essaie d’éteindre avec une peti- te lance à eau, quand elle fonctionne en temps et heure : qui se souvient de la facilité avec laquelle a flambé l’Hôtel Montjoyeux Les Vagues, du temps mis par les pompiers pour

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arriver sur place et de l’inefficacité des moyens dont ils disposaient ? Pourtant la ville possède un véritable héritage architectural, malheu- reusement sous valorisé. Cayenne, où l’on peut à tout moment abîmer sa voiture de loca- tion en tombant dans des trous qui ne sont plus, depuis longtemps, des nids de poules, mais de vraies “mares aux canards”… et “Cayenne by night”, glauque, à l’exception de la Place des Palmistes, plus ou moins fréquen- table, et de rares ilots de vie sympathiques, où l’on a moins de chance de tomber sur des dro- gués. Mais pour trouver un restaurant ouvert le dimanche soir, c’est : “Cayenne, je t’aime ! Mo kontan to Cayenne !” C’est écrit en créole et en lettres magistrales en haut du Mont Cépérou (si vous y montez à pieds vous pourrez consta- ter combien cet amour est viral, vu l’état des chemins possibles pour s’y rendre). A propos de viral, j’ai vu des touristes faire un selfie devant cet “Hollywood” local et leurs vacances ont failli se terminer là, en pirouette : la plate- forme, non sécurisée, est très glissante en sai- son des pluies. La ville capitale et l’Office du Tourisme du Centre Littoral peuvent s’enor- gueillir de ce petit pas pour l’humanité, voici qu’en dit le magazine professionnel TourMag (27/03/ 2023) : “… Cayenne voudrait rivaliser avec ses “consœurs” des Antilles en déclinant son patrimoine historique, sa dimension multi- culturelle et l’animation de ses marchés… La ville est parsemée de témoignages créoles et vit intensément son carnaval, étalé sur plu- sieurs semaines, ponctué des sorties spectacu-

laires des touloulous masqués. Mais si cela peut alimenter un tourisme affinitaire auprès de la communauté guyanaise expatriée, la motivation n’est pas suffisante pour miser sur

un public plus large” : toujours intéressant de savoir comment l’on est perçu de l’extérieur… Les orgueilleuses œillères ne servent qu’à gon- fler l’égo, et l’égo n’a pas sa place en matière de développement durable, ni de tourisme international. Je me souviens d’un ministre du tourisme chypriote qui voulait faire ériger une statue géante en l’honneur d’Aphrodite (plus de vingt mètres de haut, si mes souvenirs sont bons) à l’endroit supposé de sa naissance d’après la mythologie, du site où elle sortit de

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l’écume des flots : lieu touristique très fré- quenté, superbe, sur le littoral, et qui aurait été totalement défiguré par l“œuvre“ implan- tée en mer. Par chance, des êtres sensés ont fait obstacle à son égo : il n’était déjà plus ministre depuis longtemps lorsque le projet de statue a sombré dans l’oubli. Donc, pour reve- nir à la difficulté de trouver un restaurant ouvert le dimanche soir, il est assez drôle de constater que le seul à prendre cette initiative, être ouvert lorsque les autres sont fermés, offrant par la même occasion au voyageur de passage la chance de passer une belle soirée,

