FNH N° 1019

T RIBUNE LIBRE

40

JEUDI 15 AVRIL 2021 FINANCES NEWS HEBDO

www.fnh.ma

Partie 1 : Les crises historiques de la dette La crise de la dette, prochaine crise mondiale ? B eaucoup de pays, fragilisés par la crise économique et sanitaire, ont vu leur niveau d’endette- ment littéralement exploser. On peut craindre dans ce contexte dette des pays en voie de développement. Plusieurs pays très endettés se sont révélés incapables de rembourser leurs emprunts contractés. Cette crise de la dette a entraîné une crise du crédit puis une crise bancaire au niveau mondial. ◆ Cet article est le premier d'une série de trois articles sur la crise de la dette. Par Amine El Bied, MBA, PhD Économiste, Expert en Finance et Stratégie

La surévaluation de la Rouble En 1998 s’est produit une grave crise en Russie. Cette crise vient à la suite de la crise économique asiatique de 1997, et du ralentissement économique mondial. La Russie pâtit d'une baisse de la demande en matières premières et d'une surévaluation de la rouble qui pénalisait la compétiti- vité du pays dans les échanges internatio- naux. Cette surévaluation était due à des taux élevés visant à contenir l'inflation. La Russie était également dans une impasse budgétaire, à cause d'une insuffisance des recettes fiscales due à la situation écono- mique. Des prêts conséquents accordés par le FMI et la Banque mondiale à la Russie provoquent la défiance des investisseurs étrangers et la fuite des capitaux, ce qui a forcé le gouvernement à dévaluer la rouble. L'inflation atteint 84%. Par ailleurs, la Russie émettait des titres de créance négociables à court terme appelés GKO à des taux élevés pour rembourser les précédentes dettes jusqu'à ce que les lourds intérêts obligent la Russie à se déclarer en défaut de paiement sur sa dette, provoquant une crise financière russe qui se répandra sur les marchés obli- gataires mondiaux, provoquant une «fuite vers la qualité» (Flight to quality) et la qua- si-faillite du Hedgefund Long Term Capital Management (LTCM), sauvé in extremis par recapitalisation pour éviter une crise systé- mique. La fuite des capitaux au Brésil En 2002, la crise argentine qui a suivi la crise asiatique et l’éclatement de la bulle Internet a entraîné une hausse de la prime de risque des emprunts brésiliens, le service de la dette publique a plus que doublé en dix ans (de 1992 à 2002), et les capitaux étrangers ne suffisaient plus à combler le déficit courant et à rembourser la dette. En 2002, le real bré- silien est fortement déprécié et le Brésil fait

le déclenchement de nouvelles crises de la dette. L’analyse historique de ce type de crises montre que leurs causes sont prati- quement toujours les mêmes. A la lumière du passé, il est possible d’identifier les mécanismes en jeu entraînant un pays dans une crise de la dette. Des enseignements utiles peuvent en être tirés et des règles de gestion peuvent être identifiées. Ces règles restent néanmoins difficiles à appliquer en ces temps de pandémie et le risque de crise de la dette est aujourd’hui bien réel. Bien des pays risquent d’être pris dans le piège ou sont en train d’y tomber. Des voix s’élèvent en faveur de l’annulation de la dette, tandis que d’autres laissent entendre qu’elle est un faux problème. Les arguments sont discu- tables, nous en montrons les limites. Nous discutons des risques d’une nouvelle crise de la dette, et si l’on peut craindre une future crise planétaire, et à quel horizon. Les crises historiques de la dette Dans un premier temps, passons en revue les crises de la dette qui ont jalonné l’his- toire économique e ces cinquante dernières années, pour identifier les mécanismes en jeu et en tirer des enseignements. La crise de 1982 Après le premier choc pétrolier de 1973, et la hausse des cours du pétrole, plusieurs pays pétroliers s’étaient endettés auprès de banques qui disposaient alors de gigan- tesques dépôts de pétrodollars. Cet endet- tement avait beaucoup servi à combler des déficits budgétaires, au détriment de l'inves- tissement, alors qu'en 1978 allait survenir le second choc pétrolier. De plus, la dette était surtout à taux variable et à court terme, ce qui fait que la hausse des taux courts amé- ricains en 1979 l'a encore alourdie. Au point qu'en 1982 s'est produite une crise de la

face à une fuite des capitaux. Les créanciers de la dette publique brésilienne craignent que l'élection présidentielle du 27 octobre 2002 ne conduise à la victoire de Luíz Inácio da Silva, dit «Lula», et à sa décision de suspendre le paiement des intérêts, de se déclarer en défaut de paiement sur sa dette. L'énorme prime des risques des emprunts brésiliens le laissait supposer. L'écart de rendement entre les obligations émises par le Brésil en Dollar et celles émises par les Etats-Unis ont atteint les 2.300 points de base ! Le FMI annonce un plan d'aide très important. Il accorde 30 milliards de dollars, mais dont 24 déblocables après l'élection, conditionnant son prêt à une politique d'aus- térité budgétaire drastique. Une fois élu, le président Lula accepte les conditions du FMI et rassure les marchés, mais tout en réitérant sa ferme volonté de lutter contre la pauvreté par des réformes agraires et fiscales dans un souci de redistribution des richesses. La dette publique grecque En 2009 a eu lieu la crise grecque, due à la crise économique mondiale, mais aussi à un grand déficit budgétaire et une forte dette publique, qui dépassaient largement les niveaux exigés par la zone Euro. Cette situation inquiétante résultait de dépenses publiques trop importantes, d'une fraude fiscale et de l'existence d'une grande éco- nomie souterraine qui rendait difficile la collecte de l'impôt. Mais elle était aussi liée

A la lumière du passé, on peut identi- fier les méca- nismes en jeu entraînant une crise de la dette.

Made with FlippingBook flipbook maker