FNH N° 1018

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SOCIÉTÉ

JEUDI 8 AVRIL 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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F.N.H. : Avec la covid-19, l’état de stress a-t-il considérablement aug- menté au sein de la population ? Pr A. B. : Il est évident que la pandémie de la «COVID-19» a eu un effet majeur sur nos vies. Beaucoup d'entre nous sont confron- tés à des défis qui peuvent être stressants, accablants et provoquer de fortes émotions chez les adultes et les enfants. Certaines mesures, telles que la distanciation sociale, sont nécessaires pour réduire la propaga- tion de la COVID-19, mais elles peuvent nous faire sentir isolés et seuls et peuvent augmenter le stress et l'anxiété. Ainsi, le stress peut causer un sentiment de peur, de colère, de tristesse, d'inquiétude, d'engour- dissement ou de frustration. Il peut égale- ment provoquer un changement d'appétit, d'énergie, de désirs et d'intérêts. Le stress peut également résulter en une difficulté à se concentrer et à prendre des décisions, des difficultés à dormir ou des cauchemars. Le stress peut également causer des réactions physiques, telles que des maux de tête, des douleurs corporelles, des problèmes d'esto- mac et des éruptions cutanées. Bien qu’il soit naturel de ressentir du stress, de l'anxiété, du chagrin et de l'inquiétude pendant la pandémie de la COVID-19. Il est important de se renseigner sur les façons et les pratiques qui pourraient aider à mieux gérer le stress durant cette pandémie. F.N.H. : Le cortisol est l'hormone du stress; les cellules du système immunitaire sont comme endormies à force de baigner dans cette hor- mone. Expliquez-nous ce procédé ? Pr A. B. : Le lien entre la fonction cortico- surrénale et l'immunité est complexe. En plus des effets néfastes bien connus de grandes doses pharmacologiques de glu- cocorticoïdes sur le processus immunitaire, il existe des preuves impressionnantes que des quantités modérées et physiologiques de cortisol, le principal glucocorticoïde nor- malement produit par le cortex surrénalien humain, sont nécessaires au développement et au maintien de l’immunité. Différencier les doses et les effets physiologiques (doses modérées) et des effets pharmacologiques (doses élevées) est important pour mieux comprendre l’impact des cortisols sur le système immunitaire. Le cortisol agit temporairement et transitoi- rement lorsque le facteur externe causant le stress que vous ressentez est de courte durée (lorsque vous êtes en retard pour un rendez-vous, par exemple). Dans ce cas, l'impact sur votre système immunitaire est

minime. Cependant, lorsque le stress dure plus longtemps, comme des jours ou des semaines, une augmentation considérable des niveaux de cortisol peut commencer à avoir des effets néfastes. Un taux de cortisol élevé inhibe votre sys- tème immunitaire en réduisant la production de globules blancs. Sans globules blancs, importants pour la détection et l’élimination de germes, votre réponse à une infection est beaucoup plus lente. Ainsi, de longues périodes d’élévation du cortisol peuvent vous exposer à des maladies auxquelles vous ne succomberiez pas autrement. C’est pourquoi il est courant de contracter un rhume après une période de stress intense. A titre d’exemple, les étudiants qui pré- parent les examens finaux, découvrent qu'ils développent un rhume dans les jours qui suivent la fin d'un trimestre universi- taire. Mais pourquoi ? Le facteur de stress (en l’occurrence examens finaux) initie la réponse au stress de leur corps. Les niveaux de cortisol augmentent et restent élevés pendant une période plus longue pendant qu'ils étudient, peut-être même pendant quelques semaines. Pendant cette période stressante, leur système immunitaire est supprimé/inhibé afin que leur cerveau puisse exploiter autant d'énergie disponible que possible pour lutter contre le stress sous forme d'examens finaux. Cette situation de faiblesse immunitaire fournit aux germes (et d’autres dangers éventuels) une ouverture facile pour infecter les tissus sains et provo- quer des maladies comme le rhume. Ainsi, les symptômes, qui sont en partie ressentis dans le cadre de votre réponse immunitaire, surviennent une fois que ces tests stres- sants sont passés. Les tests universitaires ne sont pas le seul type de stress à long terme, bien sûr. Vous remarquerez peut-être un scénario similaire dans votre propre vie. Déménager dans une nouvelle ville, avoir un bébé, changer d'em- ploi et d'autres défis de la vie sont tous des facteurs de stress courants à long terme. Et comme tout stress prolongé augmente le niveau de cortisol et inhibe l'immunité, les germes peuvent exploiter votre système immunitaire affaibli en ces temps de pres- sion intense. F.N.H. : Un stress excessif et accen- tué rend les cellules immunitaires hyperactives. Une fois modifiées, ces cellules sont astreintes à des réactions immunitaires pouvant conduire à une inflammation. Cela a été démontré par des chercheurs

Exemple pratique

La communauté scientifique s’intéresse aux effets du stress psychologique sur la santé, et cela depuis belle lurette. Des études ont notamment montré qu’en cas d’infection, le stress est associé à une efficacité réduite du système de défense immunitaire. Avec sa team, Sophie Ugolini, directrice de recherche INSERM au Centre d’immunologie de Marseille- Luminy, a cherché à expliquer biologiquement cette associa- tion. Les chercheurs se sont ainsi intéressés à des récepteurs exprimés à la surface de nombreuses cellules de l’organisme (dont les cellules immunitaires) et qui sont spécifiques des hormones du stress, l’adrénaline et la noradrénaline : les récepteurs ß2-adrénergiques. Voici les résultats d’une étude menée en mars 2020. Pour étudier leur rôle, l’équipe a d’abord mimé une situation de stress chronique chez des souris en administrant pendant 7 jours une molécule qui, comme les hormones du stress, sti- mule les récepteurs ß2-adrénergiques. Elle a ensuite exposé les animaux à un virus de la famille des herpès, le cytomé- galovirus MCMV. Le taux de mortalité des souris «stressées» qui avaient reçu la molécule, s’est alors avéré bien supérieur à celui des souris non traitées (90% contre 50%). Vers de nouvelles pistes thérapeutiques ? Les chercheurs ont notamment découvert que les récepteurs ß2-adrénergiques inhibent tout particulièrement la réponse de certaines cellules immunitaires, les cellules Natural Killer (NK). Stimulés par les hormones du stress, les récepteurs ß2-adrénergiques empêchent ces Natural Killer de produire un type de cytokine particulier requis pour permettre l’éli- mination des virus. En conclusion : ces travaux pourraient ouvrir des perspec- tives thérapeutiques. «Nous avons confirmé expérimentalement que les hormones du stress qui se lient aux récepteurs ß2-adrénergiques, réduisent la réponse immunitaire et que cela passe par une diminution de la production de certaines cytokines inflammatoires, requises pour l’élimination des virus. Les cytokines inflammatoires sont des molécules produites par les cellules immunitaires, favorisant ainsi l’élimination des virus», précise Sophie Ugolini.

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