FNh N° 1050

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 13 JANVIER 2022

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F.N.H. : La politique monétaire est une composante essentielle du suc- cès de la relance économique. Selon vous, BAM joue-t-elle pleinement son rôle en la matière ? T. E. M. : Dérogeant à sa ligne de conduite conventionnelle, la politique monétaire s’est montrée plutôt accommodante depuis le début de la pandémie. Outre la baisse historique du taux directeur à 1.5%, qui demeure inchangé depuis la fin de l’année 2021, et la réduction à 0% du taux de la réserve obligatoire, la Banque centrale a élargi la gamme du collatéral utilisé par les établissements de crédit au niveau de leur refinancement, et a mis en place des dis- positifs spécifiques pour fournir un appui au refinancement des banques participatives et aux associations de microcrédit. Ensuite, au- delà de ces mesures à caractère technique, il est important d’engager une réflexion sur la nécessité de refonder la politique monétaire menée par BAM afin de faire face aux immenses défis économiques et sociaux de notre pays, et cela dans un contexte de tarissement des ressources financières de l’Etat. Aussi, afin de faire face aux dépenses sociales et de relance de l’activité économique, les outils traditionnels de relance budgétaire classiques, que sont l’augmentation du déficit budgétaire et de la dette, ne sauraient être suffisants à eux seuls, et surtout pérennes sur la durée, considé- rant un contexte où les marges de manœuvre économiques de l’État seront considérable- ment réduites dans les mois à venir. Dans ce contexte hautement difficile, la mise en place d’une politique de relance de grande envergure ne peut être pensée sans interroger le rôle primordial que BAM pourra et sera amenée à jouer, dans les prochains mois. Dans ce cadre, lorsque l’on s’intéresse aux missions et attribu- tions dévolues à la Banque centrale, celles-ci sont très réduites et se limitent au maintien de la stabilité des prix (lutte contre l’inflation). Ne figurent donc pas dans les missions de la Banque centrale, ni le financement du dévelop- pement économique du pays, ni le plein emploi, ni la croissance économique. Cette orthodoxie monétaire, calquée sur la rigueur allemande pré-crise de 2008, part du postulat de la neu- tralité de la monnaie. Or, la théorie économique démontre au contraire que la monnaie n’est jamais neutre. Elle doit être un levier, avec d’autres outils, au service du développement économique des pays. Lorsque l’on étudie les missions et les rôles dévolus aux Banques centrales des grands pays ou blocs régionaux en Occident notamment (la FED aux États-Unis, la BCE au niveau de l’UE), pourtant peu sus- pects d’antilibéralisme, celles-ci ont le pouvoir et l’autorité de frapper la monnaie et d’en fixer

positif sur les recettes au titre de cet impôt du fait qu’il contribuera également à l’élargisse- ment de la base imposable correspondante. S’agissant de l’impôt sur les sociétés (IS), celui-ci grève les ressources des entreprises pouvant être, au moins en partie, orientées vers l’investissement. Les recettes au titre de cet impôt se sont élevées à plus de 50 mil- liards de DH en 2021, soit 4,5% du PIB. En dépit des modifications apportées dans les Lois de Finances successives depuis 2016, la charge moyenne de cet impôt demeure assez élevée, notamment en ce qui concerne le taux marginal. Les simulations effectuées par le CMC à ce sujet montrent qu’une baisse du taux moyen apparent de cet impôt de 3 points pourrait, à travers les ressources rendues disponibles pour l’investissement, induire une croissance additionnelle estimée à 0,4 point. La réduction de l’impôt sur les sociétés pour- rait par ailleurs contribuer à l’élargissement de la base imposable et le développement des recettes. S’agissant de la restructuration de la TVA, un large consensus s’est dégagé depuis la tenue des dernières Assises fiscales sur la nécessité de restructurer la TVA en deux taux : un taux normal fixé à 20% et un taux réduit applicable uniquement à certains produits. Le taux normal fixé à 20% s’avère cependant très pénalisant pour l’entreprise et l’investissement, dans la mesure où il pèse sur le pouvoir d’achat et contraint la demande potentielle. D’où la néces- sité de procéder, dans le cadre d’une approche compétitive de la fiscalité, à un réajustement à la baisse des taux de cet impôt indirect. Les taux qui semblent répondre aux objectifs de croissance et de compétitivité sont respecti- vement de 15% pour le taux normal et de 7% pour le taux réduit. Les analyses d’impact de cette structure de taux effectuées par le CMC montrent un gain double pour l’ensemble de l’activité, à condition que le champ d’appli- cation de cet impôt soit élargi pour intégrer pratiquement tous les produits de consomma- tion. D’un côté, la réduction des taux permet de préserver le pouvoir d’achat et la demande intérieure comme facteur stabilisateur du cycle de production. De l’autre, l’élargissement du champ d’application de cet impôt permet, en dépit de la réduction des taux, de maintenir, voire développer, les recettes au titre de la TVA et répondre ainsi au souci majeur de l’équilibre des finances de l’Etat. Pour mettre en place ces réformes, il faut du courage et du volontarisme politique. Or, force est de constater que les mesures fiscales prises dans le cadre de la LF2022 sont très en deçà des besoins de financement de l’écono- mie nationale.

La fiscalité, considérée selon les fac- teurs de pro- duction ou la nature des emplois, fait par ailleurs apparaître d’importants déséquilibres, sources d’inefficience et d’inéquité.

la valeur, de participer au développement de l’économie en la finançant à travers notamment l’achat sur le marché primaire des bons du Trésor, ou le rachat sur le marché secondaire de la dette de l’État. Il en va de même selon différentes modalités pour la Banque du Japon et la Banque d’Angleterre. Toutes ces Banques centrales n’ont pas hésité à recourir à toutes ces prérogatives, notamment en mettant en place des politiques d’«assouplissement quan- titatif», tout en respectant la sacro-sainte règle de stabilité des prix. Ainsi, à titre d’exemple et contrairement au Maroc, la FED a la possibi- lité d’acheter des bons du Trésor américains afin de soutenir les efforts du gouvernement dans le développement économique. Dans ce cadre, en mars 2020, pour faire face à la crise économique actuelle, la FED a annoncé la mise en place d’un programme d’achat d’actifs de 700 milliards de dollars, dont 500 milliards sur les bons du Trésor. S’agissant du Maroc, et à l’instar d’un certain nombre d’écono- mistes «non conventionnels», je considère qu’il convient plus que jamais de nous réapproprier notre politique monétaire en redéfinissant et en élargissant ses objectifs. L’objectif étant de développer de nouveaux instruments éco- nomiques en vue de financer une politique de relance sans que cela ne se traduise par un choc inflationniste ni par un déséquilibre des agrégats macroéconomiques. Aussi, pour aller dans ce sens, les prérogatives, les missions et le rôle de la Banque centrale doivent être élargis pour lui permettre d’apporter son sou-

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