FNH N° 1028

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 JUIN 2021

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Lecture

◆ Les livres nous arrachent au triste enfermement de la vie privée, au cycle désespérant du travail et des loisirs. C'est pour cela qu'ils sont vitaux. ◆ Or, les enfants marocains ne sont pas portés sur la lecture. La cause : le prix des livres, bien sûr, mais aussi l'éducation. Le goût de la lecture se forme dès la petite enfance, mais aussi à l’école et autres lieux d’apprentissage. Une culture qui nous préserve des douleurs H enri, le protago- niste des Silences du libraire , roman de Marie-Pascale Laurent paru chez vie. Ils sont la vie même, mais, précise Danièle Sallenave, écrivaine, métamorphosée, éclairée, enrichie. « Chaque livre est une aventure qui me mène devant un moi- même étranger qui est plus moi que moi », écrit Edmond Jabès. Par R. K. Houdaïfa Désir de lecture, désir de jouis-

Denoél, a commencé à lire si jeune pour s'évader, pour se soustraire à ce qui l'ennuyait ou l'inquiétait. Devenu adulte, cet amant tourmenté de la litté- rature acheta une librairie à la seule fin d'assouvir sa passion de la littérature. Dès lors, il se coupa du monde réel et s'em- mura dans celui de l'émotion inventée. On ne saurait prendre exemple sur Henri, tant sa claustration dans son obses- sion l'a conduit à se détourner de la vie. Or, les livres ne sont nullement un refuge contre la

sance : lire c'est rechercher une intimité.

Dans son essai intitulé Le don des morts , Danièle Sallenave soutient une

thèse à laquelle il est difficile de ne pas souscrire : l'unité et la profondeur de toute vie sont dans l'appui et la force que lui donne la fréquentation des livres. Cette thèse repose non sur une idée abstraite, mais sur l'évidence sensible qu'il y a une douleur de la vie sans les livres. Ceux à qui les livres ont manqué, il leur manquera tou-

jours la pensée, l'expérience élargie, et la vie qui s'ouvre, où circulent les vivants et les morts. Que lire ? Telle est la question. Pour Kafka, « un livre doit être la

hache qui brise la mer gelée en nous ». Elsa Morante demande au livre la grâce difficile de répondre à nos questions les plus désespérées et les plus confuses. Francis Bacon ne goûte que les «classiques», parce qu'ils savent infuser len- tement leurs saveurs en nous. Cyril Connolly fréquente exclu- sivement les chefs-d'œuvre. Pour autant, convient-il de mettre au rebut les mauvais livres ? Non, proteste Emile Faguet, qui juge qu'il n'est pas inutile de retremper son goût pour les hommes d'esprit dans le commerce des imbéciles. La haine d'un sot livre a son prix si elle ravive en nous l'amour et la soif de ceux qui sont bons. Et cet amour-là est aussi inesti- mable que le temps de lire est précieux, dans la mesure où il est toujours, nous dit Daniel Pennac, du temps volé. Tout comme le temps d'écrire, ou le temps d'aimer. ◆

Partant du constat que la majorité des établissements scolaires ne dispose guère de bibliothèques, les Éditions Orion et ses partenaires ont lancé une campagne de don de livres afin de permettre au plus grand nombre d’élèves de les avoir sous le nez, de les lire… de vivre avec, surtout. Ainsi, dans chaque zone (Hay Mohammadi, Sidi Moumen, Ain Sebaâ, Sidi Bernoussi, Attacharouk, Ahl Loghlam, Lissasfa, Hay Hassani, Oulfa, Arrahma, Tit Mellil, Sidi Maârouf, Sbata, Les Roches Noires, Derb Moulay Cherif, Derb Soltane, Oulad Ziane, Ben Msik, Sidi Othman, Hay Essalama, Ain Chock, Bournazel, Mabrouka, Hay Al Farah, Benjdia et l’Ancienne médina), au moins cinq établissements seront dotés d’une bibliothèque. Cette action s’élargira, par la suite, à des régions comme Ain Harrouda, Mohammédia, Ben Slimane, Bouznika, Dar Bouazza, Oued Merzeg, Had Soualem, Berrechid, Bouskoura village et Sidi Massoud. Une fois que les localités proches deCasablanca seront alimentées, cetteopérationsepenchera également vers les villesplus proches et leurs régions. D’ici cinq ans, les initiateurs assurent vouloir toucher «tout le ter- ritoire national, de Tanger à Lagouira, d’Oujda à Figuig». * Pour ceux qui veulent accompagner cette action citoyenne, il suffit d’appeler le +212 637 428 618 et faire son don. Comment peut-on inoculer le virus de la lecture lorsque même les établissements ne sont pas, de nos jours, atteints ?

Les livres ne sont nul- lement un refuge contre la vie. Ils sont la vie même.

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