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BOURSE & FINANCES
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 13 AVRIL 2023
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Trop d'impôt tue l’impôt !
la longue durée, dès lors que certaines composantes sont par nature volatiles. De même, dès le moment où l’Etat décide de mettre fin à la logique de com- pensation, le consom- mateur subit les consé- quences de cette décision comme un abandon et une perte sèche de son pouvoir d’achat. Souvenons-nous de la libéralisation des prix des hydrocarbures en 2015 et de leurs impacts sur les ménages marocains. Impacts que nous continuons de subir jusqu’à aujourd’hui. Cela pour dire que cet argent déboursé est égale- ment une douce drogue pour les consommateurs, habitués trop longtemps à des prix arti- ficiellement plus bas que les prix réels, ceux du marché. Enfin, pour en finir avec cette approche, sachez que la com- pensation n’est pas gratuite. Car l’argent ne pousse pas dans les champs, et l’Etat ne le crée pas par magie. Il est finan- cé soit à partir des recettes fiscales, soit à partir de nos impôts. Voilà donc autant d’argent qui n’ira pas dans la santé, l’éducation ou le déve- loppement des infrastructures. Et là on parle de dépenses de compensation de l’ordre de 38 milliards de dirhams pour l’année 2022, au moment où le budget de la santé pour la même année fut d'environ 23,5 milliards de dirhams. Ainsi, loin de moi l’idée de défendre ce mécanisme; une autre approche est possible, celle de la libération de la pro- duction et de la création de richesse en amont, par la sup- pression de certaines taxes anachroniques et handica- pantes pour les entreprises. La TVA figure ainsi en haut du podium. Contrairement à la compensa-
tion, ce mécanisme ne prend pas la forme d’une dépense sèche, mais d’un manque à gagner. Ce dernier va natu- rellement se traduire par une baisse des recettes fiscales, et conséquemment par une aggravation du déficit budgé- taire. Mais ce que l’Etat ne gagnera plus en termes de TVA, il le regagnera en partie au niveau de l’IS, en raison du gain de compétitivité que cette mesure offrira aux produc- teurs. Sans oublier que cela réduira le gap existant entre les entreprises qui respectent les règles du jeu, celles du secteur formel, et les commer- çants et producteurs de l’infor- mel, pour qui l’impôt est une simple rumeur. Ainsi, si l’Etat veut plus d’argent, et bien il n’a qu’à aller le chercher auprès de ceux qui ne payent rien, au lieu de s’acharner sur ceux qui payent déjà beaucoup, beau- coup trop ! Moins de taxes et une assiette fiscale plus large, voici donc le crédo qui devrait animer une refonte en profondeur de notre fiscalité. Et comme disait Pierre Véron : «Puisque l’impôt a une assiette, pourquoi mange-t-il toujours dans la nôtre ?». Mais en attendant, l’intran- sigeance de l’Etat face aux demandes de suppression de la TVA pour certains produits, n’a d’égale que sa fébrilité et sa quasi-complaisance avec un informel qui, non seulement prospère, mais nargue quo- tidiennement les entreprises honnêtes. Enfin, et je garde le meilleur pour la fin, la dernière raison qui m’amène à m’attaquer à la TVA, c’est qu’elle n’a tout sim- plement pas de sens. Un impôt doit, dans un système démo- cratique, avoir une finalité, car pour un citoyen libre, l’impôt est une contribution en vue de
Pour beaucoup de Marocains, il faut payer la TVA car il faut payer la TVA.
sibles. Ou bien l’Etat dépense des sommes colossales pour administrer indirectement les prix à travers des mécanismes tels que le bouclier tarifaire ou la caisse de compensation. Ou bien il agit en amont, en libérant des produits vitaux de certaines taxes comme la TVA, afin de baisser les prix des intrants. Si le résultat est globalement le même à quelques détails près, les conséquences à long terme sont fondamentalement différentes. Dans le premier cas, l’argent déboursé par l’Etat au pro- fit d’importateurs ou de pro- ducteurs prend la forme d’une douce drogue dont le sevrage peut s'avérer difficile. D’autant plus que la différence qu’il s’agit de compenser est de fait une variable, qui dépend gran- dement des aléas des cours sur les marchés internationaux. Le Maroc peut en témoigner quand il s’agit par exemple de maintenir à 40 DH le prix d’une bonbonne de gaz. Chaque année, ce coût varie en fonc- tion des cours du gaz à l’inter- national. Il devient par consé- quent très compliqué d’avoir une cohérence budgétaire sur
D ans le cadre de la lutte, certes ineffi- cace pour l’instant, menée contre l’infla- tion qui sévit actuel- lement au Maroc, le gouverne- ment compte, selon plusieurs sources, approuver ce jeudi un décret simplifiant l’exonération de la TVA sur les semences et les produits phytosanitaires importés. L’objectif est d’agir efficacement, et surtout rapi- dement, en amont de la filière, pour réduire les coûts de cer- tains intrants, qui finissent par se répercuter au niveau du prix final. L’idée est certes louable, mais loin d’être nouvelle au Maroc, puisque d’autres pro- duits comme certains médi- caments en sont exonérés. Dans d’autres pays comme la Pologne, ce sont les hydro- carbures qui sont l’objet d’une exonération partielle ou totale, toujours dans la perspective de lutter contre l’inflation. Peut- être cela sera le cas aussi au Maroc prochainement, si les choses continuent ainsi. Car, dans ce genre de situa- tion, deux approches sont pos- Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting
Moins de taxes et une assiette fis- cale plus large, voici donc le crédo qui devrait animer une refonte en profondeur de notre fis- calité.
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