FNH N° 1095

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JEUDI 9 FÉVRIER 2023 FINANCES NEWS HEBDO

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Musique

◆ En entamant le chapitre du chant andalou, Touria Hadraoui, la première femme marocaine à interpréter le «Malhoun», avait écrit une page de plus dans sa vie nombreuse, multiple, intense… Retour sur une trajectoire sinueuse. Il était une voix…

sophie, en approfondit le savoir et se voue à en dispenser les lumières. Mais fâchée avec le moule enseignant, elle s’empresse de jeter son tablier aux orties. On la retrouve plus tard creusant le sillon du journalisme. Il semble lui seoir comme un gant, elle qui porte une attention par- ticulière aux convulsions sociales. Elle fonde la décapante revue «Kalima» en 1986, s’y implique feu et flamme, commet des articles où elle n’hésite pas à porter la plume dans la plaie. Sa voie paraît tra- cée. Elle s’en détourne sans crier gare et cède à l’appel d’une sirène irrésistible : le chant. Chose dont elle est habituée depuis sa tendre enfance. Pour faire jaillir sa vocation latente, il faut une étincelle. Ce sera sa rencontre avec le maître El Haj Benmousa. Celui-ci prend son destin en main, l’initie aux arcanes du «malhoun». Au bout de trois années de travail acharné, elle est prête à se jeter dans la fosse aux lions. Il faut dire que ce genre musical est le pré carré des hommes. Non seulement Touria Hadraoui y apportera un souffle novateur, un supplément d’âme et une lumière tonifiante, mais elle parviendra à l’extirper de ses cloisons ancestrales pour le diffuser en des lieux où il était inaudible. L’insatiable transhumante ne va pas, pour autant, prendre racine dans ce «malhoun» qu’elle a porté haut. Sa nouvelle amarre (nouveau caprice ?) : la musique arabo- andalouse, dont elle avait mitonné un CD éblouissant. Quandvous(re)découvrirez«Andaloussiate (enregistré avec l'orchestre andalou de Tanger en 2001, et mis dans les bacs en 2005)», dites-vous que Touria Hadraoui pensait déjà à l’étape suivante. A quoi ressemblera-t-elle ? «Mouachahat*» : un album inouï, dans le bon sens du terme. ◆ * Pour le lancement de son dernier album «Mouachahat», réalisé aux côtés du musicien et compositeur Jean-Marc Montera, rendez-vous, samedi 25 février, à l’Uzine pour un showcase suivi d’une séance dédicace.

écouter de la musique - on s’en serait douté -, puis se plonger aussitôt dans un livre. La lecture est son autre passion dévoratrice. Dans les livres, elle ne cherche pas un refuge qui la détournerait de la vie, mais un guide par l’imagination, le rêve, la pen- sée, sur la voie d’une vie éclairée, d’une expérience élargie, d’une connaissance de soi et du monde. Mais «sans les livres», n’y a-t-il pas «une douleur de la vie» ?! Aussi ne se prive-t-elle pas du plaisir de lire. Au «Malhoun», elle a apporté un sup- plément d’âme Par paradoxe, cette dame qui ne se sent dans son élément qu’enfermée dans sa tour d’ivoire, éprouve une exécration épi- dermique pour l’engluement. Son che- minement consiste en un vagabondage incessant. Chaque fois qu’elle s’est accli- matée à sa nouvelle expérience, qu’une parole inouïe en est née, il lui faut fuir de nouveau. Elle s’éprend de la philo-

A vec sa voix étrange, à la fois fragile et ample, la bonne fée qui, souvent enveloppée dans un caftan sobre et sombre, occupe toujours la scène, hyp- notise peu à peu salle et musiciens : des sortilèges naissent de sa voix, l’orchestre se sent pousser des ailes d’ange, les ins- truments vont à l’assaut du ciel. Touria Hadraoui a tendance à se lancer dans un corps-à-corps avec son texte, qui semble la défier mais qu’elle finit par dompter, en mettant en vive lumière la captivante poésie. Des moments de grâce. «C’est une illumination», disait d’elle le poète Mahmoud Darwich. Aussi, quand ses concerts touchent à leur fin, elle regagne à la hâte ses pénates, en rasant les murs. Car l’enchanteuse / enchanteresse est parée d’une vertu rare chez une corporation friande des foires aux vanités : la discrétion. Touria ne s’arrête de chanter que pour Par R. K. Houdaïfa

Avec sa voix étrange, à la fois fragile et ample, la bonne fée qui, souvent enveloppée dans un caf- tan sobre et sombre, occupe toujours la scène...

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