Finances News Hebdo N° 1074

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

VENDREDI 29 JUILLET 2022

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L’Italie de nouveau dans la tourmente M ario Draghi, ou «Super Mario» pour certains, a fini par jeter l’éponge. Le Premier ministre italien a présenté sa Par Omar Fassal *

démission au Président Mattarella. Le gouvernement d’unité nationale ras- semblé par Mario Draghi s’est effrité. Dans la foulée, le président a dissous le Parlement pour convoquer de nou- velles élections, pour septembre ou octobre au plus tard. Draghi restera naturellement en charge des affaires courantes, le temps qu’un nouveau Premier ministre soit désigné, et qu’un nouveau gouvernement entre en action. Draghi était arrivé au pouvoir en pleine tempête du Covid-19, en février 2021. Son arrivée avait rassuré les investis- seurs, les marchés financiers, et même redonné espoir aux Italiens. Un homme pragmatique, pas un politique, fort de son expérience de gouverneur de la Banque d’Italie et de la Banque cen- trale européenne. Il se devait de réfor- mer un pays aux difficultés multiples et chroniques, en vue de l’orienter vers une trajectoire de reprise similaire à celle des autres pays européens. Au menu, un programme pour doper la compétitivité du pays et réduire la bureaucratie, en vue d’encourager l’in- vestissement et stimuler la croissance. Ces réformes font l’objet d’un accord avec la Commission européenne; en échange, l’Italie a accès au fonds pro- venant du fonds de reprise post-pan- démie pour relancer son économie. Ce fonds gère 750 milliards d’euros, dont 200 milliards sont alloués à l’Italie. D’ici la fin de l’année 2022, l’Italie doit accomplir 55 réformes économiques et administratives, en vue de déblo- quer la prochaine tranche de finance- ment d’une valeur 19 milliards d’euros. Ces réformes, elles sont au cœur de la discorde qui a mis fin à la coalition. En effet, Mario Draghi a demandé cette semaine aux partis de la coa- lition de réaffirmer leur engagement pour les réformes, mais plusieurs par- tis n’ont pas répondu à cet appel.

Le Premier ministre italien Mario Draghi a présenté sa démis- sion au Président Mattarella.

Ils refusent plusieurs mesures, parmi elles le paquet relatif à la promotion de la compétition (avec par exemple une réforme des agréments de taxis, une réforme des agréments d’occupation de plages par les restaurants…). Au lieu de cela, ils ont boycotté le vote de confiance en son gouvernement. La coalition a volé en éclats. Le gouver- nement de Mario Draghi aura duré un an et six mois; aujourd’hui, le bilan est mitigé. Pourquoi ? Principalement, parce que le temps pour réformer fut trop court, ce qui éclaire sur l’une des difficultés struc- turelles de l’Italie d’aujourd’hui : l’ins- tabilité gouvernementale persistante. Depuis le début des années 80, la durée moyenne des gouvernements italiens est de 502 jours, moins d’un an et demi. Les gouvernements majo- ritaires durent en moyenne 820 jours, à peine 2 ans et 3 mois. Depuis 1944, plus de 70 gouvernements se sont succédé, soit près d’un nouveau gouvernement par an. Cette insta- bilité vient du fait qu’au milieu des années 1940, les partis italiens qui vont construire la démocratie après 20 ans de fascisme, ne se faisaient pas confiance les uns les autres. Ils ont

donc conçu un système qui ne permet pas à un parti de durer au pouvoir. Les garde-fous sont trop nombreux, au point de devenir contreproductifs et de provoquer de l’instabilité. Par exemple, le poids des deux chambres du Parlement (l’assemblée nationale et le sénat) est identique. Chaque texte de loi doit être validé par les deux chambres. Si les deux chambres ont des majorités différentes, cela mène à des blocages. Dans les autres pays par exemple, l’assemblée nationale a généralement l’ascendant sur le sénat en cas de désaccord, pour ne pas pro- voquer de blocages. Peu importe l’indicateur économique que l’on considère, l’Italie est systé- matiquement moins performante que ses pairs européens. La croissance réelle prévue pour 2022 est de +2,2% en Italie contre +2,8% au sein de la zone Euro; le taux de chômage atteint 9,3% en Italie contre 7,3% dans la zone Euro; le déficit budgétaire se fixe à -6% du PIB contre -4,3% pour l’Eurozone; et enfin, la dette publique culmine à 150% du PIB contre 95% pour l’Eurozone. Au niveau de l’infla- tion, l’Italie est en ligne avec les autres pays européens : elle a enregistré un

Juste après l’annonce du départ de Draghi, le taux d’intérêt sur la dette italienne à 10 ans a aug- menté de 22 points de base à 3,6%.

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