déjeuner, misérable (gageons que StraTOM Group, nouveau gestionnaire des lieux, fera mieux : ce ne sera pas difficile). Je pense à celles à ceux qui ont l’idée saugrenue de vou- loir faire stopper des bateaux de croisière aux Iles du Salut. Non seulement aucune infra- structure digne de ce nom ne pourrait les rece- voir, en l’état actuel, mais en plus, si ce non- sens voyait le jour, les îles, si fragiles et non protégées, seraient rapidement dévastées par le flot des visiteurs ! Puisse Poséidon tenir éloi- gné d’elles les bateaux de croisière, tant qu’elles ne pourront pas les accueillir avec res- pect. C’est bien de cela dont on parle lorsqu’on aborde la question du tourisme en Guyane : de quelles infrastructures dispose-t-on pour rece- voir des voyageurs dans les meilleures condi- tions, en préservant les sites ? Que faire pour qu’une crique ne soit plus une décharge à ciel ouvert, où le touriste pourra se baigner sans se couper sur des bouteilles en verre brisées ni sla- lomer entre des préservatifs usagés ? Et je passe le fait que le littoral se transforme peu à peu lui même en poubelle, où s’amoncellent carcasses de voitures, frigidaires abandonnés, bien d’autres choses qui n’ont rien à faire là et donnent une image inattendue de l’Amazonie française. Au lieu d’être obsédés par cette question vitale pour l’image et le développement du touris- me, et surtout par l’immense vide structurel à combler pour accueillir des visiteurs et leur donner l’occasion de vivre des expériences uniques, en facilitant la mise en place de pro- duits touristiques, le Comité du Tourisme de Guyane déploie son plus gros budget annuel pour la Foire de Paris : une foire, vous avez bien lu ! On pourrait trouver l’idée intéressan- te si elle était suivie d’un beau retour sur investissement, mais ce n’est pas le cas ! La gabegie d’argent public dépensé là pourrait faire le bonheur de celles et ceux dont les rêves de développement touristique sur le ter- ritoire ne trouvent pas d’écoute attentive. Les prospects éventuels de la foire (touristes non affinitaires ni endogènes, ou Guyanais vivant à Paris) viennent essentiellement sur le stand de la Guyane pour boire et manger : c’est à cela que se résume la destination et les profits,

est le restaurant Chéri, à l’Anse Chaton, qui a eu les plus grandes peines à ouvrir, pour des raisons que nous ne développerons pas (elles ont été assez inutilement médiatisées) mais qui de toute évidence mettent en avant la dif- ficulté à participer au développement de la Guyane. Retour aux Iles du Salut. J’y ai accompagné deux jeunes femmes, rencontrées au marché de Cacao, et qui m’avaient compté leurs mésa- ventures, dont une location de kayak un jour de saison des pluies et de crue. Mésaventure mémorable : elles avaient eu le temps d’imagi- ner leur noyade et de perdre une partie de leurs effets personnels… dans un naufrage qui n’a pas fait sourciller leur loueur. Tout allait donc bien aux Iles du Salut, jusqu’à l’heure du

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pour quelques entreprises guyanaises (non impliquées dans le tourisme par ailleurs). Il est incompréhensible que le Comité du Tourisme se soit substitué à la Collectivité Territoriale de Guyane, qui devrait piloter l’événement, en toute logique (c’était d’ailleurs le cas lors de la mandature précédente), puisqu’il n’y a pas un seul opérateur touristique guyanais qui se déplace à la foire ! Cette vision du Président du Comité du Tourisme de la Guyane, Jean-Luk Le West, à savoir offrir de la surface à des arti- sans, à la Foire de Paris, sur le budget du tou- risme, dans l’espoir que les visiteurs, fascinés, seront tellement séduits qu’ils viendront en vacances en Guyane, est novatrice, hors normes et à l’écart de toutes les stratégies touristiques connues dans le monde. Par contre, lorsqu’on se rend au World Travel Market de Londres ou à I’ITB (Internationale Tourismus-Börse Berlin), l’un des salons de tourisme les plus importants du monde, où les plus petites destinations, et les plus inatten- dues, sont présentes… on ne trouve pas la Guyane, mais les stands du Suriname ou du Guyana : cela donne une idée de l’ambition du Comité du Tourisme en matière de visibilité internationale, alors qu’il pourrait dépenser prochainement des millions pour faire venir des émissions sans valeur ajoutée, telles que Koh Lanta, ou l’élection de Miss France. Les sociétés de production de ces deux émissions, Aventure Line Productions et Miss France, toutes deux dirigées par Alexia Laroche- Jouber, ont déjà été invitées à faire des repé- rages en Guyane. Qu’est-ce que cela peut apporter en matière de développement, d’in- frastrutures touristiques ? Et si cette visibilité était bonne (il est probable que Koh Lanta nourrisse un peu plus les fantasmes de ceux qui voient encore, hélas, dans la Guyane, un enfer vert), comment seraient accueillies ces nuées de touristes, et par qui ? La formation des acteurs du tourisme est aussi défaillante que les structures sont rares. A ce rythme-là, on met la charrue loin, très loin avant les bœufs, pour satisfaire quel égo ? Cette vision du tourisme “spectacle” n’a pas d’avenir immédiat en Guyane, parce qu’il est impos- sible d’y accueillir beaucoup de visiteurs, et

