Carillon_2020_01_23

DOSSIER

LES CÔTÉS MÉCONNUS DE L’ALZHEIMER

avaient la maladie. Ces équipes sont présentement à la recherche d’un vaccin pour la forme familiale jeune agressive de l’Alzheimer. Mais la recherche c’est souvent gris, ce n’est pas définitif; ça peut marcher pour certains individus, tandis que ça ne fonctionne pas pour d’autres et on ne sait pas pourquoi, a-t-il constaté. «Avec l’Alzheimer, ce n’est pas comme le cancer. On n’a jamais eu de clarté, du blanc ou du noir, c’est toujours gris. Tous les médicaments qu’on utilise aujourd’hui ne guérissent pas. Ils aident le cerveau à mieux fonctionner, mais ça marche chez environ 40 à 50% des patients, au début du diagnostic; pour le reste, il n’y a aucune amélioration. Mais la maladie continue inexorablement, même pour les patients qui voient une atténuation des symptômes pendant quelques années.» Jusqu’à 10 ans avant le déclenchement de la maladie, les chercheurs peuvent voir des changements notables en imagerie céré- brale, dans le cerveau des patients qui ne présentent pas de symptômes d’Alzheimer, grâce à des équipements très sophistiqués utilisés en recherche uniquement. Un autre grand enjeu de notre ère, ce sont les tests génétiques. «Les tests génétiques aujourd’hui, ça ne sert à rien finalement,

CRISTIANA MANDRU cristiana.mandru@eap.on.ca

Nous avons presque tous connu, dans nos familles, un membre qui a souffert de démence ou d’unemaladie dégénérative connexe. Ces hommes ou ces femmes, autrefois des enseignants, des manœuvres, des électriciens, des architectes, des commis de bureau, des ingénieurs, des auteurs… nos pères, nos mères… devenus le reflet de qui ils étaient autrefois. Pour janvier, le mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer, le docteur Judes Poirier, directeur du Programme de recherche sur le vieillissement, la cognition et la maladie d’Alzheimer, au Centre de recherche Douglas à Montréal, a aimable- ment consenti de parler de ce fléau de la société occidentale, pour le démystifier. «D’un point de vue tant socioéconomique que strictement inquiétudes personnelles dans la population, la maladie d’Alzheimer est devenue la première sinon la deuxième des plus importantes causes d’inquiétude, d’après le docteur Poirier. D’un point de vue purement statistique, on vit de plus en plus vieux en Occident, mais aussi à l’extérieur. L’espérance de vie ne cesse d’augmenter au fil des décennies.» Selon des statistiques effectuées par la firme Gallup aux États-Unis, il y a quelques années, les maladies qui terrifiaient le plus étaient le cancer, au premier rang, suivi par la maladie d’Alzheimer et ensuite les mala- dies cardiaques et les AVC. Cependant, pour une démographie plus âgée, de 55 ans ou plus, c’est l’Alzheimer qui occupe la première place, suivie du cancer et des maladies cardiaques. Globalement, en 2018, on estime que les frais directs et indirects engendrés par la maladie d’Alzheimer à l’économie mondiale ont dépassé 1 trilliard (1000 milliards) de dollars US, un chiffre impensable, remarque Dr Poirier. Ce ne sont pas seulement les malades, mais aussi leurs familles, leurs aidants naturels qui doivent s’absenter ou même arrêter de travailler pour en prendre soin. De plus, l’espérance de vie a presque doublé au cours des deux derniers siècles. Tandis qu’au XIXe siècle elle se situait à 45

