FNH N° 1089

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 15 DÉCEMBRE 2022

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protocole thérapeutique de la Covid-19. Souvent, il y a une confusion chez les patients entre la simple tension et la véri- table rupture. Les pénuries ont des origines mono ou multifactorielles. Les multiples facteurs peuvent être de nature économique (pression sur le prix des produits les plus anciens, caractère restrictif des appels d'offre publics...), industrielle (appro- visionnements en matières premières, problèmes de qualité...), réglementaires (renforcement des exigences des auto-

rités publiques liées à la fabri- cation), logistiques (délocalisa- tion des lieux de fabrication des matières premières et/ou des produits finis). Les pénuries de plus en plus fréquentes sont devenues un problème récur- rent pour les patients, les pro- fessionnels de la santé et pour

La pandémie du SARS-CoV-2 et la guerre russo-ukrainienne ont été riches en enseignements au sujet des souverainetés, en général, et de la souveraineté sanitaire, en particulier.

les autorités publiques dans beaucoup de pays, notamment en Europe depuis près d’une décennie. La pandémie de la Covid-19 n’a fait qu’amplifier sur une grande échelle ces pénuries, d’une part, en provoquant la fermeture de certains centres de production pharmaceutiques en Chine et en désorganisant les circuits logistiques d’approvisionnement entre l’Asie et le reste du monde et, d’autre part, en augmentant les besoins sur cer- tains médicaments, dispositifs et équipe- ment médicaux. Les effets d’une pénurie ne sont pas les mêmes, c’est selon la catégorie des pro- duits en cause. Une pénurie qui touche un produit dont il n’existe pas de similaires, est toujours plus grave que celle qui touche un produit dont il existe de nom- breuses alternatives, disponibles sous les mêmes formes d’administration et avec pratiquement des niveaux de prix très proches. Les pénuries les plus graves sont celles qui touchent des médica- ments d’intérêt thérapeutique majeur et, d’une manière plus générale, les médica- ments essentiels et stratégiques, surtout quand ces médicaments sont en situation de monopole et donc non généricables, ou ceux dont les ingrédients sont insuffi- samment disponibles, au niveau mondial, pour faire face à des demandes crois- santes. F.N.H. : Quelles sont les consé- quences conjoncturelles et struc- turelles du Covid-19 auxquelles le Maroc a pu faire face ? A. B. : A l’instar des autres pays, y

compris les plus développés, le Maroc a subi certains effets liés à la pandé- mie du SARS-CoV-2, mais à une échelle beaucoup moins importante que celles subies par d’autres pays, notamment en Europe. Celle-ci qui a connu des pénu- ries de grande ampleur, et ce en raison de leur forte dépendance des pays tiers, et notamment de la Chine et de l’Inde. Il faut rappeler que 40% des médicaments commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et 60 à 80% des ingrédients pharmaceutiques actifs sont fabriqués dans ces deux pays asiatiques qui, par ailleurs, produisent 60% du para- cétamol, 90% de la pénicilline et 50% de l’ibuprofène utilisé dans le monde. Il faut aussi rappeler que les pénuries n’ont pas vu le jour avec la Covid-19, mais qu’en revanche, celle-ci a amplifié les pénuries, ruptures de stocks ou ten- sions sur certains médicaments. En effet, ces problèmes d’approvisionnement ont commencé à s’installer de manière struc- turelle plusieurs années avant la pandé- mie. Peu de gens avaient alors compris le danger représenté par une dépendance de plus en plus forte vis-à-vis de pays tiers en matière de produits de santé aussi stratégiques que les dispositifs et équipements médicaux ainsi que les médicaments, et notamment pour les médicaments essentiels. Ainsi, les pénu- ries au sein de l’Union européenne ont été multipliées par 20, rien qu’entre 2000 et 2018. Dans le cas des médicaments du système nerveux, tels que l’épilepsie ou

la maladie de Parkinson ainsi que des cancers et les infections, les quantités disponibles étaient insuffisantes pour répondre aux besoins. Dans ce cadre, la Covid-19 a entrainé une forte demande sur certains médicaments, phénomène qui a été aggravé par la fragilisation de la chaîne d’approvisionnement de l’Europe à partir de l’Asie, et notamment de l’Inde et de la Chine qui fournissent près de 40% des médicaments à l’état fini commercialisés et consommés en Europe, et 80% des matières pre- mières pharmaceutiques utilisées dans le monde. F.N.H. : Y a-t-il un risque impor- tant pour que le Maroc subisse des pénuries des produits de santé ? A. B. : Aucun pays, aussi puissant soit-il, n’est à l’abri des pénuries des produits de santé. Toutefois, les pays occidentaux qui avaient choisi les délo- calisations de leurs industries pharma- ceutiques vers les pays asiatiques, pour plus de rentabilité et à cause de régle- mentations liées à l’environnement plus souples dans ces pays, sont aujourd’hui et à l’avenir, les plus exposés à ces risques. Quant au Maroc, il avait choisi dès les années 60 une trajectoire tota- lement opposée, consistant à aller vers plus de fabrication locale des produits de santé, et notamment de médica- ments. C’est ce qui explique la résilience de notre pays en matière d’approvision-

Le Maroc avait choisi dès les années 60 une tra- jectoire totalement opposée, consistant à aller vers plus de fabri- cation locale des produits de santé, et notamment de médica- ments.

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