encore moins de voyageurs étrangers, sauf s’ils sont francophones, ce qui devient rare. La Guyane n’est pas plus grande que le Portugal sur une mappemonde : les deux destinations sont minuscules ; mais l’une des deux est déjà une grande destination touristique ; l’autre est en compétition avec le monde entier, et les rares partisans d’un tourisme d’excellence en Guyane ne sont pas ceux qui en parlent le plus, à en juger par des projets pareils. Didier Bironneau est Délégué Atout France pour les Antilles et la Guyane, depuis 2006, et responsable du pôle Outre-Mer d’Atout France : « Historiquement la Guyane est le départe- ment français, rapporté au nombre d’habi- tants, qui investit le moins dans le tourisme : c’est un handicap structurel pour le dévelop- pement d’une industrie qui repose d’abord sur l’offre ; pas d’investissement, peu de résultats. Ce manque d’investissements est multifacto- riel : le premier facteur est un portage poli- tique inconstant. A La Réunion, où il y eu un important portage politique, les résultats sont sans équivoque. On n’a jamais constaté cela en Guyane. Le tourisme est une industrie com- plexe qui est partagée entre investissements privés et publics, l’un ne pouvant pas se pas- ser de l’autre. Sans s’en rendre compte, un touriste consomme en général lors de son séjour autant de services publics que de ser- vices privés. Quand les acteurs publics ne jouent pas leur rôle, la destination est handi- capée dans son développement. Couvrant 15%

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développé que nous ne disposons même pas d’indica- teurs. On le retrouve dans les activités de pêche sportive, qui offrent des moments tout à fait exceptionnels, et lors de certaines expéditions en forêt amazonienne. La gamme hôtelière va jusqu’au quatre étoiles, mais il y a surtout des meublés de tourisme quatre étoiles, très appréciés par cette clientèle. Dans cette catégorie nous pouvons intégrer de manière singulière le tourisme d’af- faires, international, exigeant, qui se déploie dans la durée. Enfin, les connexions aériennes restent insuffi- santes. Lorsqu’il y a des vols, les touristes brésiliens vien- nent en Guyane, qui offre à proximité de chez eux des produits de luxe français : vin, champagne, épicerie fine, parfums. Les Surinamais viennent aussi faire leurs emplettes à Cayenne. C’est à la Collectivité Territoriale de Guyane de favoriser le développement de nouveaux axes aériens, porteurs de touristes, Cayenne étant, géographi- quement parlant, extrêmement bien située pour les échanges aériens.” Nous demandons à Jean-Marie Prévoteau, Secrétaire de la Compagnie des Guides de Guyane, pourquoi le touris- me a tendance a se concentrer sur le littoral, alors que la forêt amazonienne devrait être la destination première des touristes : “L’orpaillage illégal gangrène le territoire et pollue les sites. On en est arrivé au point que des trou- peaux entiers de zébus sont acheminés clandestinement depuis le Brésil pour être abattus sur site, parce ce que tout a été mangé, c’est dire l’impact sur la faune locale. Les expéditions lointaines sur la Mana, qui pouvaient durer 15 jours, on cessé parce qu’on ne peut pas montrer à des touristes un fleuve sale, boueux et sans faune, avec le risque de se faire racketter, ou pire, par des garimpei- ros. Jadis sur le Maroni, nous faisions la course entre guides (il y a avait davantage de réceptifs qu’aujourd’hui) pour avoir les meilleurs emplacements dans les villages : tout cela, c’est terminé. Le milieu naturel est ravagé et pollué, le matériel des opérateurs touristiques et réguliè- rement volé : moteurs, pirogues. Le flux touristique en Guyane est faible et donc, économiquement parlant, ce n’est pas facile. Même sur le littoral, il y a beaucoup à faire : A l’ilet la Mère, il est interdit d’avoir une activité touristique pérenne sur site, un carbet par exemple, ou des toilettes, et le débarcadère est dangereux. Aux Iles du Salut, site le plus visité de Guyane, il n’y a que deux gen- darmes et les dégradations engendrées par les visiteurs sont déjà importantes. Des croix ont été volées au cime- tière. Il n’y a pas de gestion des sites. Comment accueillir des touristes dans ces conditions ?”

