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TRIBUNE LBRE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 21 OCTOBRE 2021
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en cela par le FMI, n'est pas sans danger au vu des ensei- gnements tirés des crises du passé. Ce régime flottant favorise la spéculation sur les monnaies et les rend plus instables. Nous allons à présent discu- ter des conditions à remplir par une économie avant de passer à un régime flottant, et pour le cas du Maroc, étant donné qu’il en a l’objec- tif, voir s’il remplit ou non ces conditions. Un processus «progressif, volontaire, et ordonné» Il y a un certain nombre de conditions préalables à rem- plir, en termes de fondamen- taux macroéconomiques, avant d’instaurer un régime flottant. Une des premières conditions pour réussir ce changement de régime de change est d’y aller progres- sivement. On peut dire que le Maroc, de ce point de vue, fait les choses dans les règles de l’art. La réforme du régime de change au Maroc se veut être un processus non seulement progressif, mais aussi volon- taire, et ordonné. Le Maroc a adopté depuis plusieurs années une politique de libé- ralisation des changes selon une approche graduelle. Ce choix prudent d’une libéra- lisation progressive a pour finalité la réussite du proces- sus dans son ensemble, en permettant à l’économie de se réajuster à chaque nou- velle étape aux changements qui en découlent. L’histoire de la convertibilité témoigne de cette approche graduelle. Le Maroc a procédé par étapes successives qui ont permis d’ouvrir la converti- bilité à plus d’acteurs éco- nomiques et à plus d’opéra- tions. Dans un premier lieu, la règlementation de change était très stricte, à cause de la rareté des devises. Avant 2007, la levée des restrictions
en matière de mouvements de capitaux a concerné les non-résidents, pour attirer notamment les investisse- ments étrangers. En 2007, elle a concerné les résidents, mais surtout les opérateurs économiques, et moins les particuliers. En 2019, l’Office des changes a poursuivi le processus de libéralisation et d’assouplissement de la règlementation, aussi bien pour les opérations cou- rantes que pour les opéra- tions en capital. Pour le passage progressif du régime de panier de devises au régime flottant, le Maroc a choisi de laisser flotter sa monnaie nationale à l’inté- rieur d’une bande de fluc- tuation. Le panier de devises permet de déterminer le cours central du Dirham, mais il est permis à la monnaie de varier à l’intérieur d’une fourchette de fluctuation par rapport à ce cours pivot fixé par Bank Al-Maghrib. Le Maroc n’a cessé d’élargir la bande de fluctuation au fur et à mesure du processus de libéralisation de son régime de change. La bande était autrefois de 0,6%, soit ± 0,3% autour du cours central. A la première étape du processus de libé- ralisation du Dirham, la four- chette est passée à 5%, soit ± 2,5% en janvier 2018, ce qui veut dire que le Dirham a été autorisé à fluctuer de 2,5% au-dessus et en dessous du cours pivot. Dans le cadre de la deuxième phase de la réforme de flexibilisation du régime de change, en mars 2020, la bande de fluctuation a été encore une fois élargie à ± 5%. La fourchette de fluc- tuation se fait toujours par rapport à un cours central fixé sur la base d’un panier de devises inchangé com- posé de l’Euro et du Dollar américain, à proportion de respectivement 60% et 40%. L’existence même de cette
bande de fluctuation, aussi large soit-elle, montre qu’on est encore loin d’un Dirham abandonné à la loi du mar- ché. La Banque centrale se réserve le droit d’intervenir dès le moment où le taux de change sort des bornes qui lui ont été fixées, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Elle ajuste alors la valeur de la monnaie nationale en achetant ou en vendant des devises pour ramener le cours du Dirham à l’intérieur de la bande. Si la valeur du Dirham tombe en dessous de la borne inférieure, la Banque centrale vend des devises, et si la valeur monte au-dessus, elle achète des devises. On reste donc, pour l’instant, dans le cas d’une monnaie pas tout à fait flexible, mais plutôt fixe tout en évoluant à l’intérieur d’une bande de fluctuation, somme toute étroite, et cette monnaie n’est pas non plus totalement convertible, étant soumise à un contrôle de change qui reste présent et restrictif. La flexibilité totale du Dirham n’est donc pas encore actée. Comme l’avait déclaré le wali de Bank Al-Maghrib, la réforme ne consiste pas sim- plement à élargir la bande de fluctuation. Il y a encore du chemin à faire pour arri- ver à une flexibilisation totale de la monnaie nationale. L’élargissement graduel de la bande de fluctuation, dans le cadre de la réforme du régime de change, s’inscrit toutefois dans un processus dont la phase finale sera le flotte- ment du Dirham, avec une valeur de la monnaie déta- chée du panier de référence et régie uniquement par la loi de l’offre et de la demande. C’est par cette loi du mar- ché que la valeur du Dirham sera déterminée, et non plus par Bank Al-Maghrib. Ce qui signifie que la bande de fluc- tuation disparaîtra, et qu’il
n’y aura plus de marge de sécurité. On a dit que la réforme du régime de change au Maroc se veut être un processus progressif. C’est un proces- sus qui se veut aussi ordon- né. Mais cela ne garantit pas qu’il le soit parfaitement, et c’est pourquoi certaines voix s’élèvent aujourd’hui pour une « transition d’une convertibilité désordonnée à une convertibilité ordonnée ». C’est également un proces- sus qui se veut volontaire. Le FMI est non seulement favorable à l’instauration du régime de change flexible au Maroc, mais il ne cesse de répéter que le contexte est favorable pour aller aujourd’hui plus loin dans ce processus de flexibilisa- tion du Dirham, et opérer un assouplissement supplé- mentaire du taux de change. Il a appelé plusieurs fois le Maroc à accélérer le rythme de la réforme en passant à chaque fois à la phase sui- vante. Dans le cas présent, la prochaine étape serait d’élar- gir encore plus la bande de fluctuation. Mais les autorités marocaines ont maintes fois souligné que cette flexibilisa- tion de la monnaie nationale était une décision volontaire et souveraine, et qu’elle ne saurait être dictée par le FMI. Le wali de Bank Al-Maghrib avait même rappelé que les autorités marocaines sont « les mieux placées pour déci- der des étapes de fluctua- tion du Dirham ». Comme le Maroc a réussi sa deuxième phase, le FMI est revenu à la charge, mais les autorités marocaines tiennent bon et temporisent. Le processus sera non seulement graduel, mais il se fera dans le temps. Rien ne presse. La crise sani- taire de la Covid-19 a incité le Maroc en mars 2020 à passer à la deuxième phase en élar- gissant encore plus la bande
L’économie marocaine a mon- tré jusqu’à aujourd’hui une résilience à chaque nou- velle étape du processus de flexibilisa- tion, ce qui peut donner, à juste titre ou pas, une certaine confiance dans la suite du processus.
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