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ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
VENDREDI 18 SEPTEMBRE 2020
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Jusqu’à quel point l’Etat
est-il prêt à s’enga- ger via la dépense et la com- mande publique ?
de réanimation disponibles n’ont été mobi- lisés qu’à hauteur de moins de 5%, vu que le nombre de cas graves n’a représenté que 14% de l’ensemble des personnes diagnosti- quées positives. Le millier de médecins spé- cialisés en réanimation et anesthésie reste, quant à lui, insuffisant et témoigne, d’une manière générale, de la carence profonde en ressources humaines. La recherche scienti- fique dans le domaine de la santé, pour sa part, souffre d’un grand besoin d’être boostée pour s’associer, avec les laboratoires du reste du monde, à la mise au point de traitements et autres vaccins. Aussi, même si le déficit budgétaire pour l’année 2020 sera important (estimé à environ 7% du PIB, voire plus), celui-ci va contribuer à permettre d’atténuer le choc de la crise sur la croissance, dont le niveau serait bien plus bas en l’absence de maintien de l’investissement public. S’agissant de la préparation du Budget 2021 et des prochaines années, il serait judi- cieux de «programmer» un déficit budgétaire autour d’un taux qui soit bien entendu soute- nable (5% à titre d’exemple). Il ne s’agit pas de s’engager dans une course effrénée à la dépense publique et s’adonner au gaspillage et à la gabegie, mais de bien planifier cette dépense publique en fonction des priorités du pays, et surtout des secteurs, et rationnaliser ce qui doit l’être. En termes de financement de ce déficit, le Maroc a encore une certaine marge de manœuvre en termes d’endettement, et cela même si le niveau de la dette publique rap- porté au PIB devrait, selon les estimations pour 2020, dépasser les 80%. Aussi, pour un certain nombre de considérations, il serait plus judicieux de recourir à la dette publique interne, à travers, par exemple, la mobilisation d’une partie de l’épargne nationale et la mise en place d’un vaste emprunt national. La mise en place de bons du Trésor Covid-19 serait, à ce titre, une piste intéressante à explorer. F.N.H. : A votre avis, quelles sont les principales interrogations soulevées par la crise, notamment sur le plan macroéconomique au Maroc ? T. E. M. : S’agissant du Maroc, un certain Le principal levier existant pour empêcher un effondrement général de l’économie reste l’investisse- ment public.
nombre de questions de fond se posent et auxquelles l’ensemble des parties pre- nantes concernées (gouvernement, secteur privé, cercles de réflexion…) doivent tenter d’apporter des réponses pertinentes. Il s’agit, à titre indicatif (et non exhaustif), des ques- tionnements suivants : va-t-on rompre avec les dogmes économiques du passé ? Jusqu’à quel point l’Etat est-il prêt à s’engager via la dépense et la commande publique ? Va-t-on programmer et assumer des déficits budgé- taires ou resterons-nous sur l’attitude du bon élève du FMI ? Va-t-on activer de nouveaux leviers de financement pour la relance ? Quel rôle devra jouer Bank Al-Maghrib et la poli- tique monétaire en général dans cet effort de relance ? Faut-il mettre en place une réforme fiscale qui viserait à relever le niveau des recettes de l’Etat, à améliorer la compétitivité des TPE et PME, à soutenir le pouvoir d’achat des classes moyennes qui seront laminées par cette crise et à financer la protection et la solidarité sociale pour tous ? Comment faire face à la vague de relocalisation mondiale qui s’annonce ? Faut-il infléchir notre politique de libre-échange, renégocier les ALE ? Faut- il mettre une dose de protectionnisme dans certains secteurs ? Se lancer dans une poli- tique de substitution aux importations ? Dans quelles niches industrielles faut-il orienter l’investissement privé ? En somme, s’il est une leçon à tirer de cet épisode épidémique pour la refondation de notre politique économique, c’est qu’il devient nécessaire à l’avenir d’œuvrer à la consolida- tion des capacités de résilience de l’économie et la société face aux chocs de toute nature. De tels chocs sont multiples et porteurs de
risques majeurs et de différents ordres : sani- taire, climatique, environnemental et même technologique. Les risques financiers qui sont à l’origine de dogmes ancrés dans les esprits depuis plusieurs décennies deviennent de plus en plus insignifiants face aux effets dévastateurs à moyen et long terme des crises sanitaires ou des changements clima- tiques. Aussi, s’il fallait choisir entre l’équilibre des comptes publics et la santé de la popula- tion ou la durabilité de l’environnement, il ne peut y avoir la moindre hésitation. L’enjeu est la survie de l’espèce ou, à défaut, des condi- tions de cette survie. F.N.H. : Quel regard portez-vous sur la politique économique menée par l'Etat afin de permettre au pays d'ab- sorber les chocs induits par la crise actuelle ? T. E. M. : Face à l’ampleur et au caractère iné- dit de cette crise qui a pris le monde entier de court, il convient de saluer l’action de l’Etat, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, dans la gestion de celle-ci. En effet, depuis la fer- meture progressive des frontières aériennes, début mars, et jusqu’à la mise en place de l’état d’urgence sanitaire le 20 mars dernier, reconduits à plusieurs reprises, l’action de l’Etat marocain, multidimensionnelle, a été extrêmement vigoureuse en termes de capa- cité de réaction, de mesures fortes mises en place, et cela à différents niveaux. Sur le plan sécuritaire, la politique de confinement obligatoire, assez bien respectée à l’échelle nationale malgré des relâchements parfois, a vraisemblablement évité le pire en matière de décès (on parle de 500.000 cas de contami-
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