du P.I.B., la consommation touristique intérieure de la Guyane est conséquente par rapport à la richesse régio- nale, elle représente un certain poids. Pourtant les pro- jets les plus structurants n’aboutissent pas. Je vous mets au défit de pointer un grand projet de développement touristique. Certes il se passe des choses, essentiellement sous l’im- pulsion d’investisseurs privés : l’agrotourisme a tendance à progresser. Mais la Maison du Rhum ne s’est jamais concrétisée. Le rhum de Guyane, c’est le seul spiritueux, en France qui n’ait pas son musée de valorisation, alors que le rhum de Guyane a une histoire. L’histoire de l’or mériterait aussi d’être racontée mais la Maison de l’Or n’a toujours pas vue le jour. Le projet de Centre européen de la Biodiversité n’a pas abouti. Le Parc Amazonien de

Guyane n’a pas de vitrine : il mène ses missions, mais personne n’en sait rien. Cela mériterait d’être présenté au public. La même chose pour les réserves naturelles et le Parc naturel régional. On comprend que le touriste reste sur sa faim. La gastronomie guyanaise, elle aussi, fondée sur la diversité des peuples et très différente de celle des Antilles, est exceptionnelle ; et totalement sous valorisée. Les Iles du Salut, qui sont un des hauts lieux du tourisme en Guyane, pourraient voir leurs services être améliorés, mais on est plus attaché à leur conservation en l’état, les îles étant classées aux Monuments histo- riques. Les projets d’y faire venir en escale des bateaux de croisière, avec pour résultat une massification de la fré- quentation des îles, profiteraient très peu au tourisme local. D’abord parce que les escales sont courtes, ensuite parce que les Iles du Salut ont une offre marchande très limité. Les croisiéristes ne représentent qu’1% de la consommation touristique en Guyane. Je pense que ce n’est pas du tout une priorité pour le développement. Quand au tourisme haut de gamme, il est tellement peu

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AERIEN

Air Caraïbes Marc Rochet Interview

Interview & photographies - Jean-Emmanuel Hay

Si le paysage aérien n’a pas vraiment changé depuis la pandémie, tout le monde a constaté que prendre l’avion coûte plus cher. Rencontre avec Marc Rochet, qui a cédé le 1er juillet 2023 la direction générale d’Air Caraïbes à Christine Ourmières-Widener, et qui évoque la situation actuelle avec le franc-parler qui est le sien, de même qu’il aborde clairement la question de la concurrence, du désenclavement aérien de la Guyane dont tout le monde rêve… et des enjeux liés au problème du trafic de drogue.

Jean-Emmanuel Hay : Marc Rochet, est-ce que la ligne Paris Cayenne a retrouvé son niveau de fréquentation d’avant la pandémie ?

