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POLITIQUE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 21 OCTOBRE 2021
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était fortement convoitée par la France, comme en témoignent les déclarations en mars dernier de son ministre délé- gué des Transports en visite au Maroc : «La France souhaite prendre part aux projets portuaires et continuer d'être un partenaire privilégié du Royaume» , affirmant avoir relayé un message dans ce sens au ministre marocain. Résultat : le marché a été confié au groupement marocain «Somagec- SGTM» . Quant à la ligne LGV qui devra relier Marrakech à Agadir, bien que la France soit pressentie pour réaliser ce projet, il y a de fortes chances que ce soit la Chine qui l’emporte dans le cadre d’un partenariat avec un groupe marocain. Enfin, le rachat des parts du «Crédit Agricole France» dans sa filiale «Crédit du Maroc» par le groupe maro- cain «Holmarcom» pourrait peut-être s’inscrire dans cette même dynamique. Dans ce contexte de guerre écono- mique, la nomination de Mohamed Benchaâboun, ex-ministre de l’Econo- mie et des Finances, en tant qu’ambas- sadeur du Maroc à Paris, est tout sauf anodine. Beaucoup le voyaient prendre la relève de Abdellatif Jouahri à la tête de Bank Al-Maghrib, d’autres le pré- sentaient comme futur architecte de la refonte du HCP; le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle a sur- pris tout le monde. Comme d’habitude, les rumeurs vont bon train. Certains y voient un exil puni- tif en raison du bras de fer qui l’a oppo- sé à l’actuel chef du gouvernement, qui défendait une politique de relance économique quand Benchaâboun pri- vilégiait le maintien rigoureux des équi- libres macroéconomiques. D’autres y voient une gratification honorifique pour «services rendus à la nation» comme le voudrait l’usage. Cependant, nous proposons une troisième grille de lecture qui nous semble à bien des égards plus pertinente, si l’on prend la peine de situer cette nomination dans le contexte évoqué précédemment. La première rumeur peut être évacuée d’un revers de la main. Premièrement, le Roi ne nomme pas les ambassa- deurs pour faire plaisir à quiconque, ni à plus forte raison pour punir quelqu’un. La seule motivation du Roi est que la nomination serve les intérêts du Maroc. Deuxièmement, vu le poids et la dimension stratégique des relations
entre les deux pays, cette nomina- tion revêt indiscutablement un carac- tère éminemment stratégique. Ce qui m’amène à penser que la nomination de Mohamed Benchaâboun relève de ce qu’on appelle dans le jeu d’échecs de «coup positionnel». Autrement dit, un coup dont l’effet n’est pas perçu immédiatement, mais qui s’avère déci-
sif plus loin dans la partie. Car qui de mieux qu’un fin stratège comme Benchaâboun pour décrypter, anticiper et agir subtilement sur le terrain politi- co-économique au profit des intérêts du Maroc ? Dans les dernières années de sa vie, François Mitterrand a confié en guise de testament politique que «La France
ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l'Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment». A notre tour, il nous suffirait peut-être de remplacer la France par le Maroc et l’Amérique par la France afin de pou- voir y voir plus clair. ◆
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