FNH N° 1208 (1)

POLITIQUE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 18 SEPTEMBRE 2025

ment changer la vie d’un patient à Laâyoune comme à Oujda. Mais la promesse d’équivalence public/ privé dans un délai aussi serré relève d’une utopie, compte tenu, entre autres, des importants défis logistiques, budgétaires, en res- sources humaines et ceux liés à la gouvernance. La case «eau» illustre, elle, un autre type de difficulté : celle du soup- çon. La réponse d’Akhannouch à la controverse sur la station de dessalement de Casablanca est juridiquement inattaquable : appel d’offres, consortium mixte, «meilleur prix au niveau internatio- nal» ou encore «l’Etat n’a accordé aucune subvention» . Il n’empêche que la présence d’une entreprise liée à sa galaxie alimente une per- ception de conflit d’intérêts que la légalité, seule, ne suffit pas à effacer. En politique, on peut être dans la normalité et perdre la bataille de la confiance si l’on donne le sentiment que les cercles public/privé se chevauchent trop volontiers. Les arguments avancés par Akhannouch sont donc rece- vables, mais pas nécessairement suffisants. D’où la polémique. Sur le dossier brûlant de la retraite, il a adopté une ligne prudente : «aucune réforme ne sera mise en œuvre sans accord préalable avec les partenaires sociaux» . Louable méthode, mais qui tranche radi- calement avec l’urgence de ce chantier. Aujourd’hui, le chef du gouvernement semble vouloir prendre son temps. Histoire peut- être de ne pas attiser les tensions sociales à un an des législatives. Et au rythme où vont les choses, ce ne serait pas hasardeux de parier sur une mise en veilleuse de la réforme jusqu’au lendemain des élections. Qui a fait quoi ? Convenons-en, la sortie média- tique du chef de gouvernement a été également largement per-

çue comme un exercice d’auto- congratulation et d’autosatisfe- cit, particulièrement en ce qui concerne les réformes sociales, notamment les aides directes, la montée en charge de l’assurance maladie obligatoire ou encore la mise en place du registre social unifié. Et il s’est en quelque sorte approprié le concept d’Etat social «à la marocaine» . Or, c’est précisément sur ce sujet que le clash d’interprétations se produit. El Othmani rappelle, à ce titre, que bien des chantiers (pro- tection sociale, aide directe, RSU) ont été lancés sous ses gouver- nements, accusant l’actuel chef de l’Exécutif d’en revendiquer la paternité. Bref, dans ce duel de récits, l’im- portant n’est pas qui a fait quoi, mais plutôt de savoir si les poli- tiques publiques mises en œuvre ont un impact positif et réel sur les citoyens. Car il y a une cer- taine lassitude sociale qui s’ins- talle, au demeurant confirmée par l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, une classe moyenne qui peine à joindre les deux bouts et le chômage des jeunes, en particulier tous ces diplômés qui peinent à intégrer le monde du travail. Faut-il, pour autant, balayer tout le discours officiel ? Non, bien évidemment. Parce qu’il y a eu des avancées incontestables : l’Etat social s’est doté d’outils (RSU, ciblage et transferts) qui le rendent plus lisible et potentiel- lement plus équitable; l’appareil productif s’adapte et se moder- nise; les métiers mondiaux du Maroc se développent; la poli- tique de l’eau se traduit par inves- tissements massifs; et le Maroc s’intègre de mieux en mieux dans les chaines de valeur mondiales. Le problème n’est donc pas l’ab- sence d’action, c’est la tentation de confondre action et autosa- tisfaction. Là où l’on attend un «voici ce qui marche, voici ce qui ne marche pas et voici ce que nous devons corriger» , on entend trop souvent «circulez, il n’y a rien à voir !» . Et c’est cela le principal reproche que l’on peut faire à Akhannouch. ◆

 Akhannouch promet que «d’ici deux ans, les hôpitaux publics offriront des services comparables à ceux des cliniques privées».

explique-t-il. Côté résultats, le chef du gouver- nement s’est montré très disert: recettes ordinaires doublées en cinq ans, recettes fiscales en hausse, déficit en recul, endette- ment contenu, croissance à 4,6% cette année et créations d’emplois revendiquées à 600.000… Pour autant, on connait les limites de ce type d’argumentaire : empi- ler les agrégats crée un effet de sérieux, mais ne tranche ni l’attri- bution (qu’est-ce qui tient à la conjoncture, qu’est-ce qui relève des décisions propres ou encore qu’est-ce qui est le fruit des réformes structurelles ?) ni la qua- lité (emplois stables ou précaires ? Gains de productivité ou rattra- page cyclique ?). Surtout, il esca- mote le ressenti social. Rappelons en cela que nous sommes encore loin du million d’emplois promis durant le quinquennat et que le taux de chômage culmine à 12,8% au second trimestre 2025. Ce hiatus, Nabil Benabdallah le dénonce avec véhémence.

«Rien de nouveau dans la sor- tie médiatique décevante du chef du gouvernement. Le même dis- cours creux, la même satisfaction dépourvue d’humilité, la même suffisance considérant que son gouvernement a tout réussi “de manière sans précédent“, la même propension à faire supporter aux gouvernements précédents ses propres turpitudes et le même antagonisme entre des chiffres erronés et des réalisations fictives et entre l’amère réalité vécue par les citoyens», a écrit le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme sur Facebook. Reste la promesse emblématique de hisser les hôpitaux publics aux mêmes standards que les cli- niques privées. Sur le papier, la transformation est certes enga- gée, avec notamment un CHU dans chaque région, la réhabi- litation massive des centres de santé, les groupements sanitaires territoriaux ou encore la montée en charge du capital humain. Cette stratégie territoriale peut effective-

Il y a une certaine lassitude sociale qui s’installe, au demeurant confirmée par l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, une classe moyenne qui peine à joindre les deux bouts et le chômage des jeunes.

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