Marc Rochet : La ligne retrouve progressivement ses chiffres de 2019. Nous sommes toujours dans une situa- tion à deux compétiteurs, Air France et Air Caraïbes, et l’on ne bénéficie pas d’une reprise extraordinaire. Pour

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considérablement augmentés, ce qui impacte directe- ment l’aviation. Le dollar a aussi un cours très élevé, et nous en sommes dépendants pour la maintenance des avions, les assurances, la valeur des avions, les taux d’in- térêts qui définissent les loyers. Si l’on ajoute à cela une inflation générale, on s’attend à une année 2023 difficile. On a augmenté les tarifs, parce qu’il fallait bien répercu- ter ces coûts, notamment celui du pétrole, mais le moins possible, afin de ne pas perdre de clients. La sortie de crise est en cours, mais lente et difficile. Jean-Emmanuel Hay : Vous avez entendu parler de nou- veaux projets de desserte au départ de Paris, des Antilles, de Cayenne et probablement de Belém, par une compa- gnie aérienne croate, qu’en pensez-vous ? Marc Rochet : Que ce soit du point de vue de ma culture personnelle, ou de ma motivation en tant que patron de compagnies aériennes, je suis pour la concurrence, pour une activité libéralisée. Je ne crois pas du tout aux mono- poles, ni à la gestion par les Etats du trafic aérien. Laissons faire l’industrie, elle s’en sort très bien toute seule. Elle l’a d’ailleurs prouvé lors de la pandémie, une crise d’une ampleur inédite, malgré les aides non équi- tables et non transparentes allouées à certaines compa- gnies aériennes. Je dis donc bienvenue à ce nouveau concurrent annoncé. Maintenant, en tant qu’opérateur, je suis très réservé sur la validité du business modèle, parce nous sommes dans des régions éloignées de tout, où le pétrole est encore plus cher qu’ailleurs. Je rappelle que la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont alimen- tées en kérosène par une raffinerie qui s’appelle la SARA, qui a décidé d’augmenter les prix pour les avions afin de faire baisser le prix de l’essence pour les automobilistes :

ne prendre qu’un exemple, la fin des lancements de Soyouz depuis le Centre Spatial Guyanais, en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine, provoque une baisse d’activité. Le retard pris par Ariane 6 aussi. Du côté d’Air Caraïbes, nous avons modernisé notre flotte pour n’avoir quasiment plus que des A350, nous avons rénové les salons d’affaires de Cayenne et d’Orly, nous avons ouvert une nouvelle agence commerciale à Cayenne, mais on ne peut pas dire que la ligne connaît une forte croissance. Le point positif concerne le redémarrage de l’activité cargo et de ce point de vue l’A350 est très performant. Il va se passer un an ou deux encore, avant que l’on puisse y voir plus clair : il y a eu la crise de la covid, suivie d’une crise économique. Les coûts de l’énergie et du pétrole ont

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cela n’arrange pas vraiment le transport aérien. Je connais nos futurs concurrents annoncés, ce sont des professionnels, mais j’attends de voir (et je n’ai rien vu pour l’instant) : je ne pense donc pas que ce soit pour tout de suite. Jean-Emmanuel Hay : Je voisi souvent les professionnels guyanais espérer un développement aérien régional concurrentiel. Chez Air Caraïbes, vous ne semblez pas vous y intéresser. Marc Rochet : Je pense que c’est à la collectivité publique, dans son ensemble, de prendre des initiatives. Nous avons déjà exploité par le passé une ligne entre Cayenne

et la Martinique. Nous n’y avons pas gagné d’argent, les passagers ont préféré prendre Air France pour gagner des miles. Le résultat fut notre retrait, et nous ne sommes pas prêts de revenir. Maintenant, si la collectivité veut ouvrir la Guyane à d’autres dessertes et à la concur- rence, il faudra qu’elle étudie sérieusement le sujet et qu’elle fasse des simulations, qu’elle aide aussi les nou- veaux entrants et les accompagne dans le temps. De nombreuses régions françaises souhaitent un désencla- vement, mais sont très réticentes à s’y engager financiè- rement. Il faudrait déjà prévoir, pour l’aéroport Félix Eboué, un système de correspondances efficaces, avant d’envisager les étapes du développement, et régler (c’est difficile, j’en conviens) les problèmes liés au contrôle des

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