pour quelques entreprises guyanaises (non impliquées dans le tourisme par ailleurs). Il est incompréhensible que le Comité du Tourisme se soit substitué à la Collectivité Territoriale de Guyane, qui devrait piloter l’événement, en toute logique (c’était d’ailleurs le cas lors de la mandature précédente), puisqu’il n’y a pas un seul opérateur touristique guyanais qui se déplace à la foire ! Cette vision du Président du Comité du Tourisme de la Guyane, Jean-Luk Le West, à savoir offrir de la surface à des arti- sans, à la Foire de Paris, sur le budget du tou- risme, dans l’espoir que les visiteurs, fascinés, seront tellement séduits qu’ils viendront en vacances en Guyane, est novatrice, hors normes et à l’écart de toutes les stratégies touristiques connues dans le monde. Par contre, lorsqu’on se rend au World Travel Market de Londres ou à I’ITB (Internationale Tourismus-Börse Berlin), l’un des salons de tourisme les plus importants du monde, où les plus petites destinations, et les plus inatten- dues, sont présentes… on ne trouve pas la Guyane, mais les stands du Suriname ou du Guyana : cela donne une idée de l’ambition du Comité du Tourisme en matière de visibilité internationale, alors qu’il pourrait dépenser prochainement des millions pour faire venir des émissions sans valeur ajoutée, telles que Koh Lanta, ou l’élection de Miss France. Les sociétés de production de ces deux émissions, Aventure Line Productions et Miss France, toutes deux dirigées par Alexia Laroche- Jouber, ont déjà été invitées à faire des repé- rages en Guyane. Qu’est-ce que cela peut apporter en matière de développement, d’in- frastrutures touristiques ? Et si cette visibilité était bonne (il est probable que Koh Lanta nourrisse un peu plus les fantasmes de ceux qui voient encore, hélas, dans la Guyane, un enfer vert), comment seraient accueillies ces nuées de touristes, et par qui ? La formation des acteurs du tourisme est aussi défaillante que les structures sont rares. A ce rythme-là, on met la charrue loin, très loin avant les bœufs, pour satisfaire quel égo ? Cette vision du tourisme “spectacle” n’a pas d’avenir immédiat en Guyane, parce qu’il est impos- sible d’y accueillir beaucoup de visiteurs, et
encore moins de voyageurs étrangers, sauf s’ils sont francophones, ce qui devient rare. La Guyane n’est pas plus grande que le Portugal sur une mappemonde : les deux destinations sont minuscules ; mais l’une des deux est déjà une grande destination touristique ; l’autre est en compétition avec le monde entier, et les rares partisans d’un tourisme d’excellence en Guyane ne sont pas ceux qui en parlent le plus, à en juger par des projets pareils. Didier Bironneau est Délégué Atout France pour les Antilles et la Guyane, depuis 2006, et responsable du pôle Outre-Mer d’Atout France : « Historiquement la Guyane est le départe- ment français, rapporté au nombre d’habi- tants, qui investit le moins dans le tourisme : c’est un handicap structurel pour le dévelop- pement d’une industrie qui repose d’abord sur l’offre ; pas d’investissement, peu de résultats. Ce manque d’investissements est multifacto- riel : le premier facteur est un portage poli- tique inconstant. A La Réunion, où il y eu un important portage politique, les résultats sont sans équivoque. On n’a jamais constaté cela en Guyane. Le tourisme est une industrie com- plexe qui est partagée entre investissements privés et publics, l’un ne pouvant pas se pas- ser de l’autre. Sans s’en rendre compte, un touriste consomme en général lors de son séjour autant de services publics que de ser- vices privés. Quand les acteurs publics ne jouent pas leur rôle, la destination est handi- capée dans son développement. Couvrant 15%
~C L A S S & R E L A X L I F E S T Y L E M A G A Z I N E - B U S I N E S S - 2023 ~
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