FNH N° 1093

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 26 JANVIER 2023

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Peinture à bras-le-corps Tout en se faisant un devoir d’éluder le pittoresque de convention, ce peintre nordiste donne des couleurs à son environnement familier : ruelles tor- tueuses et encombrées, scènes de la vie quotidienne prises sur le vif, gestes humains restitués avec réalisme. A la rue se substitue souvent la nature ou l’océan, pour laisser sa palette prendre le large. Les paysages, qu'ils soient naturels ou urbains, semblent satisfaire la soif expressive de Ben Yessef. Il s'attache à les exprimer dans une atmosphère chromatique très particulière. Il a l’exi- gence, la rigueur et l’intégrité du sen- timent. Ses paysages ont tendance à parler de plus que la réalité du moment, allant au-delà de la res- semblance vers la transcendance. Tout laisse croire qu’à travers ses paysages, il se raconte dans un genre d’autobiographie intime. Il ne s'agit certainement pas de détails, d’ailleurs on ne reconnaît pas les lieux, mais plutôt du sens du moment et de l'illumination de l'âme. L’exotisme de pacotille et la carte pos- tale réductrice ne sont pas de mise. Le réel, nous l’avons dit, se trouve transfi- guré, souvent magnifié par l’imaginaire du peintre. L’effet en est surprenant. La peinture de Ben Yessef dite «réa- liste» est admirable de subtilité, d’hu- manité, et de vérité. Elle est d’une invention poétique étrange et d’une grande sûreté plastique. ◆

La peinture de Ben Yessef dite «réaliste» est admirable de subtilité, d’humanité, et de vérité. Elle est d’une invention poétique étrange et d’une grande sûreté plas- tique.

La colombe, qui fait partie de son alpha- bet plastique, revient comme un leitmotiv sur ses toiles.

et c’est d’ailleurs le dessin qu’il choisit comme spécialité pour passer son exa- men final, qu’il réussit avec aisance et dextérité. Ahmed était obsédé par un rêve, celui de quitter son pays et sa famille, traver- ser la Méditerranée et partir à l’aven- ture… de vivre sous des climats plus cléments. Diplôme en poche, il décide de le réaliser. Pourvu seulement d’une petite somme d’argent gagnée de la vente de ses œuvres et poussé par une ambition sans fin, il réussit à intégrer l'Académie royale des Beaux-arts de Sainte-Isabelle de Hongrie (Espagne). La vie durant ses premiers mois à Séville fut très difficile. Étudiant le jour, Ahmed, par manque de moyens, dormait la nuit

lui octroya une petite aide financière afin de lui faciliter l’existence. A la fin de sa première année, il reçoit même une bourse du gouvernement marocain. Doué comme il était, il n’eut aucune peine à achever brillamment ses études et à s’imposer progressivement dans le monde de l’art. La suite semble écrite, comme inévitable : la reconnaissance, la consécration, les grandeurs d’établissement, les honneurs et le bonheur…

dans le froid sur des bancs en bois dans les parcs publics et ne mangeait pas à sa faim. Un jour, il s’effondra en classe et tomba gravement malade. De fait, la direction le renvoya aussitôt chez lui afin que ses

Parmi ses réalisa- tions célèbres : l'illustration sur le billet de banque marocain de 100 DH.

parents prennent en charge ses soins. La santé recouvrée, Ahmed reprend l’aventure et rejoint son école à Séville où il est classé parmi les meilleurs étudiants de sa promotion. Mais cette fois-ci, le père

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