FNH N° 1026 _1

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 10 ET VENDREDI 11 JUIN 2021

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dans les pays sous-développés, en exploitant leurs richesses (mines, pétrole, gaz, uranium et autres); les productions de la honte auxquelles se donnent beaucoup de sociétés internatio- nales qui sous-traitent leurs productions dans des pays pauvres, bien qu’ils savent que les travailleurs sont très mal payés. L’industrie de l’armement profite à qui ? Quelles sont les pays producteurs ? Les manipulations politiques qui tendent à créer des conflits et à empêcher d’autres d’être résolus; les interventions mili- taires dans des pays qui sont devenus des plaques tournantes de l’immigration, et j’en passe. «L’œuvre» colonisatrice en Afrique et ailleurs s’active encore au vu et au su de tous. Je cite, ici, l’exemple du conflit en Syrie, et celui qui sévit en Libye depuis 2011. Ce pays a sombré dans le chaos après l’intervention militaire de l’Otan et la chute de Moammar Kaddafi. Comme le dit Sadou dans la pièce, fallait-il se débarrasser d’un dictateur pour faire du pays une proie dans les mains de plusieurs dictateurs qui s’activent dans des zones, des villes et même dans des quartiers ? Le nombre d’immigrés clandestins qui passent par la Libye depuis 2011 n’a pas cessé d’augmenter. Ce pays est devenu une plaque tournante du trafic de tout genre, dont celui des êtres humains, et l’existence même d’un marché aux esclaves à Tripoli et ailleurs. Un autre exemple, celui du Maroc avec l’affaire du Sahara marocain. Un conflit que quelques pays et puissances mondiales tendent à péren- niser, bien qu’il participe activement à la désta- bilisation de la région. Pire encore, l’Espagne, qui a construit des murs au nord du Maroc afin de lutter contre l’immigration clandestine, sait bien que le conflit du Sahara marocain n’a que trop duré et il constitue un fardeau pour l’éco- nomie marocaine. Aussi, la contrebande qu’en- courage l’Espagne afin de fertiliser son écono- mie, participe à l’appauvrissement du nord du Maroc, ce qui pousse beaucoup de jeunes à vouloir immigrer, même clandestinement. Ce sont les populations qui payent le prix des décisions prises dans des bureaux très confor- tables. F.N.H. : Comment remédier aux condi- tions de vie et traitements imposés aux migrants ? M. B. : Je pense qu’avant tout, il faut partir d’une approche humanitaire. Les politiciens adoptent, surtout, une approche qui favorise les intérêts de leurs pays. Ils oublient que nous sommes dans le même panier. La pandémie du Coronavirus l’a prouvé d’une manière spec- taculaire. Ériger les murs et utiliser la force ne pourront pas changer la situation. Ils créeront, au contraire, plus de contraintes et favoriseront

les stéréotypes qui font des immigrés des personnes «non désirables» . On voit les répercussions de ces politiques non seule- ment hors les pays dits d’accueil, mais au sein même de ces pays. La démocratie sélective ne peut qu’empirer la situa- tion.

F.N.H. : Pour les migrants arrivant sous d’autres cieux, des solutions existent pour un traitement décent et respectueux du droit de la personne ? Comment les défendre ?

M. B. : La pièce de théâtre Hors les murs ne prétend pas trouver une solution à une problématique très complexe, mais vise surtout à attirer l’attention à l’aspect huma- nitaire qui est assez souvent absent dans le traitement de l’immigration. Les immigrés clandestins sont assez souvent traités comme des hors-la-

Ceux qui traversent les déserts, les forêts, les routes et les mers sont des gens en désespoir.

leurs n’est pas toujours les pays occidentaux. Les politiques protectrices que mènent ces pays ont détrompé l’opinion publique et ont donné l’air que les pays africains, par exemple, veulent ravager l’Europe. Les médias ont joué un grand rôle dans la propagation de ce sté- réotype. Pourtant, les chiffres disent autre chose. Les migrations Sud-Sud représentent une part importante du total des déplacements des populations. Selon les Nations Unies, les migrants internationaux représentent environ 200 millions de personnes, soit 3% de la popu- lation mondiale. Parmi eux, seul un tiers s’est déplacé d’un pays en développement vers un pays développé. Dans la pièce, Fartuun dit : «Nous sommes pauvres, pourtant notre continent est riche... Nous ne possédons même pas un mètre de ter- rain, pourtant notre continent est vaste... Nous avons faim, pourtant nos champs s’élancent jusqu’à l’horizon... Le monde cherche les mines... Nous avons les mines... Nous avons l’uranium, le phosphate, le gaz, le pétrole, l’or, les diamants… Nous avons aussi la mer, et les poissons… Nous avons le soleil, les forêts, et le désert…». Je pense qu’il faut chercher les raisons qui ont fait que la richesse de l’Afrique n’a pas pu sau- ver Fartuun et ses semblables afin que nous puissions vraiment vivre Hors les murs dans le sens propre et figuré. ◆

loi. Pourtant, ce sont des gens qui ont pris la route à la recherche d’une meilleure vie. Ils cherchent le respect de leur dignité et la liberté. Ils fuient les guerres, les groupes armés, les terroristes, les fanatiques. Ils tentent d’échapper à la répression religieuse, idéo- logique, politique. Ils luttent contre la misère, l’exploitation... La plupart d’entre eux sont des victimes d’une situation qu’ils n’ont pas choisie et ils tentent d’immigrer malgré le fait qu’ils savent qu’ils encourent un grand danger. Cette quête d’un autre monde est animée par un espoir d’un avenir meilleur pour eux et pour leurs siens. La plupart ont laissé derrière eux des familles qui ont besoin d’eux. C’est cet aspect qui m’intéressait dans la pièce. Ce sont les politiciens qui doivent trouver les solutions, car ce sont eux qui prennent des décisions qui vont au détriment des intérêts des peuples et aussi des pays d’où viennent la plupart des immigrés. Il suffit de voir la cartographie de l’immigration clandestine et les liens qui lient les pays occidentaux avec les régimes ou la situation dans ces pays, pour comprendre qu’ils ont leur part de responsabilité dans ce qui se passe. Beaucoup de personnes que j’ai interviewées m’ont dit qu’elles auraient préféré rester dans leur pays, mais n’avaient pas d’autres choix que de chercher une solution ailleurs. Cet ail-

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