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TRIBUNE LIBRE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 24 JUIN 2021
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tation a été déjà initiée et envisagée (avant et dans la Loi des Finances 2020-21), la digitali- sation ne peut être une solution magique, ni une réforme limitée aux aspects techniques. La transparence, l’accès à l’information, la redevabilité longtemps réclamés par la société civile et certains acteurs écono- miques rencontrent de fortes résistances de nature institutionnelle et politique. Ceci ne sera pas dépassé par la mise en place des plateformes et applications informatiques. Des progrès significatifs dans les domaines signalés sont des préalables pour une digita- lisation réussie. La fracture numérique risque aussi d’être à l’origine des inégalités socio- économiques pour une grande partie de la population (11 à 12 millions d’analphabètes, un chiffre qui est certainement plus grand pour l’analphabétisme numérique). Par ailleurs, les attentes des citoyens sur le plan du respect des libertés individuelles, collectives, économiques et politiques se situent probablement en tête de la hié- rarchie de leurs priorités et besoins. Leur absence entrave le développement humain et économique au niveau global. Que faut-il attendre de l’Etat, quand un acteur écono- mique ou politique est non conforme à la ligne officielle ? Quelle est son attitude à l’encontre du journaliste qui exerce correc- tement son métier, c’est-à-dire librement. Ils sont nombreux à être malmenés par les médias aux ordres, poursuivis par les «sécu- ritaires» et la justice en l’absence du respect des droits et règles élémentaires du droit ? Comment assurer le développement éco- nomique quand le choix est fait pour surin- vestir dans le sécuritaire et mobiliser des armadas de policiers et d’agents d’autorité pour empêcher de manifester pacifiquement des citoyens ? Dispositif utilisé également pour empêcher des enseignants ou d’autres acteurs socioéconomiques - notamment les enseignants contractuels - de réclamer leurs droits ou contester pacifiquement des mesures jugées injustes ? • L’enseignement et le capital humain Le rapport a confirmé ce que nous connais- sons déjà des objectifs non atteints : un niveau permanent très élevé d’abandons scolaires avec environ 432.000 abandons scolaires publics en 2018 sans aucune cer- tification, dont 78% relèvent des cycles pri- maire et collégial (Atlas territorial de l’aban- don scolaire, 2019). Ce chiffre est certai- nement en augmentation avec la gestion du système éducatif avec la pandémie. La question qui se pose, c’est que nous avons un flux croissant de jeunes sans véritable enseignement et formation qui s’ajoute aux
Le rapport a confir- mé ce que nous connaissons déjà des objectifs non atteints.
4,5 millions de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni en formation, et ne travaillent pas non plus (Neet). Comment ce déficit chronique en préparation du capital humain sera traité dans l’approche proposée du développe- ment ? La réforme de l’enseignement a depuis tou- jours été - en particulier depuis la fin de la décennie 1990 et l’adoption de la charte de l’éducation - un dossier entre les mains des hauts commis de l’Etat et accessoirement l’affaire des gouvernements successifs. La mise en œuvre non adéquate de la réforme et les échecs observés au niveau des résul- tats sont-ils attribuables aux ministres suc- cessifs ? Sont-ils attribués aux choix et au type de gouvernance adoptés ? Sans réponses à ces questions, la persistance des échecs est hautement probable, surtout que ce qui a été proposé par le rapport de la commission n’apporte rien de nouveau : du déjà proposé et expérimenté depuis 21 années de tentatives de réforme éducative. L’essentiel de ce qui est envisagé, est hypo- théqué par le développement et la valori- sation du capital humain (dans toutes ses dimensions y compris celles des libertés et des droits humains). Or, tous les indices disponibles dans ce domaine montrent que nous sommes engagés dans une perspec- tive opposée. Des consultations effectuées par la commis- sion, deux faits sont mis en avant : la frus- tration de citoyens et une perte de confiance dans l’action de l’Etat. Cependant, aucune explication n’est avancée sur les raisons de cette situation. Le rapport mentionne un témoignage jugé
poignant : «Il y a ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien». Dans la partie idéologique du rapport, ce Maroc de ceux qui n’ont rien est remplacé par un Maroc harmonieux, soli- daire, unifié…. Certains passages du rap- port parviennent presque à oublier le constat et les raisons qui sont à l’origine de la mise en place de la commission : une économie qui génère les inégalités et peu créatrice de richesse pour tous. Le Maroc serait solidaire, unifié autour des institutions du pays, tout en relevant que les Marocains ont perdu la confiance dans les institutions. Aucune explication n’est avancée du constat qu’ils soulignent : 10% des plus aisés concentrent encore 11 fois plus de richesse que les 10% les plus pauvres. Certains passages parlent des inégalités en forte croissance, mais aussi de réduction de la pauvreté. En fait, cette réduction n’est visible que dans les statistiques officielles parce que le seuil qui définit la pauvreté (monétaire) ne bouge presque pas (2 dollars par jour et par per- sonne). • L’économie de rente la corruption L’existence de la rente est reconnue dans le rapport, mais elle est réduite à un problème d’incitations, à un manque de régulation…, alors même que les acteurs et experts consultés convergent vers le constat d’une économie en partie verrouillée, favorisant les intérêts installés et la préservation de rentes. En fait, il est clair que l’économie de rente occupe une place centrale dans le système socioéconomique et politique. Elle est une composante du système politique, du fonc- tionnement de l’Etat. Sans cette dimension,
La mise en œuvre non adéquate de la réforme et les échecs observés au niveau des résultats sont-ils attri- buables aux ministres successifs ?
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