ans (donc des risques nuls de développer la maladie à ce moment-là), à présent, elle a augmenté à 82-83 ans, tout en gagnant deux-trois ans d’espérance de vie tous les 10 ans, selon Dr Poirier. Au Canada, 750 000 personnes souffrent présentement de la maladie d’Alzheimer. On estime qu’en 2050, il y aura entre 1,5 à 1,7 million de nouveaux cas d’Alzheimer, de ce fait des augmentations de 100%. ALZHEIMER VERSUS D’AUTRES TYPES DE DÉMENCES Pour comprendre un peu mieux l’Alzheimer, il faut noter que c’est une des maladies dans la grande famille des maladies associées à la démence cognitive, la plus importante d’ailleurs, avec 60-65% des cas. Le reste des 35% se divise en d’autres types de démences, parmi lesquelles la démence vasculaire (15%), la démence fronto-temporelle, la démence à corps de Lewy, la démence de Creutzfeldt Jakob (apparentée à la maladie de la vache folle) ou bien d’autres formes de démences mixtes. La différence entre l’Alzheimer et les autres types de démence ne se situe pas au niveau des symptômes, qui sont sem- blables, mais au niveau de la façon dont elle évolue par rapport aux autres; c’est pour cela qu’il faut suivre l’évolution de ces maladies sur plusieurs années. Afin de mieux illustrer la différence entre la progression de chaque type de démence, Dr Poirier suggère d’imaginer les marches d’un escalier, donc plus à pic pour la démence de type vasculaire, et une pente de ski, donc

plus lente, pour l’Alzheimer. Cette dernière évolue plus lentement, entre huit à 12 ans, tandis que les autres types de démences peuvent évoluer très rapidement, comme dans le cas de la démence fronto-tempo- relle, qui rend les individus plus agressifs et entraine un handicap physique et une perte d’autonomie, pouvant aller de deux ou trois ans jusqu’à cinq ou sept ans; la démence à corps de Lewy, de quatre ou cinq ans, jusqu’à sept ou huit ans.

parce qu’on n’a rien à offrir», selon Dr Poirier, qui les décon- seille fortement pour plusieurs raisons. Si vous avez un traite- ment qui va guérir une maladie, ça vaut la peine de passer un test génétique. Mais pour le moment, ce n’est pas éthique, considère-t-il, parce que c’est une condamnation à mort et on n’a pas de traitement, on n’a pas de prévention. Passer un test pour voir si on a hérité d’un gène défectueux ou d’un gène de risque à 70-75% ne veut pas dire que le patient va développer la maladie (dans ce dernier cas), ça ne change rien puisqu’on n’a rien à offrir, rien pour prévenir; les seuls médicaments qui peuvent amé- liorer les perspectives le font pendant quelques mois, voire un an ou deux, mais la maladie

Il y a deux formes de la maladie d’Alzhei- mer: l’une, plus rare, nommée familiale, qui se manifeste à un plus jeune âge, qui fait hériter des gènes défectueux; l’autre, nommée commune, constituant la grande majorité des cas, qui se présente à partir de 65 ans. La première présente une incidence totale de seulement 1 à 2% dans la population, avec une certitude de 100% de la dévelop- per lorsqu’on a hérité ce gène défectueux, tandis pour que la commune, il n’y a pas de gène causatif, mais un gène de risque. Donc on hérite les gènes de risque (faible, modéré ou élevé) de développer la maladie, mais pas la maladie, selon Dr Poirier. ÉTAT ACTUEL DE LA RECHERCHE L’équipe de recherche de Dr Poirier et quatre autres équipes dans le monde entier, en Europe (France, Angleterre et Allemagne) et aux États-Unis ont décidé de suivre des jeunes patients qui ne pré- sentaient aucun symptôme d’Alzheimer, mais dont un parent ou le frère ou la sœur

revient automatiquement. Donc moi, je n’encourage pas les gens à faire des tests génétiques en dehors de la recherche (et là, on ne révèle pas les résultats), où on a besoin de faire ça pour étudier et com- prendre la maladie. Mais dans la vie de tous les jours, ça donne quoi, puisqu’on ne peut rien faire?» Du point de vue légal, Dr Poirier déconseille aussi énergiquement aux gens de faire des tests génétiques, puisque le Canada est le seul pays du G7 où on n’est pas protégés contre l’invasion de nos vies privées par les compagnies d’assurance ou d’autres entités (employeurs qui ne voudraient plus nous embaucher, entre autres), dans les mains desquelles nos analyses génétiques pourraient bien tomber, ce qui causerait de la discrimination envers nous-mêmes autant qu’envers tous les membres de notre famille qui partagent nos gènes.

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