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JEUDI 11 JANVIER 2024 / FINANCES NEWS HEBDO
ECONOMIE
ner avec des deniers publics, entre autres du matériel d’irriga- tion, pour permettre à quelques gros exploitants agricoles (les petits agriculteurs sont rarement concernés) de produire des denrées hydrovores, qui sont de surcroit destinées à l’export» , analyse notre interlocuteur, pour qui « c’est cela la véritable pro- blématique du point de vue de la demande». Tout repenser Aujourd’hui, il semble qu’il faille une conception autre de la poli- tique agricole, qui partait tou- jours de l’hypothèse que «l’eau va suivre». En d’autres termes, changer de paradigme. « Nous sommes arrivés à un stade où les choix de production, avec leur localisation, doivent être subordonnés à l'état des res- sources, c'est-à-dire qu’on ne peut plus produire n’importe quoi, n’importe où. Autrement dit, les choix de politique agri- cole doivent être orientés par les deux seuls critères les plus importants : les ressources naturelles et la souveraineté ali- mentaire», analyse Akesbi. «Deuxièmement, il faudra, à un niveau global, se fixer des objec- tifs clairs en termes de sécu- rité alimentaire et de préserva- tion des ressources. Il faut être concret : comme par exemple, sur 10 à 15 ans, assurer 70% d’autosuffisance en matière de blé, ou encore sur tel bassin hydrique, préserver tel niveau de ressource. Ce sont des choix majeurs qui doivent être faits, et à partir de là, on décline les poli- tiques au niveau des régions, des zones, des localités…» , ajoute-t-il. Et de conclure qu’en gros, il s’agit de faire de la pla- nification, car, estime-t-il, «nous n’avons plus le choix». Clairement, la gestion de cette crise hydrique au Maroc néces- site une approche holistique, combinant des mesures d'ur- gence à court terme avec des initiatives à long terme bien réfléchies. ◆
Selon Baraka, à l'horizon 2030, 50% de l'approvisionnement en eau potable seront assurés par le dessalement des eaux.
gérer le stress hydrique. Des mesures qui vont de la sen- sibilisation sur l'importance de rationaliser la consommation d'eau à la coupure totale d’eau dans certains quartiers pen- dant certaines plages horaires, en passant par la lutte contre la déperdition des ressources hydriques, la répression des cas de fraude à l'exploitation des ressources hydriques ou encore l’interdiction de certaines acti- vités (arrosage de tous les espaces verts et jardins publics, nettoiement des voies et des places publiques par l'usage d'eau, remplissage des piscines publiques et privées plus d'une fois par an, cultures aquavores). «A mon avis, la chose la plus
importante, c’est la demande. Tout ce qui peut être fait pour économiser une goutte d'eau va dans le bon sens, et il faut l'encourager» , souscrit Akesbi. «Mais c’est quand même fort de café de culpabiliser les citoyens, l’industrie, le tourisme…, bref tout ce qui ne relève pas de l’agri- culture et qui ne consomme, en réalité, qu’entre 10 à 15% des ressources en eau disponibles» , déplore-t-il. Et de souligner que «toute action sérieuse, crédible et efficace à
ce niveau-là doit se concentrer prioritairement sur l’agriculture qui capte, selon les chiffres du haut-commissariat au Plan, 87% de la ressource disponible». Cela reviendrait à repenser le modèle agricole actuel. Sujet longtemps tabou, les respon- sables adhèrent de plus en plus à cette thèse, même s’ils ne traduisent pas cette prise de conscience dans les actes. En effet, «l’on continue une politique agricole complètement contre- productive, et je dirais même masochiste. Parce qu’on déve- loppe des modèles agricoles ultra intensifs, productiviste et donc destructeur de ressources, à commencer par l'eau. Nous sommes en train de subvention-
La moyenne annuelle des ressources hydriques se situe à seulement 5 milliards de m 3 entre 2017 et 2023.
L’économie nationale prend un sacré coup
La crise hydrique ne se limite pas à une question sociale et environnementale : elle a des répercussions directes sur l'économie nationale. L'agriculture, même en pesant entre 12 et 14% du PIB, reste le driver de la croissance au Maroc. Or, la pluviométrie incertaine perturbe déjà la campagne agricole et risque de compromettre, donc, les prévisions de croissance pour cette année. Rappelons que Bank Al-Maghrib table sur un taux de 3,2% en 2024, sous l’hypothèse de productions céréa- lières moyennes de 70 millions de quintaux. Avec la raréfaction des pluies, c’est peu de dire que ces projections sont d’ores et déjà compromises.
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