Ernest Prévot : Je pense avoir choisi les bonnes per- sonnes, animées par la volonté de porter plus loin la rhu- merie, avec une expertise et des moyens financiers consé- quents. Si je n’étais pas convaincu par ces points essen- tiels, j’aurais peut-être poussé davantage mon fils à reprendre les Rhums Saint-Maurice. Mais c’est un busi- ness aux enjeux importants, et je souhaite que l’entrepri- se soit pérenne : il y a de l’emploi qui en dépend ! Le pro- duit lui-même mérite de conserver sa singularité, il est différent du rhum antillais, grâce à des méthodes tradi- tionnelles locales, et peut-être au climat. Mes homo- logues antillais en conviennent. Le Salon de l’Agriculture nous a permis, à plusieurs reprises, de souligner cette dif- férence et nos rhums d’en être récompensés, dont tout récemment, en mars 2023, d’une médaille d’or. Nous avions déjà eu l’or en 2020 et l’argent en 2022. Nous souhaitons que le groupe GBH maintienne notre spécificité, afin que la Guyane continue d’être fière de son rhum au parfum si particulier. La route fut longue et semée d’embuches, pour moi : il y a 35 ans, les restaurateurs servaient du rhum venu d’ailleurs ; aujourd’hui la donne a changé sur les tables de Guyane. On peut même prendre un Ti’punch Belle Cabresse à bord des vols d’Air Caraïbes. Après neuf mois de négociations, j’ai donc signé avec GBH, le 29 mars 2023, à Paris. Cela ne signifie pas que je me retire immé- diatement du business : la passation se fera progressive- ment, durant l’année, puis je resterai consultant pour accompagner le nouveau développement local. L’ouest guyanais offre peu d’activités industrielles, celui de la rhumerie sera source d’emplois locaux. GBH était le seul groupe en mesure de répondre à mes attentes, à savoir sécuriser et pérenniser la production de rhum guyanais. D’autre part, il sera en mesure de faire rayonner notre rhum dans le monde et je pourrais dire fièrement au Président de la Collectivité Territoriale de Guyane com- bien j’ai contribué à hisser notre région au rang de carre- four mondial d’excellences, grâce à une coopération internationale. Jean-Emmanuel Hay : Avez-vous constaté des change- ments dans les habitudes de consommation, au cours du temps ?
rendez-vous, Ernest Prévot présente clairement sa démarche, et ce à quoi le groupe GBH, repre- neur de l’entreprise, s’est engagé. Jean-Emmanuel Hay : Ernest Prévot, quel a été votre cheminement ces deux dernières années, depuis votre décision de vendre jus- qu’à la cession des Rhums Saint-Maurice ? Ernest Prévot : Le fonctionnement de l’en- treprise reposant totalement sur mes épaules, ma première décision fut d’envi- sager l’arrêt de mon activité professionnel- le, pour mes 70 ans. La rhumerie étant située à Saint-Laurent-du-Maroni, cela commençait à faire loin de mon domicile, basé à Cayenne.
Et puis j’ai décidé qu’il était temps de pro- fiter un peu du fruit de mon travail, après 35 années à développer la rhumerie, et 15 autres précédemment passées au service de l’entreprise familiale : cela fait quatre génération que nous produisons du rhum et ma rhumerie était la dernière en activité, sur les dix- sept distilleries qu’à jadis compté la Guyane.
Jean-Emmanuel Hay : Dans quel état d’esprit cédez-vous l’entreprise ?
Ernest Prévot : Avec la satisfaction d’avoir atteint mes objectifs. J’ai totalement reconstruit la distillerie, qui était vétuste. Depuis 2013 la réussite de l’entreprise est confir- mée. Il y a bien sûr eu la covid et les conséquences que l’on sait, des récoltes de canne à sucre compliquées. Il fal- lait repartir vers des investissements lourds au regard des nouvelles normes environnementales. Bref, il était temps pour moi de passer le flambeau. La Belle Cabresse affiche une belle santé avec un potentiel de développement conséquent, la demande étant supé- rieure à la production malgré les objectifs que je m’étais fixés : 10 000 tonnes de canne à sucre pour un million de litres de rhum ! J’ai toujours donné priorité à mes compatriotes, avec une distribution locale (n’ayant pas eu, d’autre part, les moyens d’investir davantage) et avec la volonté de cor- respondre à l’attente des consommateurs.
Jean-Emmanuel Hay : Quels ont été vos critères pour sélectionner le repreneur, le groupe GBH ?
Ernest Prévot : Oui, les habitudes ont changé. A l’époque
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