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F. N. H. : Mais ne trouvez-vous pas que notre dette a déjà atteint un niveau alarmant ? M. B. : C’est vrai que le déficit du Trésor dépassera les 7% du PIB cette année, venant ainsi alimen- ter notre endettement public qui a dépassé les 100% du PIB. On peut comprendre que devant une situation exceptionnelle, il faut une stratégie exceptionnelle. Mobiliser l’épargne nationale. Emprunter à l’étranger aussi, quitte à voir ses indicateurs macroécono- miques (déficit du Trésor, déficit courant, taux d’endettement) s’ag- graver pendant quelque temps…, dans la mesure où le pays bénéficie d’une bonne crédibilité à l’interna- tional, de taux d’intérêt bas avec de longues durées. Mais, à mon avis, le problème ne réside pas dans la dette. Mais de savoir ce qu’on en fait. Si c’est pour investir par exemple dans le capital humain pour améliorer notre pro- ductivité, cet investissement géné- rera un cash-flow suffisant pour la rembourser ! Quelle que soit la situation, des entreprises qui fer- ment définitivement auront un coût pour le pays bien plus élevé. F. N. H. : Mais cette politique d’injection de fonds ne devrait-elle pas s’inscrire dans une vision globale en interaction avec d’autres mesures ? M. B. : Effectivement. Si on injecte de l’argent massivement sous diffé- rentes formes sur le marché, il faut

accompagner cette action, dans un esprit de patriotisme, par un sou- tien évident aux entreprises indus- trielles nationales, en leur donnant par exemple la priorité au niveau des marchés publics. Relancer la construction par exemple aura un effet induit sur les autres secteurs, y compris l’informel, à condition évidemment que tous les inputs liés à la construction, comme la menui- serie, les carreaux, le fer rond, le sanitaire, les fenêtres en alumi- nium…, soient fabriqués par des entreprises marocaines. Ce n’est pas le cas aujourd’hui ! Notre devise doit être : Morocco first ! Autrefois, le tableau des échanges intersectoriels de Leontief figurait dans nos programmes d’enseigne- ment et permettait de mettre en évidence les liens entre les secteurs et les branches. Sous sa forme éco- nométrique, c’est un excellent ins- Aujourd’hui, on a besoin de planification comme autrefois. Une nouvelle forme de planification qu’il reste à inventer et qui met en perspective nos stratégies indus- trielles sur le moyen et long terme.

trument de prévision et de prise de décision. Aujourd’hui, on a besoin de planification comme autrefois. Une nouvelle forme de planifica- tion qu’il reste à inventer et qui met en perspective nos stratégies indus- trielles sur le moyen et long terme. A mon avis, pas de développement cadré sans planification cadrée. F. N. H. : Dans ce contexte, comment pour- raient évoluer nos relations économiques avec nos principaux partenaires, surtout à un moment où l’économie mondiale est entrée dans une phase marquée par la rupture des chaines de valeurs mondiales ? M. B. : Le sujet est important. Nous savons que la mondialisation s’est construite sur la base de la divi- sion internationale du travail et des avantages comparatifs, tels qu’ils ont été développés par Adam Smith et Ricardo. Chaque pays s’est spé- cialisé dans le produit ou le service où il est le plus compétitif. Ainsi, aujourd’hui, une voiture, un avion ou un jean s’assemblent dans un endroit vers lequel on achemine tous ses composants fabriqués un peu partout dans le monde. Chaque pays devient ainsi dépendant des autres pays pour ses approvision- nements. La fabrication d’une voi- ture implique aujourd’hui 34 pays. La crise du coronavirus a mis en évidence la fragilité des chaînes de valeurmondiales : quand la produc- tion s’arrête dans un pays, toute la

Pour Mohamed Berrada, «Notre devise doit être : Morocco first !».

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13 HORS-SÉRIE N°42 / FINANCES NEWS HEBDO

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