FNH N° 1031

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 15 JUILLET 2021

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Portrait

◆ Abdessamad Bouysramne fait l’objet d’une expo- sition d’importance à la galerie Artem à Casablanca. Une ode au désordre infinie : «Tumulte». Le miraculé !

un sou neuf, il en savait davan- tage que ses camarades, à l’école, en tirait avantage, dans la plupart des matières, pour franchir, sans coup férir, les étapes du cycle primaire. S’acquittant brillamment des tâches scolaires, il cristallisait encore plus l’attention des parents. Il est bichonné, dorlo- té, chouchouté. «Mon enfance était portée par le sport. J’ai pratiqué le karaté et participé à plusieurs championnats natio- naux et régionaux, dont celle de la Kata (…) Etant champion à plusieurs reprises, je devais passer de la ceinture marron à celle noire, mais j’en étais privé faute d’âge» , raconte-t-il. Douze ans, l’âge le plus fra- gile, l’interstice entre enfance et adolescence. Persuadé que l’école était son unique planche de salut, Abdessamad mit une étonnante ardeur à ses études. Arrivé au tronc commun, il découvre qu’il a la scoliose, pathologie qui touche la colonne vertébrale. Déception. Doublement ligoté, il subit quelques mois après une entorse qui, allant jusqu’à la déchirure, le cloue au lit un bon moment. Revenant d’une deuxième opération, il n’affiche pas son incompatibilité d’humeur avec le moule enseignant, pendant que ses camarades mettaient à rude épreuve leurs méninges dans les solutionsdeproblèmes arithmétiques. Ayant opté pour les sciences, Abdessamad change de cap et bifurque vers les arts appliqués. «Ce n’était

L a dégaine de jeune premier, la mise assez bran- chée, Abdessamad Bouysramne semble être bien dans ses baskets. Ce qui est saisissant chez lui, c’est qu’il ne correspond nullement à la représentation convenue de l’artiste, car indé- niablement il en est un. S’il en possède indiscutablement la stature, il n’en adopte pas la posture. Ni outrecuidance, ni esbroufe, mais un franc par- ler attachant, une appréciation lucide de l’univers dans lequel il est immergé, celui des arts plastiques. Plaisirs et déplaisirs Son enfance ne le prédispo- sait nullement à cette vocation d’homme à pinceaux, brosses, toiles…A sa naissance en 1995, dans un de ces quartiers mar- rakchis sur les pesanteurs des- quelles se fracassent les rêves de mieux-être des familles en quête d'horizons moins hos- tiles, Derb El Hammam, son géniteur, un fqih, fit le serment de ne jamais laisser ce rejeton, ce don de Dieu, manquer de quoi que ce soit. Plus l’enfant grandissait, plus son père lui consacrait du temps, lui ino- culant des principes moraux et lui enseignant des règles de conduite exemplaires. C’est dans un contexte de fécondité affective que s’écoule la petite enfance d’Abdessamad. Studieux, poli et propre comme Par R. K. Houdaïfa

Une œuvre d'Ab- dessamad : Grey Tumulte, 2021, mixte sur toile, 80 x 80 cm.

que par pur hasard, souligne- t-il , car je ne savais que faire de ma vie (…) Le début a été dur, d’autant que je ne savais pas dessiner. Pour progresser, j’ai fait beaucoup d’exercices (avec une voracité insatiable et une frénésie compulsive – ndlr)», explique-t-il. Bac en poche, Abdessamad déserte son Marrakech natal pour se transplanter à Tétouan. L’Institut national des beaux-arts l’accueille-t-il à bras ouvert ? Loin s’en faut, il rebrousse chemin la peinture en pleine figure. C’est à l’école des beaux-arts de Casablanca qu’il obtient, en 2017, haut la main son diplôme. 26 ans et un talent incom- mensurable, récompensé par le 1er prix de la calligraphie contemporaine, honoré par le Roi Mohammed VI. Le lende- main de cette distinction qui lui est allée droit au cœur, il se réveilla comme le ravi de la crèche. Ebahi, heureux de vivre, comme il ne l’avait jamais

été. Consécration légitime, tant Abdessamad est méritant. Sa peinture. Pour qui désire s’extirper des torpeurs et moi- teurs estivales, pas une minute à perdre, il faut grimper dans ce train-là. S’abandonner aux doux enivrements instillés par certaines couleurs et par «ce qui ne se révèle ni par le tracé, ni par le pictogramme, ni par l’inscription, ni par le filigrane, ni par le pétroglyphe, encore moins par le palimpseste (dont le peintre avait attrapé le goût à force de se l’instiller telle une drogue douce –ndlr)» , lit- on dans le catalogue de l’ex- position «Tumulte» , offerte à voir jusqu’au 22 juillet à Artem Gallery. Ici, sont exposées les dernières compositions, aux côtés de tra- vaux intérieurs, dudit plasticien multidisciplinaire, embrassant les thématiques du tourbillon, du bruit, de la fureur et du mys- tère, de la colère, de la volonté de révéler le non-dit et d’en définir quelques contours. ◆

C’est à l’école des beaux- arts de Casablanca qu’il obtient, en 2017, haut la main son diplôme.

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