FNH N°1008

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 28 JANVIER 2021

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accession au statut de forme artistique, à part entière.

Le rap change l’image Depuis quelques années, les projets se font plus ambitieux et les clips sont deve- nus un véritable terrain d’expérimenta- tions visuelles. Ils ont vu leur esthétique considérablement évoluer. Le clip de rap s’est longtemps fait écho de la dimension sociale des textes qu’il illustrait pour montrer le quartier, ses gens, leurs joies et leurs difficultés, dans des images filmées à hauteur d’homme, caméra à l’épaule. Une tendance qui s’exprime notam- ment dans plusieurs clips. Longtemps marginal au sein de l’industrie de la musique, le rap a mis un certain temps à profiter de moyens de production décents pour ses clips. Pour découvrir de meilleures images, il a fallu attendre une vague de démocratisation du matériel de tournage, qui permet de filmer en HD (avec des appareils photo comme 5D de Canon, apparu en 2008), puis en 4K avec des caméras de qualité cinéma (comme les derniers modèles de la marque aus- tralienne Black Magic, aujourd’hui très utilisées). Avec ces nouveaux outils, la manière de filmer les rappeurs a évolué. Les images sont devenues plus stables et d’un meilleur piqué, les plans s’allongent et s’élargissent pour laisser davantage de place aux décors. Fini le montage sac- cadé, haché comme un cache-misère : les mises en scène et les scénarios sont de plus en plus élaborés. Aujourd’hui, les clips de rap sont devenus un laboratoire visuel que le public ne manque jamais de saluer. ◆

Ils sont devenus des idoles pour des mil- lions de jeunes maro- cains. Ceux-là s'en inspirent et récitent leurs lyrics.

La scène rap, en pleine

croissance au Maroc,

développe sa propre saveur et prend le son dans de nouvelles directions audacieuses.

submerger la scène musicale, celui du hip-hop, essentiellement dans sa com- posante rap. De timide, et disons le mot, frileux, à sa naissance, le mouvement ne cessera de s’amplifier. Partout au Maroc poussaient les groupes de rap comme primevères au printemps, au point de devenir innombrables au sens plein du terme. La fièvre hip-hop n’épargna aucun coin du Maroc. Dans les quartiers déshé- rités, les gavroches crépitent – gueulent – le mal de la société marocaine : impos- ture, injustice, stigmatisation, etc. Ils ont trouvé dans le rap des voix qui les repré- sentaient, des thèmes qui leur parlaient... D’une certaine manière, le rap a participé à faire ler éducation. Pendant longtemps, il était une musique rebelle et mal-aimée. « Avec ‘ 3azzy 3ando stylo ’ (paru en 2013) de Dizzy Dros, il a pu recueillir une ferveur presque religieuse ». Voilà qui est crûment dit, et dont la plupart semblent convaincus. Dans un communiqué datant de 25 janvier 2021, Mark Abou Jaoude, responsable Contenu, Marketing Artiste et Relations Label, chez Deezer MENAT, observe que « la scène rap, en pleine croissance au Maroc, développe sa propre saveur et prend le son dans de nouvelles direc- tions audacieuses. Ces artistes talen- tueux combinent les influences locales et globales afin de produire une musique maghrébine unique ». Leitmotiv : « L’évolution du genre musical a conduit à la production d’œuvres de plus en plus déconnectées des thématiques sociales » ; « les paroles des rappeurs

d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec celles des grandes anciens du genre. Une forme plus commerciale et facile d’accès a été mise en avant. Et, de fait, le rap a pris cette couleur-là »… Autant de protestations qui se lèvent en chœur. Ce conflit éthico-esthétique ronge le rap, le mine, mais en parallèle le rend aussi vivace, aussi prompt à évoluer et se transformer, car à force de se «renouve- ler» il tente des expériences. Aujourd’hui, les déclinaisons du rap sont légions : cloud rap, trap, hard trap, et on pourra parler de rap engagé ou revendicatif, de rap conçu pour danser, de rap paro- dique, de rap hardcore, de rap à texte autant qu’il nous plaira. Il en existe pour tous les goûts. Cette subdivision pos- sible constitue sa richesse plutôt que son appauvrissement. Elle n’est pas le signe de sa déliquescence, mais bien de son

La Relève !

Après trois éditions françaises, «La Relève» débarque au Maghreb avec un focus sur les étoiles mon- tantes du rap marocain, moyennant une playlist inédite, composée de titres disponibles en exclusi- vité sur Deezer. Il y a ce qui se fait de mieux en matière d’un rap saupoudré au drill et la trap (21 Tach); pimenté de rythmes mélodiques (Ouenza, Snor, Stormy et Tagne); accommodé aux sonorités pop, teintées de paroles oniriques (Asmae); allié à l’old-school (Dada) ; influencé par la scène US (Kouz1) et pimenté à la sauce latine (Mocci). Des mots qui ne cessent de blesser, des formules qui font mouche. Ils nous vont droit au cœur, parce qu’ils expriment fortement notre mal-vie. Mais attention ! Esprits sensibles et chagrins s’abstenir. NosMC adorés (Dollypran, Khtek et Figoshin) parlent cru, parfois très cru, et d’une façonhermétique pour la vieille génération. Inutile de s’en offusquer.

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