associée aux patrons de coloration, nous étudions tout ce qui permet de répondre à cette question : pourquoi n’ob- servons-nous pas d’hybrides entre les populations en milieu naturel ? Notre plateforme permet de générer ces hybrides pour essayer de comprendre. Nous avons pu observer que cer- taines populations refusent de se reproduire avec des partenaires de couleurs différentes. Dans certains cas, nous avons pu démontrer que la progéniture hybride à moins de chances de survie (forte mortalité au stade lar- vaire), et qu’elle a du mal à se reproduire ensuite. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir maintenir cette population sauvage à des fins scientifiques, afin d’en tirer ces observations.
Une petite espèce de gre- nouille colorée du plateau guyanais, Dendrobates tincto- rius , c’est son nom scientifique, est l’objet de toutes les atten- tions, au CNRS. Pourquoi les Dendrobates ? Mathieu Chouteau : Ce sont des grenouilles fascinantes. Visuellement, elles nous par- lent. Les différentes popula- tions, géographiquement struc- turées, ont des colorations très distinctes (toutes les photos illustrant l’article représentent Dendrobates tinctorius. Remer-
ciements à Cyril Gaertner pour sa patience), avec un mes- sage identique à l’attention des prédateurs potentiels : elles sont toxiques ! Leur couleur est optimisée en fonc- tion de la communauté de prédateurs. Plus sa couleur est vive, plus la grenouille est toxique, et moins elle est craintive. Nous étudions actuellement ce qui peut motiver le degré de toxicité. Il semblerait que les alcaloïdes contenus dans sa peau soient acquis lors de l’alimentation, composée de micro invertébrés, variables d’un lieu à l’autre : elle en serait dépendante pour composer son cocktail de défen- se chimique. L’évolution fait que tout est dosé : un animal moins toxique doit être moins coloré, plus discret aux yeux des prédateurs. Ce qui nous étonne aussi, c’est la capacité des différentes populations à maintenir en milieu terrestre (c’est nette- ment plus courant en milieu insulaire) leurs colorations distinctes. Les métissages possibles devraient uniformi- ser les populations mais là, nous sommes en quelque sorte face à la base de la spéciation écologique : à quel moment les barrières qui empêchent la reproduction se mettent-elles en place, à quel moment les populations prennent-elles des voies évolutives distinctes pour deve- nir des espèces à part entière ? C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pratiquons des hybridations entre les populations. En étudiant Dendrobates tinctorius , nous espérons en apprendre davantage sur l’apparition d’es- pèces nouvelles en Amazonie. Comportement, génétique
Understanding how species adapt and how they will respond to future changes, be they human-induced, cli- matic or other, is the objective of the studies conducted by Mathieu Chouteau and his team on these small frogs of the French Guiana called Dendrobates, in order to bet- ter guide future conservation policies. Mathieu is a biolo- gist in evolutionary biology at the CNRS, in charge of a team interested in the ecology and evolution of biodiver- sity in the Amazon, with a platform that allows him to conduct experiments on wild animals. A small species of coloured frog from the Guiana plateau, Dendrobates tinctorius , which is its scientific name, is the focus of much attention at the CNRS.
Why Dendrobates? Mathieu Chouteau: They are fascinating frogs. Visually,
10
~C L A S S & R E L A X L I F E S T Y L E M A G A Z I N E - 2023 ~
Made with FlippingBook - Online magazine maker