FNh N° 1050

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 13 JANVIER 2022

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risquée, car elle revient à signer un chèque en blanc, vu l’incerti- tude qui pèse sur la facture finale pour l’Etat. Ces deux mesures ne sont pas la panacée, car elles s’attaquent aux symptômes, sans remédier au fond du problème. On le sent déjà. Malgré la baisse des taux d’inté- rêt, les rendements exigés par les investisseurs sur la dette publique augmentent - passant sur le 10 ans de 12% à 22% -, car les marchés anticipent une hausse du risque de crédit. Le coût de l’assurance pour se couvrir contre un défaut de la dette turque (spread sur les CDS) a doublé en 2021. Alors que 60% de la dette publique est libel- lée en devises, toute baisse de la Livre rend plus difficile le service de la dette. Il en va de même pour les entreprises turques, fortement endettées en devises. En réalité, la Turquie devrait actionner trois principaux leviers, mais aucun ne semble d’actua- lité. D’abord, il faudrait resserrer la politique monétaire en rele- vant les taux, mais elle ne le fera pas puisqu’elle a choisi le che- min inverse. Ensuite, il faudrait resserrer la politique fiscale pour soutenir le change. Mais là aussi, la Turquie s’engage dans le che- min inverse, puisque le schéma de garantie des dépôts coûte- ra de l’argent, avec une facture finale encore indéterminée. Enfin, il faudrait obtenir un prêt du FMI pour soutenir les réserves de change qui ont beaucoup bais- sé. Les réserves nettes sont pas- sées de 20 milliards de dollars en novembre à moins de 5 milliards à fin décembre, car elles ont été lar- gement consommées pour sou- tenir le change. Mais là aussi, la Turquie ne semble pas encline à le faire pour des raisons diploma- tiques. A quoi s’attendre du coup sur 2022 ? L’inflation devrait conti- nuer sur sa lancée pendant les premiers mois de l’année, avant de diminuer progressivement, mais tout en restant au-delà des deux chiffres, ce qui restera pro- blématique pour les agents éco-

nomiques. Le taux de change a déjà énormément baissé, ce qui le rapproche de sa valeur d’équi- libre, mais il devrait rester sous pression, car les flux de porte- feuille sortants du pays se pour- suivent, en raison des rendements réels négatifs sur les obligations. Le pays pourrait solliciter la Chine,

la Russie ou un pays du Moyen- Orient pour obtenir un prêt et renouveler ses réserves, évitant ainsi un recours au FMI. A son avantage, la Turquie peut compter sur son niveau d’endettement bas (seulement 38%) qui laisse une grande marge de manœuvre, à condition de susciter la confiance

des investisseurs, et sur des exportations qui maintiennent le cap (croissance moyenne de +7%), contre vents et marées. ◆ (*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est l'auteur de trois ouvrages en finance et profes- seur en Ecole de commerce. Retrouvez- le sur www.fassal.net.

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