FNH N° 1040 (2)

S OCIÉTÉ

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JEUDI 21 OCTOBRE 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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Pass vaccinal

◆ On va assister à l’émergence de deux catégories de citoyens : les vaccinés, qui ont accès à tout, et les autres, qui se voient privés de tout ou presque. ◆ Le pass vaccinal pose un problème de fond en ce qui concerne le respect des dispositions du droit du travail. Dans l’appli- cation de cette mesure, la responsabilité juridique des responsables des secteurs public et privé est directement engagée. Passeport pour la liberté ou mesure liberticide ?

d’avoir une réponse tranchée. Comme on le sait, la courbe épi- démiologique au Maroc est en déclin, avec une nette amé- lioration des indicateurs sani- taires. Et ce, à la faveur des res- trictions mises en place, mais également grâce à une campagne de vaccination bien ficelée : à ce jour, mardi 19 octobre, plus de 21 millions de personnes ont reçu les deux doses du vaccin. Le pass vaccinal peut être donc perçu comme une juste «récom- pense» pour toutes ces per- sonnes qui ont adhéré à la cam- pagne d’immunisation collective, contribuant ainsi à limiter la pro- pagation du coronavirus. Il semble donc légitime qu’elles retrouvent un peu de leurs liber- tés individuelles depuis long- temps confisquées. Doit-on les en priver juste parce qu’en face, il y a des «antivax», très réfractaires aux vaccins ? Doit-on continuer à «punir» 21 millions d’individus parce qu’une minorité refuse de se faire vac- ciner ? Doit-on rester indifférent quand on sait que la plupart des gens qui sont en réanimation ne sont pas vaccinés ? La relance de l’économie ne passe-t-elle pas aussi par ce filet sécuritaire visant à garantir la santé collective, qui va permettre de donner une bouffée d’oxygène à plusieurs secteurs d’activités ? Mais alors, que faire de la liberté des autres ? Doit-on en faire des citoyens de seconde zone parce qu’ils ont le droit de ne pas se

faire vacciner ? Les priver de s’asseoir dans un café ? De se rendre dans une administration publique ? Voire même de travailler ? On voit donc bien qu’apporter des réponses à ces nombreuses interrogations est complexe. Et la problématique est à l’image de cette assertion : «Le droit de ne pas fumer ne vous donne pas le droit d’empêcher les autres de fumer. Mais le droit de fumer ne vous donne pas non plus le droit d’enfumer les autres». En cela, ce pass vaccinal risque de créer de réels clivages au sein de la population.

Le pass vaccinal est officiellement entré en vigueur au Maroc ce jeudi 21 octobre.

senter exclusivement le pass vaccinal» . En d’autres termes, même un test PCR ne vous ouvre aucune porte. Cette décision des autorités pose néanmoins un vrai débat de société et suscite de nombreuses interrogations. Car, implicite- ment, elle met en orbite deux catégories de citoyens : ceux disposant d’un schéma vaccinal complet, qui pourront retrouver une vie presque normale, et les autres, qui n’auront droit à rien ou presque. Implicitement donc, elle fait de la vaccination… une obligation déguisée (alors qu’elle ne l’est pas), en usant du pass, disons- le, comme outil de pression. Soit on se fait piquer, soit on est en quelque sorte exclu de la société. Arguments contre arguments L’adoption du pass vaccinal est- elle un sésame pour la liberté ou une mesure qui, véritablement, fait encore une entorse à nos libertés individuelles ? Difficile

L e pass vaccinal entre vigueur dès ce jeudi 21 octobre au Maroc. Il permettra aux per- sonnes complètement vaccinées (deux doses) : • De se déplacer entre les pré- fectures et provinces, à travers les moyens de transport privés ou publics; • De voyager à l’étranger; • De ne pas avoir besoin de l'autorisation de déplacement délivrée par les autorités locales compétentes; • D’accéder aux administrations publiques, semi-publiques et pri- vées; • D’accéder aux établissements hôteliers et touristiques, restau- rants, cafés, espaces fermés, commerces, salles de sport et hammams. La communication du gouverne- ment est claire à ce niveau : pour bénéficier de tout ce qui semble être des privilèges, il faut «pré- Par F. Ouriaghli

De l’application de cette mesure

Maintenant, se pose évidemment l’épineuse question de l’applica- tion du pass vaccinal. Pour le moment, le gouvernement n’en a pas fixé les modalités. Une application qui risque d’entrainer de vives tensions, et qui soulève surtout une problématique juri- dique de fond, puisque la vacci- nation, encore une fois, n’est pas obligatoire. A-t-on le droit d’empêcher un citoyen d’accéder à une adminis- tration publique parce qu’il n’est pas vacciné ? A-t-on le droit de l’obliger implicitement à se faire vacciner pour pouvoir effectuer des démarches administratives ? A-t-on le droit d’empêcher le fonctionnaire ou le salarié d’accé- der à son lieu de travail ? Peut-on aller jusqu’à licencier les salariés non vaccinés ? Là aussi, les réponses divergent. Récemment, la Confédération

Ce pass vac- cinal risque de créer de réels clivages au sein de la population.

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