L’ONEE fortement mobilisé
pour les 30 prochaines années montre que la pression humaine sur les res- sources en eau ira en croissant, faisant de la pénurie chronique d’eau une don- née structurelle dont il faut impérative- ment tenir compte dans les politiques et stratégies de gestion des ressources en eau. Avec l’hypothèse du maintien de la disponibilité des mêmes ressources en eau et le résultat de la projection de la population à l’horizon 2050 qui est de l’ordre de 44 millions d’habitants, nous aurions un ratio de l’ordre de 510 m 3 par personne/an. Cette moyenne cor- respond quasiment au seuil de rareté extrême de l’eau (500 m 3 par habitant/ an). Avec la considération des impacts futurs du changement climatique, le Maroc pourrait être situé au cours des prochaines décennies au-dessous du seuil de rareté de l’eau», nous confiait récemment Mohamed Chikhaoui, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV) et expert en gestion des ressources sol et eau (www. laquotidienne.ma). La réponse du Maroc devra donc dès lors être musclée pour faire face à cette situation, et ne point se limiter à des éléments techniques. Ce que confirme Jesko Hentschel, directeur des opé- rations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, pour qui «les événements récents ont montré que les solutions techniques ne suffisent plus à protéger l’économie contre les chocs climatiques et soulignent la nécessité d’adopter des politiques complémen- taires, telles que celles décrites dans le nouveau modèle de développement, qui permettraient de tenir compte de la véritable valeur des ressources en eau et d’encourager des usages plus efficients et plus raisonnés». Mobilisation générale Qu’ils soient du public ou du privé, tous les acteurs sont actuellement mobilisés pour faire face à cette crise de l’eau. Aujourd’hui, le leitmotiv est de rationnaliser au mieux l’utilisation des ressources hydriques, la princi- pale crainte des autorités étant de ne pouvoir satisfaire les besoins en eau potable, vu la faiblesse des réserves des barrages. Ces besoins ont pu être satis- faits jusqu’à présent grâce au renforce- ment de l’approvisionnement en eaux souterraines et des barrages réservés au secteur agricole. Parallèlement, diverses mesures d’ur- gence ont été initiées par le gouverne-
ment, dont notamment le dessalement de l’eau de mer. A Agadir, 15 mil- lions de m 3 d’eau ont été traités depuis février 2022. Il est aussi prévu d’accé- lérer la cadence de réalisation des sta- tions de dessalement d’eau de mer à Casablanca, Safi, El Jadida et Nador, ainsi que la réalisation de la tranche d’urgence du projet d’interconnexion des bassins du Sebou-Bouregreg. En outre, dans le cadre du programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation, il s’agit éga- lement de donner un coup de fouet à la réalisation des petits et grands bar- rages. Objectif : porter la capacité de stockage à 24 milliards de m 3 à l’hori- zon 2030, conformément aux direc- tives royales. Clairement, la situation est inquié- tante : les décisions urgentes prises ne permettent de régler que partielle- ment des problématiques ponctuelles, tandis que les mesures structurantes, qui peuvent apporter des solutions durables, ne produiront leurs effets qu’à moyen et long terme. Dès lors, faudra-t-il se préparer dès à présent à une rationalisation de l’approvisionnement dans les grandes villes du Maroc, avec notamment des ruptures dans l’alimentation en eau potable ? Ce n’est pas une option à écarter, au regard notamment des défi- cits hydriques actuels. Des déficits qui risquent de devenir structurels sous l’effet du changement climatique et qui vont aggraver la crise de l’eau, pas seulement au Maroc, mais dans le monde. La demande sur cette res- source devrait dépasser l’offre de 40% d’ici 2030, selon la Banque mondiale, qui précise que «les sécheresses, les inondations et les autres risques liés à l’eau gagnent en intensité; les eaux sou- terraines sont surexploitées et polluées; et les villes et les exploitations agricoles sont en butte à de graves pénuries d’eau. Ces phénomènes vont compromettre les acquis du développement et nécessite- ront de nouveaux investissements dans des solutions de gestion de l’eau».
Abderrahim El Hafidi, DG de l’ONEE
L’Office national de l’électricité et de l’eau potable est forte- ment engagé dans le domaine de l’eau. En 2021, une enve- loppe d’environ 4,4 Mds de DH a été investie pour renforcer et sécuriser l’alimentation de la population en eau potable en milieux urbain et rural et pour développer l’assainissement liquide. En mars dernier, le DG de l’Office, Abderrahim El Hafidi annonçait au Parlement la construction de 92 stations de traitement, dont 8 réservées au dessalement de l’eau de mer et onze autres spécialisées dans la déminéralisation des eaux saumâtres, ainsi que le creusement de 1.800 forages et puits. Au cours de cette année, l’ONEE a en outre lancé et /ou concrétisé plusieurs projets. Il a ainsi procédé le 7 mars 2022 au démarrage des travaux relatifs au renforcement de l’ali- mentation en eau potable du centre de Sidi Mokhtar, relevant de la province de Chichaoua, à partir du barrage Abou Abbas Sebti, pour un débit global de 2.592 m 3 /jour. D’un coût global de 29,5 millions de dirhams, ce projet sera mis en service en juin 2023. Fin mars, l’Office a mis en service un important projet d’adduction d’eau potable à partir du barrage Al Massira, pour une enveloppe de 2,5 milliards de DH. Il permet de produire 216.000 m 3 par jour d’eau potable et de sécuriser l’alimentation en eau potable à l’horizon 2040 de la ville de Marrakech et des villes et localités avoi- sinantes (Skhour Rhamna, Ben Guerir, Sidi Bou Othmane, Tamensourt et populations rurales sur l’axe Skhour Rhamna- Marrakech). En juin, l’Office a procédé à la mise en service industrielle de la première tranche du projet de sécurisation de l’approvision- nement en eau potable de la zone Sud du Grand Casablanca à partir des installations de production d’eau potable traitant les eaux du barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah. Coût du projet : environ 180 millions de dirhams. La deuxième tranche de ce projet coûtera 120 MDH et sa mise en service est prévue en juillet 2023. Fin juillet, l’Office a procédé à la mise en production progres- sive d’un important projet de renforcement et de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable des villes de Fès et Meknès et des localités avoisinantes à partir des eaux du bar- rage Idriss 1 er . Ce projet, d’un coût global d’environ 1,7 mil- liard de dirhams, vise à augmenter la capacité de production d’eau potable des installations existantes par un débit supplé- mentaire d’environ 43.200 m 3 /jour, dans une première phase, et qui sera augmenté progressivement à 172.800 m 3 /jour. Selon l’ONEE, «la prise d’eau réalisée par perforation du bar- rage Idriss 1 er constitue une véritable prouesse technique et compte parmi les rares opérations de perforation de barrage à l’échelle mondiale. Cette opération devra être dupliquée au niveau d’autres barrages au Maroc».
La disponibilité des res- sources en eau dans le Royaume est passée de 2.560 m 3 en 1960 à moins de 620 m 3 en 2022.
15 HORS-SÉRIE N°44 / FINANCES NEWS HEBDO
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