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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 16 ET VENDREDI 17 JUILLET 2020

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Chômage

◆ Le taux de chômage devrait atteindre près de 15% en 2020. ◆ La crise est bien là, doublée d’une activité économique qui ne tourne pas à plein régime. L'autre épidémie L e Maroc est-il à l’aube d’une crise sociale sans précédent ? On peut le craindre. Les prévisions économiques dont font Par D. William

La sous- capitalisa- tion et la fragilité des PME maro- caines risquent de conduire à des faillites en cascade.

état les conjoncturistes ne sont effet guère rassurantes. Dernières en date, celles du haut-commis- sariat au Plan (HCP) dont les pro- jections sont très souvent assez proches des réalisations. Sauf que, pour cette fois, la situa- tion est très particulière, au regard notamment des nombreuses incer- titudes qui risquent de fausser même les prévisions les plus réa- listes. Dans sa dernière livraison, le HCP estime ainsi que «le pro- duit intérieur brut devrait, compte tenu d’une baisse prévue de 9% des impôts et taxes sur produits nets de subventions, enregistrer une décroissance de 5,8% en 2020 au lieu d’une progression de 2,5% enregistrée en 2019». Dans ce contexte de détérioration de la croissance économique et, sous l’hypothèse d’une poursuite de la baisse tendancielle du taux d’activité au niveau national, le taux de chômage devrait atteindre près de 14,8%, soit une hausse de 5,6 points par rapport au niveau enre- gistré en 2019, prévoit le HCP. En conséquence, le déficit budgétaire devrait s’accentuer en 2020 pour atteindre près de 7,4% du PIB, dépassant largement le niveau atteint en moyenne annuelle entre les années 2011 et 2013, soit 6,1% du PIB. Tensions sociales La hausse drastique du taux de chômage augure de fortes tensions sociales. Le taux de chômage, qui

oscillait avant cette crise entre 9 et 10%, était déjà problématique en raison d’une croissance molle et irrégulière qui ne permet pas d’absorber tous les jeunes qui se présentent sur le marché du travail chaque année. Avec la crise liée au coronavirus et une récession qui s’annonce sévère, c’est peu dire que la situation sociale va être explosive. Mais l’on pouvait s’y attendre. La Covid-19 a mis des centaines de milliers d’entreprises en difficulté. Déjà, fin avril, l’enquête réalisée par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) révé- lait que 815 entreprises interrogées (sur 1.740) avaient vu leur activité, pendant les trois premiers mois, baisser de plus de 50%, et 301 entreprises déclaraient une baisse entre 30% et 50%. De même, les entreprises sondées craignaient la perte de 165.586 emplois, soit 55% de leurs effectifs. Cette crainte est partagée par de nombreux économistes, compte tenu notamment de la sous-capi- talisation et de la fragilité des PME

marocaines, au demeurant confir- mées par les derniers chiffres offi- ciels disponibles qui révèlent que 134.000 entreprises (sur 216.000 affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale) au Maroc sont en difficulté, avec pour conséquence 900.000 salariés en arrêt de travail temporaire au mois d’avril. Si l’économisteMehdi Lahlou écarte la perspective d’un «chômage de masse pour l’année 2020 au Maroc» , il estime néanmoins qu’«il faudra s’attendre à une explosion du taux du sous-emploi, commu- nément appelé chômage déguisé». De son côté, Coface anticipe une hausse des défaillances d’entre- prises dans le monde de 25%. «Malgré toutes les procédures mises en place par l’Etat, le Maroc n’échappera malheureusement pas à cela du fait du triple choc entraîné par la crise, notamment sur l'offre et la demande» , avertit Mehdi Arifi, Directeur général assurance-crédit chez Coface Maroc (www.fnh.ma). Alors que la plupart des mesures prises par le Comité de veille éco- nomique ont pris fin au 30 juin, l’on

se demande si l’Etat ne devrait pas faire des efforts supplémentaires. Car la crise est bien là, doublée d’une activité économique qui ne tourne pas à plein régime, à cause notamment du coronavirus qui cir- cule encore. Ce qui risque d’ailleurs de bouleverser des prévisions qui n’étaient déjà pas du tout opti- mistes. Surtout qu’au déconfine- ment, se succèdent des confine- ments localisés qui continuent de perturber la machine économique. On en a pour preuve la ville de Tanger, poumon économique de la Région du Nord, dont certains quartiers viennent d’être remis sous cloche après l’apparition de nou- veaux foyers épidémiques. ◆ Pour Mehdi Lahlou, il faudra s’attendre à une explosion du taux du sous- emploi, communément appelé chômage déguisé.

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