FNH N° 1095

21

ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 9 FÉVRIER 2023

www.fnh.ma

en 2022, après seulement 66.000 tonnes l'année précé- dente, et ont totalisé environ 140.000 tonnes au 19 janvier 2023, selon les informations rapportées par Reuters. De même, en riposte à toutes ces sanctions, la Russie a, elle aussi, inter- dit, depuis le 1 er février, la livraison de pétrole aux pays qui appliquent le plafonne- ment de prix. Et pourrait être contrainte de réduire sa pro- duction. Cette situation, combinée à la demande de la Chine (premier importateur mon- dial de brut), devenue plus vigoureuse à la faveur de la réouverture de son écono- mie après la fin de sa stra- tégie «zéro covid», et à la fin des ventes des stocks stra- tégiques américains, pour- rait entraîner une hausse des prix des produits pétroliers. La Direction des études et des prévisions financières ne dit pas autre chose. «Le mar- ché pétrolier reste confronté à des risques de fluctuations liés à l’évolution du contexte économique, géopolitique et sanitaire mondial. En parti- culier, la réouverture post- Covid de l’économie chinoise devrait exercer des pressions haussières sur les prix du pétrole en 2023» , anticipe- t-elle. Et pour la banque d’affaires Goldman Sachs, le cours du baril de pétrole devrait se situer à 100 dollars en moyenne cette année. Quelles alternatives pour le Maroc ? La hausse du pétrole met à rude épreuve les finances publiques du Royaume. Mais grève aussi le pouvoir d’achat des consommateurs, d’au- tant qu’elle impacte direc- tement les prix à la pompe, avec les litres du diesel et du gasoil qui ont atteint 18 DH à une certaine période. Cette flambée des prix à la pompe se répercute sur d’autres secteurs comme le transport,

ce qui nourrit la spirale infla- tionniste. D’ailleurs, l’indice des prix à la consommation a augmenté en moyenne de 6,6% en 2022 par rap- port à 2021, résultant de la hausse de l’indice des pro- duits alimentaires de 11% et de celui des produits non alimentaires de 3,9%. Les variations enregistrées pour les produits non alimentaires vont d’une hausse de 0,1% pour la «Santé» à 12,2% pour les «Transports». C’est pour- quoi, en vue de préserver le pouvoir d’achat des citoyens face à la flambée des prix des carburants, le gouverne- ment avait décidé dès mars 2022, de lancer un proces- sus de «soutien exception- nel» des professionnels du secteur du transport routier. Ce «soutien exceptionnel» s’éternise, puisqu’une 9 ème tranche d’aide a été déci- dée par le gouvernement. Au total, ce sont donc 4,23 Mds de DH qui ont été mobilisés en faveur des opérateurs du secteur. Certes, il y a une certaine

détente sur les prix depuis plusieurs semaines. Mais le contexte géopolitique international est toujours tendu, l’incertitude pèse toujours sur l’évolution de l’économie mondiale et les niveaux de prix restent éle- vés, tant pour les produits alimentaires que pour ceux énergétiques. Comment le Maroc peut-il alors se proté- ger durablement contre ces chocs inflationnistes ? Quels remparts mettre en place ? «Malheureusement, il n’y en a pas de bons. L’expérience française, avec notamment la mise en place d’un bouclier tarifaire, est la pire des solu- tions, car elle ne règle pas le problème de l’inflation, mais le décale dans la durée en nourrissant la dette» , déplore le docteur en économie Rachid Achachi. Selon lui, «l’autre solution est de sou- tenir le pouvoir d’achat par une réduction de la pression fiscale, notamment sur les TPE, les PME et les ménages à travers une révision de l’IR. Là encore, cela se traduira

par une aggravation du défi- cit budgétaire du fait de la diminution des recettes fis- cales. Mais ce problème peut être contourné si l'on arrive à trouver la volonté politique de combattre le grand infor- mel et d’élargir l’assiette fis- cale. Ce qui fait que ce l’on perd en réduisant la pression fiscale pour soutenir le pou- voir d’achat et la demande, on le récupère horizontale- ment en élargissant l’assiette fiscale». Pour notre interlocuteur, il y a aussi un autre moyen à long terme qui ne touche ni le pétrole ni le gaz : « c’est le made in Morocco, que l’on a déjà entrepris, l’objectif étant de produire localement une partie de ce que l’on importe de l’étranger. On subira de fait un peu moins l’inflation importée, appelée encore l’inflation exogène. C’est cependant du très long terme parce que la diversifi- cation du tissu économique obéit à une temporalité diffé- rente de celle des ménages et des citoyens». ◆

Avec le made in Morocco, qui permet de produire localement une partie de

ce que l’on importe de

l’étranger, l’on subira moins l’inflation exogène.

Les pistes pour réduire l’impact des fluctuations des prix du pétrole sur l’économie A u-delà du levier de la politique monétaire activé par Bank Al-Maghrib à travers la hausse par deux fois du taux directeur pour contrer la hausse

Concernant le court et moyen terme, poursuit-il, «il fau- drait pour l’Etat marocain et les acteurs privés privilégier des contrats à long terme avec des partenaires fiables, avec des prix de long terme négociés en amont qui ne dépendent pas de l’évolution du marché, plutôt que les contrats à terme sur le marché des produits dérivés. Car sur ce dernier, il existe une très forte volatilité et une très forte dynamique spéculative qui ne sont pas toujours le reflet de l’évolution des stocks et des niveaux de pro- duction du pétrole, mais qui sont souvent le fait de fonds spéculatifs qui investissent dans des contrats à terme afin de diversifier leurs placements et d’avoir des rende- ments élevés» . D’ailleurs, ajoute notre interlocuteur, «le problème de l’Europe par rapport au gaz, c’est qu’elle cherche à se libérer du contrat à long terme qui la lie à la Russie à travers un prix préférentiel pour aller sur le marché des contrats à terme et y subir les fluctuations spéculatives». ◆

des prix, il faut donc réfléchir à des solutions non pas ponctuelles, mais structurelles. En cela, souligne Rachid Achachi, «il y a deux horizons temporels : le long terme et le court et moyen terme. Au niveau du long terme, le but est d’accélérer la dynamique du mix énergétique que l’on a entamée depuis plusieurs années. Et ce, en augmentant la part du solaire dans le mix énergétique, et peut-être même éventuellement en allant vers le nucléaire. D’ailleurs, cela a été évoqué récemment avec l’accord qui a été conclu avec la Russie. Pour l’instant, cela va être compliqué, mais à terme l’objectif d’aller vers le nucléaire comme brique s’imbriquant dans le mix énergétique, pourrait permettre de réduire la dépen- dance du Maroc aux hydrocarbures, du moins pour la production et les besoins électriques du pays».

Made with FlippingBook flipbook maker