FNH N° 1093

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JEUDI 26 JANVIER 2023 FINANCES NEWS HEBDO

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◆ Le 18 janvier, est paru «Ben Yessef : singulartié et fortune d’une œuvre». Réalisée avec le soutien de la Fondation BMCI, cette monographie de 175 pages, rehaussée d’une pluie d’images, vise à faire un retour sur plus de cinquante années de création. Récit d’un salut par l’art. La vie à l’envi Portrait

dominé par les deux protectorats, français et espagnol. Cancre invétéré, Ben Yessef constate son manque d’affinités avec le moule ensei- gnant, car il n’a pas trouvé dans cette institution les outils qui devaient répondre à ses dispositions artistiques et lui per- mettre de les développer. Il ne tirait aucun profit de l’enseignement qui y était dis- pensé (hormis l’histoire et la géographie). Pour autant, il n’a pas renoncé à sa pas- sion, à savoir le dessin. A la grisaille de l’école, il s'y adonnait clandestinement, avec une foi rageuse, au détriment de sa participation aux cours. Ce qui lui a valu, à différentes reprises, de sévères sanctions, qui pouvaient aboutir parfois à des exclu- sions temporaires. Ahmed ne pouvait pas annoncer son engouement pour l’art à son père. Ce dernier, qui le surveille comme le lait sur le feu, ne l’entend pas de cette oreille. Il aurait souhaité qu’il accomplisse hono- rablement des études «sérieuses» pour devenir médecin. Après le collège Kadi Ayyad, l’adolescent Ben Yessef fit le mur et mit les voiles pour le lycée Jaber Ibn Hayyan, où seul l’éducation civique, qui avait un penchant artistique, a pu l’encourager dans ses démarches et ses pratiques secrètes du dessin. Pour l’amour de l’art L’artiste peintre Don Mariano Bertuchi (fondateur et directeur de l’école des Beaux-arts de Tétouan) arpentait d’un pas ferme rues et venelles de la ville puis, s’arrêtant net devant un paysage ou une scène vivant, posait au sol son chevalet pour reproduire ce qui s’offrait à ses yeux. Ahmed, qui avait pris l’habitude de suivre

A hmed Ben Yessef écume la scène picturale depuis plus d’un demi-siècle. De fait, serait- il malaisé de tenter de recons- tituer son itinéraire, tellement il est opulent. Tout au plus pourrions-nous en rappeler brièvement les saillies. Né en 1945 dans la médina de Tétouan, plus précisément dans la rue Seffar, au quartier Rzini, Ahmed se révéla un rêveur impénitent. Son notable père, très pieux et exigeant, dont la piété était légendaire, offre d’abord au petit Ben Yessef un séjour à l’école coranique ( msid ). Comme tout gamin, il s’y rendait la peur au ventre tant le fqih qui y officiait avait le fouet leste. Aussi, El Hadj Mohammed était intransigeant avec son fils pour l’appren- tissage du coran. Pour le contrôler, il lui faisait souvent réciter à la maison des sourates jusqu’au moment où Ahmed a pu apprendre le texte par cœur. Pris par le démon du dessin mais privé des moyens de satisfaire sa passion, le peintre en herbe sévit sur tout ce qu’il peut ramasser : papiers, cartons, cahiers… même sa planche en bois n’était pas épar- gnée. Pendant que ses camarades met- taient à rude épreuve leurs méninges dans le livre sacré, lui, rêvassait et traçait avec son rousseau taillé et imbibé d’encre brun foncé ( smakh ) des formes géométriques linéaires et imbriquées à l’infini au-dessus des versets. Cependant, il n’y allait pas faire de vieux os. Il franchit aussitôt les portes de l’école primaire (Institut libre de Tétouan). Là, il eut un apprentissage moderne des matières non enseignées au msid , et surtout prend conscience de la situation de son pays Par R. K. Houdaïfa

cet artiste andalou, employait l’essentiel de son temps à contempler insatiablement ses croquis et à scruter avec beaucoup d’intérêt et d’émotion, de ravissement et de minutie son mélange des couleurs ainsi que les techniques utilisées. La peinture, rien ne l’en distraira. Ahmed intègre l’école des Beaux-arts de Tétouan avec beaucoup d’assiduité et poursuit les cursus proposés en dessin, peinture, sculpture, etc., sans que ses parents s’en aperçoivent. Mais lorsque le président du comité des parents d’élèves du lycée informe le géniteur que son fils a arrêté les cours depuis quelques semaines sans justificatif, son père va se faire du mouron et voit son espérance rabotée. A partir de ce moment-là, Ben Yessef comptera sur lui-même afin de subvenir à ses besoins pour l’achat de ses habits et l’acquisition du matériel scolaire néces- saire à la poursuite de ses études artis- tiques. Les années passent, le père Ben Yessef demeure toujours opposé au choix de son fils de s’embarquer dans la galère artistique. En attendant qu’il s’amadoue, Ahmed Ben Yessef peaufine sa vocation, en réussissant dans toutes les matières. Il était surtout un excellent dessinateur;

Ben Yessef constate son manque d’affinités avec le moule enseignant, car il n’a pas trouvé dans cette institu- tion les outils qui devaient répondre à ses disposi- tions artis- tiques.

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